35 heures dans les CHR
Qualifiée de "négociation de la dernière chance", la réunion de la commission mixte paritaire du jeudi 11 janvier était la dernière sur la réduction du temps de travail dans les CHR. L'enjeu de cette négociation est de parvenir à un accord entre salariés et employeurs, faute de voir le ministère trancher en publiant un décret qui risque d'imposer les 39 heures à toutes les entreprises des CHR, et ce, sans le bénéfice des réductions de charges sociales. Solution qui pénaliserait autant les salariés que les employeurs.
A l'ordre du jour, deux
propositions patronales devaient être soumises à l'examen des salariés. Celle de l'Umih
prévoyait un accord sur la base de 39 heures, accompagné de la mise en place d'un
observatoire national paritaire chargé d'évaluer la faisabilité d'une nouvelle
réduction du temps de travail pour la profession. Ce projet, déjà rejeté par les
salariés à la dernière réunion faute de modification, n'a pas été examiné. C'est
donc la seule proposition commune regroupant le SFH et le SNRLH, rejoints par la CPIH puis
par l'Upac, qui a été discutée. Elle consiste en un projet d'accord sur la mise en
place d'une RTT avec un échéancier qui prévoit les 35 heures au plus tard en 2008 pour
la profession. A la demande des salariés, le collège patronal a accepté l'idée d'une
mise en place plus rapide, c'est-à-dire la réduction d'une année pour chaque étape de
l'échéancier avec comme date butoir le 1er janvier 2007.
Une réunion où l'accord patronal ne s'est pas fait puisque, à mi-séance, l'Umih, le
GNC et la Fagiht quittent la table des négociations. Jacques Jond, président de la
Fagiht, "regrette une certaine collusion entre les syndicats patronaux et
salariés. Nous nous trouvons devant un processus de déstabilisation des entreprises
hôtelières, et surtout une remise en cause fondamentale de leur fonctionnement avec un
projet qui prévoit un échéancier de réduction de huit heures de travail. C'est la
raison pour laquelle la Fagiht se dissocie d'une telle démarche".
De son côté, André Daguin, président de l'Umih, déplore que son texte ait été
refusé par les salariés. "Nous sommes allés aussi loin qu'on pouvait avec les
aides qui nous accompagnaient. Nous ne sommes pas contre l'idée d'amener tout notre
personnel au droit commun, mais à la condition d'avoir la certitude d'avoir les aides
correspondantes. Il faut être naïf pour croire que la condition suspensive de l'accord
interrompra le processus de la réduction de 39 heures à 35 heures, si la profession
n'obtient pas des aides spécifiques."
Pour les quatre organisations patronales que sont le SFH, le SNRLH, le CPIH et l'Upac, le
projet de RTT pour arriver à 35 heures hebdomadaires résulte de plusieurs constats.
"La loi sur la réduction du temps de travail s'impose à notre secteur comme aux
autres. Actuellement, 20 % des emplois ne sont pas pourvus du fait de la mauvaise image de
nos métiers, essentiellement due aux conditions de travail. Attendre la publication d'un
décret à 39 heures est dangereux. Le ministère nous a réaffirmé que, s'il devait
trancher avec un décret, il n'y aurait pas d'aides financières pour les entreprises des
CHR. Seul un accord de branche permettra d'obtenir ces aides, c'est la raison pour
laquelle notre projet prévoit une réduction en deux étapes. Une première étape qui
instaure une réduction de 43 heures à 39 heures, nous permettant de bénéficier des
aides instaurées par la loi Aubry. Puis une seconde étape de 39 heures à 35 heures qui
est conditionnelle, car liée à l'obtention de baisses de charges sociales spécifiques
qui rendront le coût de cette réduction le plus neutre possible pour les entreprises de
notre secteur. Faute de l'attribution de ces aides, le processus de RTT
se verrait interrompu à 39 heures."
Une avancée sociale, mais des points doivent êtres précisés
En l'état actuel du texte, la CGT reconnaît et apprécie l'avancée sociale de ce
projet, mais ne prendra sa décision sur la signature qu'après avoir pris connaissance de
sa mouture définitive qui lui sera communiquée dans un mois. Cette décision dépendra
de la consultation de sa base à qui va être soumis le texte. "On est loin d'une
signature, sauf si la base reconnaît l'avancée sociale de ce projet qui nous fait
revenir dans le droit commun, mais il reste encore trop d'incertitudes, notamment sur la
grille des salaires, sans parler de la suppression des avantages en nature."
Quant à la CFDT, à l'instar de la CGT, ses représentants ont demandé un délai d'un
mois pour consulter leur base afin d'obtenir leur position sur la signature de ce texte.
"Cette approche patronale nous convient, nous attendons la version définitive du
projet pour réunir une commission de branche et l'équipe nationale de négociations des
CHR afin d'avoir une lecture collective pour donner notre avis."
Pour la CGC, le problème des avantages en nature doit être précisé. Mais le principal
point de blocage pour cette organisation syndicale concerne le statut des cadres
dirigeants défini dans le projet. "Dans cette définition très large, sont
inclus les directeurs de restaurant et d'hôtel. On ne peut pas accepter que cette
catégorie de salariés soit sorti du droit du travail en ne bénéficiant pas de la
réglementation sur le temps de travail, surtout quand cela concerne un directeur d'un
petit établissement de 20 salariés."
Ceux qui ne veulent pas signer l'accord
FO se déclare très déçue par l'issue de cette ultime réunion, en raison notamment du
départ de l'Umih de la table des négociations, mais surtout de la proposition des trois
organisations patronales qu'elle juge inacceptable. FO a déjà indiqué qu'il ne
signerait pas ce texte. Les principaux motifs de son refus, "la remise en cause
des avantages en nature, ce qui entraîne une diminution du salaire brut de 800 F. Il y a
donc une réduction du temps de travail avec perte de salaire. Le principe du maintien du
salaire n'est pas garanti avec une grille de salaires horaire, cela veut dire que les
rémunérations seront forcément diminuées dans une profession qui bouge beaucoup, les
nouveaux embauchés seront rémunérés sur la base de 35 heures payées 35".
Quant à la CFTC, elle déclare "qu'elle ne signera pas le projet en l'état",
même si elle reconnaît que, dans ce texte, il y a des améliorations par rapport au
texte initial. La CFTC rappelle sa position qu'elle a réaffirmée en début de séance,
à savoir "une application immédiate de la loi Aubry II pour les entreprises de
plus de 20 salariés, et l'ouverture de négociations pour définir les modalités
d'application de cette RTT afin de tenir compte des particularités de la profession."
P. Carbillet
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Voici un aperçu du projet de réduction du temps de travail qui a été soumis aux salariés lors de la réunion du jeudi 11 janvier.
Le calendrier de la réduction du temps de travail
* Entreprises qui sont à 43 heures, de + de 20 salariés :
41 heures à compter de la date d'application du présent avenant
39 heures au 1er janvier 2002
38 heures au 1er janvier 2003
37 heures au 1er janvier 2004
36 heures au 1er janvier 2005
35 heures au 1er janvier 2006
* Entreprises qui sont à 43 heures, de - de 20 salariés :
41 heures au 1er janvier 2002
39 heures au 1er janvier 2004
37 heures au 1er janvier 2006
35 heures au 1er janvier 2008
* Entreprises qui sont actuellement à 39 heures, de + de 20
salariés :
38 heures à compter de la date d'application du présent avenant
37 heures au 1er janvier 2002
36 heures au 1er janvier 2003
35 heures au 1er janvier 2004
* Entreprises qui sont actuellement à 39 heures, de - de 20
salariés :
37 heures à compter du 1er janvier 2004
35 heures au 1er janvier 2006
Les CHR passeront de 39 heures à 35 heures sous la seule
condition d'obtenir des aides spécifiques
Dans la mesure où la réduction du temps de travail dans les CHR, de 43 heures
à 35 heures, correspond au double de celle imposée aux entreprises de droit commun, le
patronat demande à ce que les entreprises du secteur bénéficient d'aides spécifiques
afin de rendre le plus neutre possible le coût d'une telle réduction. C'est à la seule
condition que la profession obtienne de telles aides que le passage de la réduction de 39
heures à 35 heures sera possible. Dans le cas où des mesures d'accompagnement ne
seraient pas accordées, le processus de réduction du temps de travail entre 39 heures et
35 heures ne serait pas mis en place.
Suppression du Smic hôtelier
A partir du moment où l'industrie hôtelière appliquera le droit commun,
c'est-à-dire les 35 heures, il est prévu que l'obligation de nourrir le personnel soit
supprimée. Ces syndicats patronaux considérant que cet avantage est lié aux horaires de
travail supérieurs à la durée légale. La profession n'aurait plus un Smic particulier,
celui-ci devrait être calculé conformément aux dispositions du droit commun.
Définition des cadres
Trois catégories de cadres sont définies, les cadres dirigeants, les cadres
intégrés et les autres cadres.
Les cadres dirigeants étant ceux auxquels sont confiées des responsabilités dont
l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps
et qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome, et dont la
rémunération se situe au niveau le plus élevé de celle pratiquée dans l'entreprise.
Cette catégorie de cadres correspond au directeur d'hôtel ou de restaurant. Ils sont
exclus de l'application de la loi relative au temps de travail, ils ne peuvent donc
bénéficier d'heures supplémentaires.
Les cadres intégrés, qui correspondent au personnel d'encadrement, sont soumis à la
durée du travail applicable à l'entreprise, mais il est possible de conclure une
convention de forfait qui inclut les majorations pour heures supplémentaires.
Quant à la catégorie 'autres cadres', ils doivent bénéficier de la réduction du
temps de travail.
Maintien du salaire
Ce projet d'accord prévoit que la réduction du temps de travail ne doit pas
diminuer le salaire du personnel au fixe.
Cette garantie de salaire sera assurée par le versement d'un complément
différentiel. Celui-ci sera égal à la différence entre le montant du salaire de base
antérieur et le produit du taux horaire en vigueur à la date de la réduction du temps
de travail par le nombre d'heures correspondant à l'horaire collectif qui sera alors
applicable.
Le projet prévoit une réactualisation des taux horaires bruts de la grille de
salaires. L'échelon 1 du niveau I est fixé à 42,02 F (soit le Smic actuel) pour
atteindre 61,50 F à l'échelon 3 du niveau III.
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L'HÔTELLERIE n° 2701 Hebdo 18 Janvier 2001