A la veille du dernier réveillon du millénaire,
et alors que les lampions brillaient de mille feux sur Les Quais fleuris de Quimper, entre
le théâtre et la préfecture en passant par le palais de l'évêché, les eaux en furie
ont ravagé tout le centre-ville et en particulier les quais de l'Odet, un des quartiers
les plus riches en bonnes tables.
Le témoignage d'une commerçante, aujourd'hui âgée de 77 ans, illustre bien la surprise
qui fut celle des habitants du centre-ville de Quimper, particulièrement ceux du quartier
de la gare : "Ne vous inquiétez pas. On n'a jamais été inondés ici. Même pas
après la crue de 1995 qui avait pourtant envahi la gare, l'autre coté de l'avenue."
Aucun ne s'attendait à une telle catastrophe. Propriétaires du Patio, un restaurant de
35 couverts, avenue de la Gare, Josiane, la Douarneniste, et Christian Gounel, le
Parisien, n'avaient donc aucune crainte quand le journal local annonça un risque de
débordement de la rivière Odet comme il s'en produit chaque hiver. Malheureusement, ce
12 décembre 2000, la pluie ne cessait de tomber depuis plusieurs semaines. On calculera
plus tard qu'en quatre mois, le Finistère a recueilli les deux tiers de sa pluviométrie
annuelle ! Et si la température moyenne s'est révélée supérieure de 7 °C à la
normale, ce fut une bien mince consolation.
Le congélateur flottait
Car les restaurateurs ont d'abord été contraints de fermer leur restaurant ce soir du 12
décembre, les canalisations d'eaux pluviales dégorgeaient partout et inondaient les
rues. A minuit et demi, il n'y avait guère que 50 cm d'eau dans la salle à manger. A
cette heure, la crue devant logiquement redescendre puisque c'était l'heure de la marée
basse dans la ria de Quimper. Ils sont montés se coucher. La mauvaise surprise est venue
pendant la nuit. La campagne en amont de Quimper - comme de Morlaix, de Pont-Aven, de
Châteaulin ou de Quimperlé d'ailleurs - avait tellement reçu d'eau que l'inondation
s'est prolongée toute une partie de la nuit et la crue n'a commencé à redescendre qu'au
petit matin. Sur les coups de 3 heures, Josiane Gounel a été réveillée par un bruit de
vaisselle... Elle est descendue et c'est alors qu'elle a découvert, à la lueur de sa
lampe de poche, des verres et des assiettes qui nageaient et s'entrechoquaient dans la
salle du restaurant. Il y avait 1 m d'eau. Même le congélateur flottait !
Bien indemnisés
L'expert de la Macif s'est déplacé une semaine plus tard. Les restaurateurs ont rédigé
l'état des pertes qui leur avait été demandé. Ils viennent de le remettre à l'expert
à l'occasion d'une seconde visite un mois plus tard. L'indemnisation a paru correcte aux
commerçants, malgré le fameux coefficient de vétusté de 10 % sur les appareils
électriques, les peintures et les tapisseries. Pas sur les meubles. Les bouteilles de
vins fins, qu'il a fallu nettoyer une à une, mais qui avaient gardé leurs étiquettes,
ont été jugées récupérables. Satisfaction aussi de l'indemnité de perte
d'exploitation, même si les heures de nettoyage passées avec parents et amis n'ont pas
été prises en compte. Maintenant il s'agit de redémarrer et d'informer la clientèle
que Le Patio rouvre ses portes en février. Les travaux de remise en état sont imminents.
Sans l'état de catastrophe naturelle, il n'y aurait pas eu de dédommagement au titre du
dégât des eaux, mais Josiane et Christian Gounel seront quand même de leur poche pour
10 % du montant du sinistre, soit 8 000 francs.
Des restaurants ne referont pas surface
"Chers clients, notre Ilot aux Crêpes a été submergé", ont affiché
Claire et Didier sur la porte vitrée de leur crêperie, en face du vieux théâtre. A
côté, le Chinatown, qui venait d'ouvrir l'an dernier, a tout perdu. Pas de réouverture
avant fin février. A 50 m, le restaurant indien Gandhi a, selon l'expert, 200 000 francs
de dégâts. Plus bas, le Florentin, ouvert par deux jeunes, est complètement détruit.
Tout à refaire. La Couscousserie près du pont complètement reconstruit, après la crue
de 1995 pour mieux laisser passer la rivière en folie - mais qui a été quand même
submergé comme les autres ce 13 décembre - a baissé ses tentures. "On verra que
faire... après le ramadan." Dans la rue d'à côté, le célèbre bar celte à
la mode à l'enseigne du Ceili, qui venait de fêter ses 20 ans par d'importants travaux
d'extension, a mis son drapeau breton en berne. Annie et Christian Gloaguen ont pris une
semaine de congé. L'eau était passée par-dessus le bar... Mais la plus grosse victime
est cet hôtel, La Tour d'Auvergne, que Marie-Jo Le Brun exploite avec son grand fils
Nicolas. La visite de cet établissement de renom au lendemain de la crue évoque
l'apocalypse. La cave aux vins précieux a été entièrement engloutie ; le caviste a
contacté des restaurateurs de Vaison-la-Romaine pour avoir des tuyaux sur la liquidation
de ces centaines de crus millésimés. L'eau est montée au rez-de-chaussée carrément à
travers les murs. Il a fallu évacuer d'urgence les clients vers l'autre 3 étoiles de
Quimper, le Roi Gradlon. Cuisines, restaurant, salons, bar anglais, mobilier de style,
jardin intérieur patiemment construit au fil des décennies, tout est à refaire. Trois
mois de travaux au moins, et la facture avoisinera les 5 millions de francs.
A. de Sigoyer
Maintenant, pour Josiane et Christian Gounel, il s'agit de redémarrer et
d'informer la clientèle que Le Patio rouvre ses portes en février.
A Redon, on fait face avec courage
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L'HÔTELLERIE n° 2702 Hebdo 25 Janvier 2001
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