Pour éviter une fermeture administrative...
Afin d'éviter une fermeture administrative de 15 jours, Patrick Diard, patron du bar Le Coquelicot à Fougères, a proposé à l'administration de ne servir que des boissons non-alcoolisées pendant 10 jours. Une cure de désintoxication pour le principe.
"J'ai vécu cette
sanction comme une injustice, et j'ai donc proposé cette opération pour montrer que nous
ne sommes pas des inconscients. C'était une façon de m'offusquer car j'acceptais mal la
perspective d'une fermeture non justifiée à mes yeux." Sous la pression d'une
fermeture administrative de 15 jours, Patrick Diard, patron du café-concert Le Coquelicot
à Fougères en Ille-et-Vilaine, vient de monter l'opération 'Au Coquelicot, cure de
désinto'. Une semaine à ne servir que des boissons sans alcool, ponctuée de concerts et
de soirées thématiques à l'image de ces deux journées 'Châtaignes grillées, jus de
pomme'. L'initiative s'est conclue par une soirée chansons-sketches intitulée 'Boires et
déboires'. Une petite pirouette pour fêter la reprise d'une activité normale pour tout
bar digne de ce nom. "C'était un échange. La fermeture contre les jus d'orange
en quelque sorte."
Les faits remontent à avril 2000. Une personne en état d'ébriété sortant du
Coquelicot est interpellée par la police. Une seconde affaire intervient deux mois plus
tard. "J'ai alors été convoqué à la préfecture. Le soir de ma défense, la
police réalisait une intervention coup de poing dans l'établissement et interpellait
encore une personne. Dès le lendemain, je suis allé proposer mon idée au nouveau
commandant de gendarmerie. Je me suis dit que cette initiative pouvait me faire
redémarrer sur des bases plus saines, car en situation de conflit, on ne peut pas gagner,
c'est évident."
Pourtant, outre la semaine de 'désinto', l'originalité de cette affaire tient dans son
contexte. Le Coquelicot est un café-concert fermant ses portes à 3 heures et qui
retrouve donc à partir de 1 heure "les clients des autres bars qui arrivent ici
en ayant déjà bu quelques verres, sans être complètement saouls". Et en 21
ans d'ouverture, le propriétaire n'a pas connu autant de problèmes que lors de ces
derniers mois. Le Coquelicot fait par ailleurs partie de l'Association Bistrock café qui
respecte, entre autres points, une charte de qualité dans l'organisation de concerts.
Patrick Diard s'affiche donc comme un professionnel sérieux. On comprend donc aisément
son sentiment d'injustice car, comme il le souligne lui-même, "tout le monde sait
très bien que les bars de nuit sont fréquentés par des personnes qui ont déjà bu
quelques verres ailleurs ! Si on veut appliquer la loi au pied de la lettre, autant fermer
tout de suite tous les bars de Fougères et d'ailleurs".
Le Contrat local de sécurité
A Fougères justement, ces affaires coïncident avec la mise en place du Contrat local de
sécurité (CLS) et l'arrivée d'un nouveau commandant de gendarmerie à qui l'on a donné
carte blanche pour faire respecter ce contrat. "L'étude préalable à
l'instauration du CLS a montré des problèmes d'alcoolémie sur la voie publique.
Problèmes qui ne doivent pas être néanmoins systématiquement imputés aux seuls bars.
Il s'agit aussi de gens achetant de l'alcool ailleurs et le buvant dehors." Le
Coquelicot n'a pas fait seul les frais de cette nouvelle politique, puisque d'autres bars
ont également été frappés d'une fermeture administrative ainsi que la seule et unique
discothèque de Fougères. Et tout cela depuis environ un an, date de la mise en
uvre du CLS. Selon Patrick Diard, "je trouve que cela a refroidi la
clientèle. Le Fougères by night est vraiment calme". Et de poursuivre : "Si
l'on veut une ville de retraités sans aucun dynamisme, on est bien parti. Dans deux ans
ouvre l'autoroute des Estuaires mettant Fougères à une demi-heure de Rennes. Les jeunes
n'hésiteront pas à faire la route s'ils savent que Fougères rime avec répression à
outrance."
Reste que cette histoire a bien fait parler d'elle dans les médias. Pour désamorcer les
choses, une réunion a permis depuis aux patrons de bar de discuter avec la mairie et la
gendarmerie. Dans le cadre du CLS, un Comité alcool accueille par ailleurs 3 patrons de
bar dont Patrick Diard. "On rencontre régulièrement le commandant de
gendarmerie. Mais j'ai l'impression qu'il reste sur ses positions. Dernièrement, il s'est
étonné de voir tellement de jeunes dans les bars. Mais heureusement qu'ils y sont. Cela
fait vivre la ville. Le commandant nie le rôle social du bar ! Je crois qu'il se trompe
de cible." Patrick Diard reconnaît quant à lui qu'il est maintenant devenu
"plus rigoureux. Je me mets à la porte et filtre les entrées à partir de 1
heure".
Quant à la semaine sans alcool, le patron du Coquelicot reconnaît que, d'un point de vue
strictement financier, "ce fut une mauvaise semaine". Les habitués sont
venus au départ par solidarité, mais n'ont pas suivi longtemps. "On a fait 30 %
du chiffre habituel. Mais je pense que cela a eu le mérite de soulever bien des
questions. Beaucoup de clients ne savaient pas, par exemple, que l'on n'avait pas le droit
de les servir s'ils étaient éméchés", mais le débat que Parick Diard
souhaitait ouvrir n'a pas eu lieu. "Personne n'a parlé du problème de fond
qu'est l'alcool."
O. Marie
Lors d'une réunion au Comité alcool dans le cadre du Contre local de sécurité,
Patrick Diard déplore : "Personne n'a parlé du problème de fond qu'est
l'alcool."
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L'HÔTELLERIE n° 2704 Hebdo 8 Février 2001