C'est une constante, les
professionnels de la restauration regrettent l'époque où les apprentis arrivaient chez
eux encore adolescents. A 14 ans, plus dociles, ils acceptaient, se souviennent ceux qui
ont vécu cette époque, plus facilement les conditions de travail inhérentes à ce
secteur d'activité. Fiers d'apprendre un métier, ils ne comptaient ni leur temps ni leur
énergie, et s'appropriaient avec beaucoup plus de facilité les valeurs de leurs
maîtres. Mais les temps ont changé et les jeunes aussi. Parce que l'école est
aujourd'hui obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, dans la mesure où le contrat
d'apprentissage est un contrat de travail, aucun apprenti ne peut intégrer une entreprise
avant cet âge. Aussi, c'est souvent parce qu'ils sont en situation d'échec scolaire
depuis plusieurs années qu'ils choisissent, faute de mieux, d'entrer en apprentissage.
Une intégration qui se fait alors dans des conditions plus difficiles, sans réelle
motivation, dans des entreprises où les maîtres d'apprentissage ne sont pas toujours
prêts à intégrer l'ensemble des difficultés que rencontrent ces jeunes face au monde
du travail. Des jeunes qui, de plus en plus souvent, connaissent, au-delà des
difficultés scolaires, des difficultés sociales graves, dues à la destruction de la
cellule familiale. Une responsabilité de plus en plus lourde à assumer pour les
professionnels qui doivent à la fois jouer le rôle de formateur et assumer une autorité
parentale virtuelle face à la démission des parents. Chef d'entreprise avant d'être
formateur, le restaurateur n'a pas toujours le temps disponible et l'ouverture d'esprit
qui lui permettront d'assumer cette lourde tâche de maître d'apprentissage. C'est avec
beaucoup de dévouement, de conviction, avec une réelle volonté de transmettre leur
savoir que certains restaurateurs arrivent pourtant à former tous les jours ces jeunes et
à leur donner foi en la vie, à travers la découverte d'un métier. Ils leur permettent
de se rendre compte qu'ils sont capables d'avoir du talent eux aussi, pour peu que l'on
ait confiance en eux, qu'on les écoute pour mieux les comprendre et pour savoir les
motiver. Former ces jeunes n'est pas une question d'âge. Les difficultés que certains
maîtres d'apprentissage rencontrent avec les garçons de 17 ans auraient été les mêmes
s'ils les avaient abordés trois ans plus tôt ; former ces jeunes est avant tout un état
d'esprit, le fruit d'une réelle générosité. Il faut savoir y consacrer du temps,
beaucoup d'énergie, faire preuve de patience et d'une grande qualité d'écoute. Former
ces jeunes est une opération délicate empreinte de difficultés qui n'est pas à la
portée de tous les professionnels, aussi talentueux soient-ils devant leurs fourneaux.
Aussi est-il indispensable que seuls ceux qui sont vraiment motivés et compétents pour
assumer cette lourde charge puissent avoir accès à la formation des apprentis.
PAF
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L'HÔTELLERIE n° 2704 Hebdo 8 Février 2001