Actualités

Vie professionnelle
_________________

Négociation sur la réduction du temps de travail

Les syndicats salariés font monter la pression

Mercredi 14 février, les 5 syndicats salariés réunis en intersyndicale (CFDT, FO, CGT, CFTC, CFE-CGC) ont décidé de ne signer en l'état aucun des deux projets d'accord de branche sur la réduction du temps de travail qui leur avaient été soumis par les syndicats patronaux. Explication de texte...

Une décision qui n'a rien de surprenant quant au projet proposé conjointement par l'Umih et la Fagiht, dans la mesure où le texte est toujours identique à celui présenté et rejeté par les mêmes syndicats salariés lors de la dernière commission mixte paritaire. Un texte qui prévoit une réduction du temps de travail à 39 heures et la mise en place d'un organisme paritaire en charge d'examiner, à travers un observatoire, la possibilité d'aller jusqu'à 35 heures. Cette proposition a donc été rejetée, les salariés ayant toujours affirmé qu'ils ne signeraient pas un texte qui n'établirait pas un calendrier pour arriver au droit commun, c'est-à-dire à 35 heures.
En face, le projet soumis par trois chambres syndicales patronales, le SFH (Syndicat français de l'hôtellerie), le SNRLH (Syndicat national des restaurateurs, limonadiers et hôteliers) et la CPIH (Confédération des professionnels des industries hôtelières). S'il n'a pas en l'état été signé, il a toutefois retenu toute l'attention des syndicats salariés qui ont, par courrier, demandé à Christian Morin, président de la commission paritaire des CHR, de fixer la date d'une prochaine commission mixte paritaire sur le sujet.
Ce projet prévoit un passage aux 35 heures au plus tard le 31 décembre 2004 pour les entreprises de plus de 20 salariés et au plus tard le 31 décembre 2006 pour les entreprises de moins de 20 salariés. Si les employeurs ont obtenu de la part du gouvernement la certitude de bénéficier des aides de la loi Aubry II pour une réduction de 43 heures à 39 heures (L'Hôtellerie n° 2705), ils ont posé une condition suspensive : de réduire le temps de travail de 39 heures à 35 heures à la seule condition d'obtenir des aides similaires pour cette nouvelle étape de réduction. Si les aides ne venaient pas, le patronat arrêterait le processus de réduction du temps de travail à 39 heures.

Rendez-vous le 8 mars
Le 8 mars prochain, il est prévu que les 5 syndicats salariés se réunissent dans les locaux de la CGC afin d'examiner l'accord de façon approfondie, et de préparer des contre-propositions qu'ils entendent discuter avec le collège employeur lors de cette prochaine commission mixte paritaire. Ils souhaitent notamment des précisions sur le calendrier, les salaires et les avantages en nature. On le voit, le processus n'est pas interrompu, mais les syndicats salariés veulent davantage d'engagements sur certains points du projet.

Oui au droit commun ! Non aux 35 heures !
André Daguin, président de l'Umih, reconnaît qu'à terme le secteur des CHR se doit de rejoindre le droit commun : "Si chez nous les heures sont incommodes et si en plus on travaille plus longtemps qu'ailleurs, il y aura vraiment demain de réels problèmes de recrutement de personnel. C'est aujourd'hui déjà limite." Pourtant, le président de l'Umih se déclare en parfaite opposition avec la proposition des autres syndicats patronaux qui, justement, acceptent de s'engager sur 35 heures, même si c'est avec une condition suspensive, et dénonce la situation : "Ce qui se passe maintenant, c'est que ces négociations sont menées par deux syndicats patronaux parisiens qui s'en sortent très bien avec les syndicats salariés qui sont très implantés à Paris, mais pas en province. Ce que je souhaite, c'est qu'on cesse de parler entre Parisiens et qu'on ouvre le débat à la France entière. Il ne faut pas laisser de côté les petits établissements de province."
Et d'expliquer pourquoi son syndicat est hostile à un engagement sur la base de 35 heures : "On fait intervenir un tiers dans le débat : l'Etat. On a demandé au gouvernement s'il pouvait garantir des aides pendant 5 ou 6 ans, la réponse est claire, c'est non. L'annualité des budgets et les changements de gouvernement font que personne ne peut rien garantir. Signer un calendrier pour arriver à 35 heures sous condition d'obtenir des aides sur lesquelles personne ne veut s'engager entre 39 heures et 35 heures, je refuse. Même si on nous met en avant le fait que le non-versement de ces aides est une condition suspensive au plan d'application du processus pour arriver à 35 heures ! Si, sous prétexte que les entreprises ne reçoivent plus d'aides pour réduire le temps de travail, elles restent à 39 heures, cela entraînera des tensions considérables entre les syndicats patronaux et salariés quand ceux-ci réaliseront que le temps de travail ne diminue plus contrairement à ce qui a été signé. En refusant de signer la proposition du SFH, du SNRLH et de la CPIH, c'est ce que je veux éviter, d'autant plus qu'actuellement les rapports entre patronat et salariés sont bons."

Aller plus vite à 39 heures
Et de rappeler que l'Umih veut aller vers le droit commun, c'est-à-dire 35 heures, mais sans pour autant signer de calendrier en l'absence d'aides réelles. "On est même d'accord pour aller vite à 39 heures, il y a des aides pour cela", insiste le président de l'Umih tout en demandant la mise en place d'un groupe de travail. "Le but est le même que le projet des trois. Mais comment la multitude de petits établissements de province peut-elle aller à 35 heures dans 6 ans ? Il ne faudrait pas qu'avec des textes trop contraignants la fraude sociale remplace massivement la fraude fiscale qui a disparu de nos entreprises. Ce qui nous ferait reculer. Il faut moderniser cette profession. Je trouve immoral que le passage à 35 heures dans un petit établissement de 4 à 5 personnes détermine l'esclavage du patron. Les employés sont souvent au Smic mais les patrons aussi."
Du côté des relations avec les syndicats salariés, André Daguin se dit optimiste : "Ils commencent à comprendre que notre proposition est sérieuse et que par ce biais on peut commencer à mettre à plat des rapports qui se sont distendus. J'ai proposé un observatoire paritaire pour aller vers la réduction du temps de travail. Il surveillerait la vitesse à laquelle nous allons arriver aux 39 heures et les conditions pour arriver au droit commun après.
Si tout se passe dans la logique et dans l'intérêt de tous les salariés, notre projet doit être examiné. Nous proposons aux syndicats salariés dans notre texte d'entrer non pas dans la négociation mais dans la préparation de la négociation ultérieure, c'est quand même sans précédent. Ensuite, on prévoit de la prévoyance, des jours pour les cadres, des primes de mise à la retraite des cadres. On prévoit des choses sérieuses."
Et André Daguin d'expliquer sa position vis-à-vis des autres syndicats patronaux, et se dit refuser toute querelle avec des gens qu'il respecte, "la position de ces syndicats parisiens est adaptée à Paris, mais pas au reste de la France".
Pour les problèmes de personnel, d'image, d'attirance des jeunes dans cette profession, André Daguin veut résumer les choses : "C'est beaucoup plus complexe qu'on ne le dit. Il faut partir de constatations que tout le monde fait. La première, c'est que le personnel nous quitte car on travaille beaucoup trop dans nos professions et qu'on ne gagne pas assez d'argent. C'est sans doute vrai, quoique...", et de mettre en avant le fait que ce secteur est l'un de ceux dans lequel la longévité dans l'emploi est la plus longue. Une situation qu'il explique : "Ces métiers attirent et rebutent les premières années, mais ceux qui passent le premier cap sont en général des gens qui gagnent bien leur vie et longtemps", précise-t-il.

Savoir attirer les gens décalés
Néanmoins, il manque du personnel dans de très nombreuses entreprises, et ce, partout en France. "Mais ce problème n'est pas propre aux CHR, les boulangers, charcutiers rencontrent aussi des difficultés de recrutement similaires... Ce qui est propre aux CHR, ce sont les heures mal commodes. C'est là qu'il faut chercher ce qui rebute. Nous travaillons quand les autres sont en vacances, quand ils sont en week-end, quand ils mangent... Nous, nous avons de quoi attirer des gens décalés, à qui une vie différente convient. Ceux qui peuvent assumer cette vie font en général une belle carrière dans notre secteur."
Au président de l'Umih, la question est posée : Comment faire pour s'occuper et améliorer les conditions de 450 000 salariés et de 150 000 petits patrons ? "Il faut cesser de dresser le salarié contre le patron car, dans cette profession, très souvent le petit patron est un ancien salarié comme par exemple Paul Dubrule, Gérard Pélisson ou encore Jean-Paul Bucher, titulaire d'un simple CAP. Chez nous, il y a 600 000 actifs dont 450 000 salariés, il faut savoir s'occuper de la totalité de ces gens."
P. Carbillet


André Daguin, président de l'Umih, explique : "La position de ces syndicats parisiens est adaptée à Paris, mais pas au reste de la France."


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2706 Hebdo 22 Février 2001


zzz74v
L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration