Peu importe aujourd'hui de savoir si l'organisation
d'une manifestation de cette nature était opportune pour faire entendre la voix des
restaurateurs, peu importe encore de savoir si c'est effectivement à travers une baisse
de la TVA que la restauration française trouvera un nouveau souffle. La seule chose qu'il
faudra retenir de cette manifestation du 5 mars est le mépris dont a fait preuve Laurent
Fabius envers les professionnels qu'il s'est empressé de refuser de recevoir. Toute cette
journée n'a été que suite de provocations, toute cette journée n'a été que dédain.
Faut-il être particulièrement méprisant envers une profession "sympathique",
précise le ministre des Finances - merci pour elle -, pour déclarer que "manifester
n'est pas le meilleur moyen de se faire entendre" (sic) et que "la baisse
de la TVA n'est pas le meilleur moyen pour venir en aide à cette profession" ? A
la lecture de ces quelques déclarations impérissables, les restaurateurs auront en
mémoire la différence de traitement entre les routiers et eux. Quand aux volants de
leurs camions, ils paralysent l'Europe entière plusieurs jours de suite, mettant en cause
jusqu'à l'approvisionnement des villes, le gouvernement organise des tables rondes, le
ministre des Transports les rejoint sur leurs barrages pour discuter avec eux autour d'un
casse-croûte, et n'hésite pas, des nuits entières, à se démener pour qu'avancent les
négociations.
Fin de non-recevoir pour les restaurateurs que l'on refuse de rencontrer, ordres de
fermeté qui n'excluront pas la violence puisqu'au Boulou, pendant que le préfet
signifiait officiellement aux responsables régionaux la position de Laurent Fabius, les
forces de police chargeaient... sur ordre, bien entendu.
Mépris encore envers la profession dans son ensemble quand le ministre des Finances
évoque d'éventuelles baisses de charges sans en dire davantage. Des baisses de charges
pour sauver une profession qui rencontre de réelles difficultés, mais qui, depuis le
temps que les restaurateurs font entendre leur désarroi, a donc empêché Monsieur Fabius
de les mettre en application ? Personne ne s'y opposera, qu'il en soit assuré ! Mais
attention tout de même, des baisses de charges sont actuellement en négociation avec les
ministères concernés, et ce, dans le cadre de la mise en place de la loi Aubry dans les
CHR. Le ministre des Finances aurait-il l'outrecuidance de vouloir faire d'une pierre deux
coups et de considérer que les allégements de charges prévus pour l'ensemble des
entreprises, en dehors du secteur de l'hôtellerie-restauration, dans le strict cadre de
la réduction du temps de travail, suffiront à satisfaire les restaurateurs ?
Les syndicats professionnels ont tout intérêt à être vigilants, très vigilants, et
peut-être un peu plus politiques et stratèges qu'ils ne l'ont été jusqu'alors. Face à
une machine politique déterminée, il ne suffit plus de laisser parler le cur des
restaurateurs et de les accompagner sur des manifestations pour qu'ils prennent des coups
et abandonnent leurs positions dans l'amertume.
PAF
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L'HÔTELLERIE n° 2708 Hebdo 8 Mars 2001