Crise de la vache folle
McDo n'est le pas le seul à faire les frais de la colère des agriculteurs. Buffalo Grill connaît lui aussi quelques mésaventures, surtout dans les régions de production de viande bovine. Non, malgré son nom, Buffalo Grill n'a aucune origine outre-Atlantique pour ceux qui seraient atteints d'antiaméricanisme aigu. Le seul tort de la chaîne serait d'importer de la viande. Christian Picart, patron et fondateur du groupe, parle vrai.
Propos recueillis par Nadine Lemoine
L'Hôtellerie : Quels sont les dégâts ?
Christian Picart : On est fréquemment agressé par
des agriculteurs désemparés. Ils taguent les bâtiments et certains ont même brûlé le
totem devant les établissements. Ils bloquent les accès. Ce n'est pas facile pour le
personnel et le responsable de l'établissement de voir 200 personnes agressives devant le
restaurant. Ils prennent la viande qu'ils font ensuite brûler. Auxerre, Cholet, La
Roche-sur-Yon, Evreux... les problèmes sont nombreux.
L'H. : Pourquoi les agriculteurs prennent-ils vos
restaurants pour cible ?
C. P. : C'est surtout un manque d'information. C'est
comme McDonald's qui est attaqué par les agriculteurs alors qu'ils vendent de la viande
100 % française. Nous, on nous critique parce que nous importons de la viande, mais les
agriculteurs français ne sont pas en mesure de répondre à nos besoins. Ils vendent de
la viande sur pied et nous n'achetons que les parties à griller, c'est-à-dire 30 % de la
bête. Les bêtes à viande sont rares. En France, on fait surtout de la vache laitière
qui finit dans les rayons des supermarchés. On a bien du Charolais et du Limousin dans
nos restaurants. Mais il nous arrive souvent d'être en rupture. Alors, on ne va pas
mettre la clé sous la porte. Il faut bien travailler, donc nous importons de la viande du
Brésil et d'Argentine.
L'H. : Que répondez-vous à ceux qui mettent en doute
la qualité de la viande d'Amérique latine ?
C. P. : Qu'on arrête de dire n'importe quoi. Ceux qui
disent qu'il n'y a pas de traçabilité en Amérique latine mènent une politique de
désinformation. Il faut y aller. Il faut visiter les abattoirs. Les bêtes sont élevées
toute l'année dans la nature sur des territoires immenses. Elles passent deux ans dans
les pâturages. C'est de la grande qualité. La viande d'Argentine est une référence.
L'H. : La fièvre aphteuse vous inquiète-t-elle ?
C. P. : C'est vrai qu'il y a eu un cas recensé au
Paraguay il y a quelques mois. Les Etats-Unis avaient même suspendu toute importation
d'Amérique latine pendant trois mois. Tout est rentré dans l'ordre, et si les
Américains se fournissent là-bas quand on sait à quel point ils sont intransigeants sur
les questions d'hygiène, c'est qu'il n'y a pas de problème. Ce n'est qu'un pronostic,
mais je pense que les difficultés liées à la fièvre aphteuse vont encore amplifier les
problèmes de pénurie de viande.
L'H. : Votre message aux agriculteurs ?
C.P. : Nous avons rencontré les responsables du
Syndicat des jeunes agriculteurs et de la FNSEA. On leur a démontré et expliqué qu'on
ne pouvait s'approvisionner exclusivement en France. On n'y arrive pas et visiblement ils
le comprennent bien. Ils ont conscience qu'il faut éviter ce type d'actions contre les
restaurants car on est nous aussi dans la filière viande et qu'il n'est pas dans leur
intérêt de scier la branche...
En plus, en tant que commerçant, il est normal de proposer du choix à ses clients. Je
suis pour la liberté du commerce et le respect de l'offre et de la demande. Et puis,
nous, dans la restauration, on n'a pas de subvention !
Ce n'est pas facile pour le personnel et le responsable de l'établissement de
voir 200 personnes agressives devant le restaurant.
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L'HÔTELLERIE n° 2708 Hebdo 8 Mars 2001