Je voudrais réagir à
l'article sur la RTT paru dans votre journal n° 2706 du 22 février 2001, et à la prise
de position de Monsieur Daguin, président de l'Umih, souhaitant ouvrir le débat de ce
douloureux dossier sur la France entière, surtout sur la province et ses petites
entreprises. Exactement le discours que tous les chefs d'entreprise de nos provinces
veulent entendre sans trop se poser de questions, et je partage pleinement cette
philosophie sauf quand il s'agit de se poser des questions.
C'est pourquoi je me permets de rappeler à Monsieur Daguin que la province, par
l'intermédiaire du département du Lot, a décidé depuis deux ans de faire savoir aux
instances parisiennes qu'elle avait son mot à dire sur ce sujet. Qu'elle ne voulait pas
subir une fois de plus le joug des décideurs urbains pour une profession urbaine. Qu'elle
ne voulait pas régenter ce dossier RTT, mais voulait pleinement participer, coopérer,
collaborer à la recherche des solutions les moins mal adaptées à sa situation pour lui
donner une chance de survivre.
Or, malgré nos multiples démarches auprès de ses services, bien que nous ayons fait
parvenir nos résultats d'étude, nos suggestions et nos propositions, nous n'avons jamais
pu obtenir une seule réponse. Je me dois de préciser que les mêmes démarches ont été
tentées auprès de tous les autres syndicats, et que nous n'avons pas obtenu plus de
succès, jusqu'au moment où nous nous sommes sérieusement fâchés auprès de notre
propre représentant, ce qui n'a pas abouti à grand-chose.
"Les syndicats nationaux nous ignorent"
Monsieur Daguin, vous vous présentez comme un défenseur des petites entreprises de
province, alors pourquoi nous avoir ignorés ?
J'ai essayé, par des collègues amis présidents vous représentant dans une dizaine de
départements de province, d'avoir leur avis sur la proposition que vous avez faite le 7
septembre 2000 à la commission paritaire. Aucun, plusieurs mois après, n'avait eu la
proposition entre leurs mains, seules quelques télécopies les tenant informés sur la
bagarre parisienne entre les 35 heures et le droit commun. Lorsque l'on veut travailler
pour la province, ne serait-il pas judicieux de travailler avec la province ?
Ceci étant dit, sachez que le provincial du Lot que je suis est tout à fait d'accord
pour ne pas signer l'accord sans que des aides et surtout des réductions de charges
pérennes et conséquentes ne soient accordées définitivement aux entreprises. Je peux
vous assurer que j'ai fait le maximum pour éviter un tel scénario. Je ne suis pas sûr
pour autant que ma volonté suffise. Cette convergence de vue étant faite, je dois avouer
que je n'en trouve malheureusement pas d'autres.
"Vous mettez sur la touche les plus petits"
En effet, je ne peux pas être d'accord avec vous et les autres syndicats parisiens quand
vous projetez de désolidariser arbitrairement les entreprises en fonction de leur nombre
de salariés : de 8 à 20, les moins de 20, les + de 20. Les unes avec une RTT à petite
vitesse, les autres à moyenne vitesse, sans parler de celles qui sont ou seront à très
grande vitesse, c'est-à-dire à 35 heures (ces dernières n'ayant pas besoin d'aides pour
y passer). Vous savez très bien que derrière ces RTT à vitesses multiples se joue la
bataille de l'emploi. Vous savez également qu'il n'y en aura pas pour tout le monde et
surtout pas pour les petites entreprises de province. Comment ces indépendants
pourront-ils aller démarcher les lycées hôteliers, voir nos CFA de province en
proposant un accord de collaboration, en présentant leur plan social à 42/41/40 heures
quand d'autres entreprises leur auront fait miroiter les 39 et 35 heures ?
Je vous laisse imaginer le succès de ces chefs d'entreprise qui seront précédés en
prime de la super image qu'on leur attribue, souvent à tort, quelques fois à raison.
La réponse du provincial est de donner la liberté à toutes les entreprises, grandes ou
petites, de pouvoir choisir librement son temps de travail avec des aides et des
réductions de charges adaptées. Chacun prendra et assumera sa responsabilité.
Je ne peux pas non plus accepter la modulation à 35 heures si le temps de travail de base
est à 39 heures ou plus.
Je ne peux pas comprendre que l'on annonce 39 heures par semaine ou 1 782 heures par an
sans que l'on fasse ressortir le cadeau de 4 jours que l'on attribue sans que personne ne
le sache. En effet, 39 heures par semaine avec 4 jours fériés donnent un résultat de 1
814 heures moins quelques minutes, et non 1 782 heures.
Des aides insuffisantes
Pour abréger, je veux vous faire part de mon inquiétude quand vous faites référence
aux aides pour aller plus vite aux 39 heures. Je pense effectivement que c'est
incontournable, mais, en tant que responsable, vous vous devez d'avertir vos chefs
d'entreprise provinciaux que les aides acquises aujourd'hui s'avéreront très
insuffisantes pour équilibrer les dépenses induites par la RTT à 39 heures.
En effet, celle-ci engendre un coût comptable de 10 % de masse salariale supplémentaire.
Or, la réorganisation des postes pénalise de 5 % de plus en moyenne nos entreprises
(étude croisée sur des entreprises de 3 à 19 salariés).
Sur le même schéma de calcul, le surplus de dépenses pour la RTT à 35 heures coûtera
presque 30 % de plus que le coût actuel de la masse salariale chargée, c'est-à-dire
qu'en moyenne, il faudrait des réductions de charges pérennes de l'ordre de 35 000 F par
an et par employé pour la RTT à 39 heures et de 60 000 F pour la RTT à 35 heures. Ces
chiffres n'améliorent en rien notre situation miséreuse d'aujourd'hui mais en limitent
l'aggravation. Il est de mon devoir de vous préciser que le chiffre d'affaires annuel
moyen de nos entreprises est de 4 000 000 F et le BIC moins de 1,5 %. Cela vous laisse
imaginer la marge de manuvre des entreprises que vous souhaitez représenter et
défendre.
Syndicalement vôtre.
Robert Veril
Responsable du dossier RTT CPIH 46
Robert Veril, propriétaire de La Vieille Auberge à Souillac-sur-Dordogne,
souhaite "pouvoir choisir librement son temps de travail avec des aides et des
réductions de charges adaptées".
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L'HÔTELLERIE n° 2708 Hebdo 8 Mars 2001