Comment garder et motiver son personnel en saison ?
Du 1er décembre au 1er mai, Luc Reversade emploie 70 travailleurs saisonniers dans ses 4 établissements de Val-d'Isère (Savoie). Gros plan sur une gestion et un mode de vie particuliers.
Lydie Anastassion
Pour Luc Reversade, "la saison doit être un plaisir".
Sur la terrasse du restaurant d'altitude La Fruitière, en haut des pistes de Val-d'Isère, il peut faire jusqu'à - 5°C à l'heure du déjeuner en plein soleil. Dans leur anorak blanc enfilé par-dessus leur bleu de travail, Alain, Christine et les autres s'activent auprès des clients. Objectif n° 1 : s'assurer qu'ils n'auront pas froid, et leur proposer d'enfiler les superbes combinaisons en provenance des surplus de l'armée, grâce auxquelles ils pourront rester attablés sans aucun problème. Tout comme André, barman, Yannick, préposé aux toilettes, Antoine, serveur, ils sont 70 saisonniers à faire tourner pendant cinq mois (la saison d'hiver la plus longue en Europe) les 4 établissements de Luc Reversade : les deux restaurants d'altitude La Folie Douce (self) et La Fruitière, ainsi que le restaurant L'Aventure et le bar à bière Café Face situés, eux, en station.
Cohabitation
Le temps d'une saison, ils vivent loin de chez eux, cohabitent dans des studios, se
fondent dans une équipe finalement éphémère. Pas pour le salaire, mais pour un genre
de vie où le travail alterne avec le ski et la fête. Car ces employés de la
restauration et de l'hôtellerie 'nomades' et plutôt jeunes 'carburent à la saison'. Et
mieux ils sont dans leurs après-ski, leurs conditions de travail et leur logement, plus
les clients sont contents. Une relation avec le patron, basée sur le donnant/donnant, que
Luc Reversade a bien compris. "La saison doit être un plaisir, pour le patron
comme pour les salariés. C'est-à-dire qu'il faut travailler toute l'année sur la
saison." Sur ses 75 salariés, 5 permanents sont principalement affectés à la
gestion des saisonniers. Un travail quasiment à l'année, selon le restaurateur. "Lorsque
les contrats de travail s'achèvent en mai, il reste l'après-saison à gérer."
C'est-à-dire faire le point, sortir les chiffres, remettre à jour les fiches de poste et
les fiches techniques, et préparer l'hiver suivant. Pour Emmanuel Gourain, qui supervise
les équipes des cuisines de La Folie Douce et de La Fruitière de décembre à début
mai, la saison recommence dès le mois d'août avec l'entretien et la remise en route du
matériel. En même temps que le lancement de la campagne d'embauches.
La fidélisation
Les annonces d'emploi et l'utilisation d'un fichier 'd'anciens' saisonniers (200 à 300
adresses) permettent de pourvoir, selon Corinne Reversade, 30 % des postes. "On
remet cela en septembre, et parfois en novembre, quand il reste 2 à 3 postes",
explique-t-elle. Pour recruter le personnel bilingue du bar d'ambiance, disque-jockey,
portiers, serveurs lookés, l'entreprise passe des annonces sur Londres ainsi que sur des
sites d'emploi Internet. Recrutés pour leurs compétences professionnelles, les
saisonniers doivent avant tout, selon Luc Reversade, comprendre la philosophie de la
maison : 'accueil et sourire'. Deux qualités dont s'assurent les recruteurs en menant
l'enquête. "Bien que nous n'effectuions aucun entretien d'embauche pour
sélectionner les profils des candidats, nous n'avons pas de surprise. Nous devons prendre
le maximum de précaution si nous voulons constituer une équipe homogène et réussir la
saison. On écrit à tous les hôtels, on les appelle pour avoir une idée sur les
candidatures que nous allons retenir", précise Luc Reversade. Selon Emmanuel
Gourain, les saisonniers sont des gens "polyvalents, rapides, aimables et bons
bosseurs".
La 'sauce' prendra vraiment lors de la formation programmée en novembre, deux jours
décisifs pour les candidats auxquels sont présentées l'entreprise et sa culture.
Assurée par un cabinet extérieur, Le Temps du Client (1), la session de formation,
comprend plusieurs volets : motivation du personnel, présentation des différents
établissements, méthodes d'accueil des clients... Alors que la plupart des futurs
salariés repartent chez eux à l'issue de ces deux jours de séminaire, entièrement pris
en charge par l'entreprise (voyage, logement), les managers ont droit à deux jours
supplémentaires. Plus tard dans la saison, deux autres journées seront consacrées à
une mise à jour. "Il faut utiliser l'énergie de la saison. Sur cinq mois, tout
va aller très vite et il est important de laisser les gens faire ce qu'ils ont à
faire", explique Marisa Ortolan, formatrice chez Le Temps du Client et
spécialiste de la motivation des équipes. Dans une ambiance de vacances sportives, les
repères sont donnés par des briefings et débriefings quotidiens et par des réunions
hebdomadaires dominicales. "Les saisonniers vont en saison d'hiver pour faire du
ski et la fête le soir. Ce qui ne les empêche pas d'être demandeurs de repères dans le
travail afin que cela se fasse dans une bonne ambiance", poursuit la formatrice. "Une
bonne ambiance et être bien traité", plébiscitent les saisonniers (lire les
encadrés). Mis à disposition par l'employeur, le logement, ou plutôt sa qualité, est
décisif en matière de motivation du personnel. Les saisonniers employés par Luc
Reversade sont logés dans des studios à La Daille, juste à l'entrée de la station. 17
m2 pour deux : "L'idéal serait d'avoir une personne par studio",
reconnaît Luc Reversade qui paie 5 000 francs par mois et par appartement. Il poursuit : "Plus
une personne dispose de confort, mieux elle est dans sa vie et donc devant les
clients." Selon lui, le logement constitue une des grandes problématiques
actuelles. "Si on passe aux 35 heures, il va falloir embaucher. Mais nous ne
saurons pas où loger les gens car le parc immobilier est saturé."
(1) Le Temps du Client
23, rue Henri Barbusse
94110 Arcueil
Tél. : 01 45 46 11 00
Fax : 01 45 46 33 66
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Je fais les saisons car je n'ai pas envie de me stabiliser pour l'instant. Cela me permet de voyager. Cet été, j'espère aller travailler à Ibiza. Depuis 4 ans, j'ai travaillé pour plusieurs maisons sur Val-d'Isère, surtout en extra. A partir du moment où l'ambiance est bonne, cela se passe bien. En plus, les clients sont en vacances, ils ont le sourire. Je recherche un studio pour avoir ma propre chambre. Dans la station, des saisonniers d'autres établissements sont vraiment très mal logés."
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C'est ma première saison à Val-d'Isère. Je suis originaire de La Clusaz. Je fais des saisons depuis 4 ou 5 ans. Cela me permet de changer de lieu de travail. Les deux conditions pour que cela se passe bien sont une bonne ambiance entre les employés et un bon traitement de la part de l'employeur."
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Je viens de Saint-Tropez où je travaille l'été sur les plages comme commis de cuisine ou encore comme plongeur. C'est ma cinquième saison et la première à Val-d'Isère. Cette façon de fonctionner me convient car je n'aime pas faire tout le temps la même chose, même si à chaque fois, il faut s'adapter à quelque chose de nouveau. Je ne suis pas préposé aux toilettes durant toute la journée. Le matin, j'installe la terrasse, je déneige. A long terme, je crois que j'aimerais ouvrir un commerce, sûrement dans la restauration."
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Pour trouver un emploi saisonnier, j'utilise les petites annonces ou je fais marcher mes relations. Pour l'été, il faut s'y prendre dès janvier si l'on veut avoir les meilleures places. Etre saisonnier permet de connaître de nouvelles facettes concernant les métiers de la restauration. Il faut être extrêmement rigoureux car le moindre détail compte. On fait le point sur ce qui va et ne va pas lors des briefings. Je suis ici depuis deux ans et la fiche de poste m'a bien aidée au début. On l'a modifiée cette année. J'ai une petite fille de 7 ans, Morgan, et je cherche à m'installer dans la région avec ma femme qui est auxiliaire puéricultrice. En attendant, elles viennent me voir lors des vacances scolaires."
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C'est rapide et le mot d'ordre est l'amabilité. On ne nous prend pas pour des touristes. Tous les serveurs sont différents et jamais de mauvaise humeur", expliquent Fabrice et Charles, deux Français installés en Belgique, qui ont déjeuné tous les jours (pour 180 F par personne en moyenne) sur la terrasse de La Fruitière lors de leur séjour à Val-d'Isère.
Forums et bourses pour l'emploi Les rendez-vous de l'ANPE en Languedoc-RoussillonAfin de favoriser le rapprochement entre les offres et les demandes d'emploi
saisonnier, l'ANPE du Languedoc-Roussillon organise des forums pour l'emploi. |
Mutualisation des moyens en Provence-Alpes-Côte d'AzurVers la professionnalisation des travailleurs saisonniers4 millions
de francs financés par le contrat de plan Etat-Région Provence-Alpes-Côte d'Azur
2000-2006 et par le secrétariat d'Etat au droit des femmes, c'est le montant destiné à
mettre en uvre une expérimentation en faveur de la formation professionnelle des
saisonniers, et ainsi pérenniser les emplois dans le secteur du tourisme. Initiée en
novembre dernier et d'une durée de 18 mois, elle concerne 65 saisonniers volontaires du
secteur de la restauration et de l'hôtellerie et 65 petites entreprises (TPE de moins de
10 salariés), également volontaires, du secteur de la restauration, de l'hôtellerie et
du tourisme social. |
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L'HÔTELLERIE n° 2708 Supplément Formation 8 Mars 2001