L'instinct de survie dont ont
fait preuve certains professionnels, des années durant, aura certainement été pour
l'ensemble du secteur un handicap lourd et sévère. Quand, au fil des années, la
réglementation qui s'appliquait strictement à d'autres secteurs économiques a concerné
de la même manière l'hôtellerie-restauration, certains chefs d'entreprise, parce que la
justification économique de leur entreprise était incertaine, ont préféré, pour
survivre, contourner les obligations qui leur étaient imposées plutôt que de se
remettre en cause pour pouvoir y répondre. Réflexe que certains ont légitimé par les
efforts que ne cessait de leur imposer un travail prenant, impliquant, dont la
rentabilité devenait de plus en plus inversement proportionnelle aux contorsions dont ils
devaient faire preuve pour survivre. Et de s'accommoder rapidement avec une absence de
réel contrôle des règles du jeu, tant au niveau du personnel que des
approvisionnements. Une situation qui, au-delà de la détérioration de l'image entière
du secteur, allait bien entendu créer au sein des entreprises des situations de
concurrence inacceptables que dénoncent plus ou moins souvent les professionnels qui,
eux, jouent le jeu et respectent, malgré la contrainte qu'elle représente, la
réglementation tant fiscale que sociale. Autant dire que tous les professionnels ne
pourront pas avoir la même approche sur la réduction du temps de travail avec des
philosophies aussi éloignées de leur manière de travailler, de leur façon de gérer
leur entreprise. Alors que certains n'ont cessé, au cours de ces dernières années, de
se remettre en cause, de s'investir, de se projeter dans l'avenir, d'autres ont
délibérément préféré s'opposer à toute évolution et nier la responsabilité qu'ils
avaient face aux problèmes qu'ils rencontraient. Les premiers n'ont pas toujours eu la
vie plus facile que les seconds, certains - parce qu'ils avaient pris des risques
disproportionnés par rapport à leur possibilité d'évolution à un moment où la crise
a été la plus dure - ont perdu beaucoup, mais incontestablement, ceux qui ont passé le
cap sont aujourd'hui des professionnels combatifs, en adéquation avec leur marché. Et de
l'analyse qu'ils font de leur métier surgissent toutes leurs différences.
Si les premiers envisagent une réelle réduction du temps de travail, tout en mettant
en avant sa nécessité, les seconds en refusent tout simplement le principe...
Responsables, volontaires, les premiers n'en sont pas moins inquiets, parce que soucieux
du coût de la mesure que ne pourront supporter toutes les entreprises à terme. Comment,
dans de telles conditions, assurer la pérennité de ces maisons ? Les seconds n'en sont
pas soucieux, depuis longtemps, peu attentifs au respect de toute réglementation, il leur
suffit de qualifier d'inapplicable cette mesure dans le secteur pour se croire dès lors
exempté de sa mise en place dans leur entreprise... Une attitude qui ne fait que
détériorer l'image d'un secteur vis-à-vis de l'emploi, alors que de plus en plus
souvent on trouve, tant chez les plus petits professionnels indépendants qu'auprès de
certains groupes, un patronat concerné par les ressources humaines. Une situation qui
devient d'autant plus intolérable qu'elle induit un comportement négatif d'un grand
nombre de salariés du secteur qui, désabusés, ne s'impliquent plus comme ils devraient
le faire dans leur métier. Il est grand temps de réagir.
Aux professionnels dynamiques, impliqués, de se faire entendre et de refuser
l'amalgame avec les autres, à eux de refuser de se retrouver au sein de certaines
instances, censées promouvoir ou défendre le secteur, aux côtés de ceux qui ont choisi
une autre voie que la leur. A eux de refuser d'être décrédibilisés auprès de
l'opinion publique, auprès des pouvoirs publics, quand ils revendiquent aux côtés de
ceux qui dénoncent les règles qu'ils n'ont jamais respectées. A eux de faire savoir
clairement comment ils gèrent leurs rapports avec leurs salariés, comment ils gèrent
leur maison. A eux de faire savoir quel genre de patron ils sont...
PAF
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2709 Hebdo 15 Mars 2001