Centres de congrès
Le marché français des congrès souffre de l'immense difficulté à concilier les intérêts des gestionnaires de palais des congrès et ceux des hôteliers, comme ceux de l'investissement public et de l'investissement privé. Du coup, les centres de congrès ne peuvent satisfaire toute la demande, faute d'une hôtellerie marchant avec eux à l'unisson.
"Par nature,
l'activité de congrès ne correspond pas aux contraintes des hôteliers, rappelle
Jacques Chalvin, directeur du palais des congrès de Lyon. Dans l'idéal, il nous
faudrait trois gros porteurs de 1 000 chambres pour héberger nos congressistes, sur des
périodes réduites dans le temps, ce qui est impossible en dehors de Paris." Une
situation apparemment en contradiction avec la politique des chaînes internationales, qui
souhaitent rentabiliser au plus vite leurs établissements. "Depuis 3 ou 4 ans,
les hôteliers se préoccupent de plus en plus du 'yield', et refusent d'être trop
dépendants des groupes", constate Emmanuel Fusillé de l'association France
Congrès. En résumé, les organisateurs de congrès travaillent sur le long terme, tandis
que les hôteliers tendent à prévoir leur remplissage à court terme. Pas moyen de
s'entendre. Pour un congrès national important, il faut compter 2 à 3 ans d'avance. "Des
délais qui peuvent s'échelonner entre 5 et 12 ans pour de gros congrès internationaux
de 2 000 à 3 000 personnes", renchérit Emmanuel Fusillé. S'octroyer 60 % de la
capacité de plusieurs établissements si longtemps à l'avance relève du défi
impossible.
Même la capitale, pourtant réputée pour disposer d'une offre d'hébergement à toutes
épreuves, doit faire face à la pénurie de chambres à certaines périodes.
Un besoin d'hôtels 3 et 4 étoiles
Ainsi l'été dernier, le retour de la belle clientèle loisirs à haute contribution en 3
étoiles supérieur et 4 étoiles a compliqué la tâche des organisateurs de congrès,
habitués d'ordinaire à caler des opérations jusqu'à mi-juillet, et dès la mi-août.
Une étude menée par le CRT Ile-de-France met en évidence un besoin de 5 000 à 7 000
chambres en catégories 3 et 4 étoiles. La situation est encore plus criante en province,
où le manque de gros porteurs et de 4 étoiles prive les palais des congrès de
nombreuses affaires chaque année. "Nous en refusons tous les jours, assure
Jacques Chalvin, surtout parmi les plus intéressantes, car ce sont celles qui
génèrent le plus de retombées économiques." Et de citer une opération de 600
personnes, dont la cotation a été refusée par le client car elle impliquait
l'hébergement des participants dans 14 établissements différents. Il constate,
pessimiste : "Nos besoins sont tellement spécifiques qu'ils ne correspondent à
aucune réalité économique."
La situation ne date pas d'hier. En 20 ans, la France est passée d'une quarantaine de
palais des congrès à 120 aujourd'hui. Un développement très rapide, et assez
anarchique, si l'on en croit Emmanuel Fusillé. Au nom de la décentralisation, de
nombreuses villes ont eu droit à leur palais, sans qu'aucune recommandation préalable
n'ait été effectuée concernant l'environnement de ces infrastructures. Très peu de
préconisations ont été formulées en faveur de la construction de gros porteurs de 200
à 300 chambres en moyen/haut de gamme, ce que demande la clientèle des congressistes, à
proximité des centres de congrès, parce qu'on croyait généralement que les hôteliers
des villes suffisaient. Parallèlement, la crise de l'hôtellerie haut de gamme au milieu
des années 80 a concentré le développement sur des unités économiques, en
périphérie des villes, élargissant le fossé entre l'offre et la demande sur le
créneau des conventions.
Des équipements vieillissants
Depuis cinq ans, l'heure n'est plus à la construction de palais des congrès mais à la
rénovation des installations. Reste à trouver des solutions pour inciter les groupes
hôteliers à venir compléter l'offre d'hébergement. Car la France représente le
deuxième pays au monde pour l'équipement de congrès, Paris occupant le titre de
capitale mondiale des congrès internationaux (palmarès France Congrès). En 1999, selon
une étude menée par France-Congrès auprès de 41 membres de l'association, l'impact
économique global aurait été de 9,2 milliards de francs (retombées directes,
indirectes et induites). Mais les congrès internationaux restent très concentrés sur la
capitale : sur 600 manifestations internationales organisées en Europe en 1999, 247 ont
choisi Paris, 200 Londres et 108 Genève, laissant peu de place aux villes de province.
Heureusement pour ces dernières, il reste 500 congrès nationaux 'tournants', cherchant
à proposer une nouvelle destination dans l'Hexagone chaque année. Jacques Danger,
p.-d.g. de Package Organisation, spécialiste de l'organisation de congrès, identifie une
dizaine de villes en France capable d'accueillir des congrès d'envergure dans de bonnes
conditions, si tant est que les clients se contentent d'hôtels 3 étoiles. La gamme des
destinations traditionnelles comme Nice, Cannes et Lyon, s'étend alors à des villes
comme Nantes ou Montpellier. Une étude de Coach Omnium pour la région Champagne-Ardenne
a révélé le manque criant de chambres haut de gamme à Reims, qui ne peut satisfaire
pour cette raison de nombreuses demandes de grandes manifestations.
Concentrer les congressistes sur peu d'hôtels
Parallèlement, la volonté des clients des palais des congrès d'éviter la dispersion
des congressistes commence à se faire entendre. Lyon, qui revendique désormais sa place
de ville internationale de congrès, devrait se doter d'ici 2004 d'un établissement
supplémentaire en catégorie 4 étoiles, en renforcement du Hilton récemment ouvert. Il
faut dire que la capacité du palais passera d'ici là de 900 à 3 500 places. D'où le
combat de certains pour obtenir un vrai gros porteur de 600 chambres, et non un 180
chambres comme c'est encore évoqué aujourd'hui. Lille, qui dispose de nombreux
établissements moyen de gamme, pourrait se doter dans les trois ans d'un gros porteur
haut de gamme à proximité de son palais. Le maire de Calais tente, de son côté, de
promouvoir une approche globale, avec un projet comprenant un palais des congrès, un
casino et un établissement 4 étoiles. L'hôtelier reste tiraillé entre sa volonté de
préserver sa clientèle individuelle fidèle et répondre à la demande sur un
événement particulier.
L. M.
Lyon, qui revendique désormais sa place de ville internationale de congrès,
devrait se doter d'ici 2004 d'un établissement supplémentaire en catégorie 4 étoiles.
La formule intégrée, une solution ?Les organisateurs de congrès veulent disposer de toutes les infrastructures sur un même site. La solution peut venir de formule intégrée comme à Disney, dont les 5 800 chambres affichent un TO frôlant les 80 %, et qui s'apprête à développer un pôle supplémentaire de 2 200 chambres du 2 au 4 étoiles. Le Futuroscope attire également la clientèle des congrès, le site offrant une capacité hôtelière satisfaisante et diversifiée (développée notamment grâce à des avantages fiscaux). Accor a mis au point une solution avec son label Atria, en intégrant toutes les prestations autour d'un Novotel ou d'un Mercure. Créé en 1992, le label s'adresse aux petits congrès et conventions de 100 à 500 participants et dispose de 13 sites en France. Le développement se poursuit par la transformation d'unités existantes, comme à Bagnolet ou à Prague, qui marque l'exportation du concept. Pour Corinne Ravel, responsable du label, "l'expertise d'Atria permet de professionnaliser les structures existantes", travaux d'aménagement à l'appui. |
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L'HÔTELLERIE n° 2709 L'Hôtellerie Économie 15 Mars 2001