La position de Jacques Mathivat,
président du SNRLH
Le 30 mars prochain se réunira la
commission plénière des CHR au cours de laquelle l'ensemble des partenaires sociaux
prendra la lourde responsabilité de signer ou non un accord sur la réduction du temps de
travail présenté par le SNRLH, le SFH et la CPIH, la proposition de l'Umih ayant été
rejetée par les centrales syndicales de salariés. Je signerai au nom du SNRLH cet accord
selon le mandat qui m'a été donné par mon comité directeur.
Par méconnaissance de son contenu ou du contexte des négociations ou par stratégies
politiques, beaucoup de contrevérités ont été formulées sur ce texte qui réduit le
temps de travail en deux étapes :
w Une première étape avec un passage à 39 heures
accompagné des allégements de charges sociales patronales prévues par les lois Aubry et
d'une réduction totale des avantages en nature nourriture.
w Une seconde étape conditionnelle avec un passage à 35
heures en 2005 ou 2007, selon la taille des entreprises, sous réserve que le gouvernement
accorde à notre profession des compensations financières de même valeur que pour la
première étape.
Ne pas signer cet accord, ce serait laisser l'Etat légiférer à notre place en croyant
qu'un gouvernement prochain reviendrait sur la loi dite des 35 heures, alors que chacun
sait que les droits acquis sont difficilement remis en cause dans notre pays.
De ce fait, les grandes entreprises structurées qui en auraient les moyens pourraient
négocier (certaines l'ont déjà fait) des accords d'entreprise à 35 heures pour
bénéficier des allégements de charges tout en attirant chez elles le personnel très
motivé de nos jours par un emploi qui offre du temps libre. Les petites entreprises -
soit près de 97 % du secteur - devront réduire la durée du temps de travail sans aucune
compensation financière, sans bénéficier de temps pour s'adapter, ni de souplesses pour
s'organiser, souplesses pourtant indispensables à notre secteur qui par essence connaît
des fluctuations saisonnières et des variations d'activité.
En revanche, signer l'accord que nous proposons, c'est assurer un délai de 4 à 6 ans aux
entreprises pour s'adapter à la réduction du temps de travail grâce à un échéancier
mis en place dans l'accord. C'est prévoir, à chaque étape de la réduction, des
allégements de charges sociales permettant la mise en uvre économique de la RTT
tout en dispensant les petites entreprises de réaliser leur propre accord qui relève
souvent de la gageure en leur offrant tous les moyens d'adaptation, que ce soit par le
biais de la saisonnalisation, du cycle ou par toute autre modalité. Cet accord permet
également de trouver les règles applicables au temps partiel face à une loi
inapplicable dans notre secteur. Enfin, il sera un élément important pour rendre plus
attractive notre profession.
Il me serait plus facile de dire que je suis contre les 35 heures en faisant abstraction
de la loi et de m'abstenir de toutes actions en laissant l'Etat prendre une décision
mettant au pilori les petites entreprises. Il me serait aussi possible de vous dire
combien je souhaite amener notre profession vers la modernité en prenant en
considération l'évolution des mentalités tout en vous rappelant combien il faisait bon
travailler au XIX siècle, et vous certifiant que la pénurie de main-d'uvre
qualifiée s'arrangera par un coup de baguette magique !
Il me paraît plus sérieux de mettre en uvre un accord prenant en considération
nos spécificités et donnant les mêmes droits et les mêmes devoirs à toutes les
entreprises composant notre profession afin de maintenir une saine concurrence. Il me
paraît relever de ma responsabilité de trouver avec les pouvoirs publics les mesures
d'accompagnement nécessaires à cette réduction de la durée du temps de travail et
d'obtenir les allégements de charges sociales qui pèsent tant sur nos entreprises de
main-d'uvre.
Il est temps que l'industrie hôtelière montre la maturité dont elle sait faire preuve
pour être autonome sans attendre toujours que la loi change pour s'adapter !
Avec le SFH et la CPIH, nous avançons d'un même pas, et nous souhaitons que,
débarrassée de dogmatisme et d'ambitions personnelles, toute la profession s'unisse le
30 mars pour assurer son avenir. |
La position de Jacques Jond,
président de la Fagiht
Le 11 janvier 2001, la délégation de
la Fagiht quittait la réunion de commission mixte sociale en cours en même temps que les
représentants de l'Umih. Devant l'évolution des négociations, et tout spécialement
devant les propositions de réduction du temps de travail à 35 heures faites par le SFH,
le SNRLH et apparemment quelques dirigeants de la CPIH, j'avais, avant de quitter la
salle, déclaré : "Les propositions des syndicats patronaux précités créent
une situation très grave qui pourrait conduire à la déstabilisation de la plupart des
entreprises et à la remise en cause fondamentale du fonctionnement de l'industrie
hôtelière française."
Pour que ces syndicats en arrivent à vouloir faire passer toutes les entreprises du
secteur dans le régime commun avec réduction de 45 heures à 35 heures en moins de 10
ans, des collusions semblent apparaître, à l'évidence. Il est vrai que les syndicats
patronaux (que je respecte toutefois, comme je respecte les syndicats salariés)
signataires du projet représentent des entreprises implantées essentiellement à Paris
et dans quelques départements, souvent à faible densité hôtelière. En particulier 90
% de l'industrie hôtelière saisonnière ne sont pas représentés par les signataires
ainsi que plus des 3/4 du territoire français. La Fagiht se dissocie donc de cette
démarche dont elle avise sans délai ses ressortissants. Et l'accueil favorable, voire
très favorable, des syndicats salariés à ce projet devrait donner à réfléchir aux
responsables patronaux auteurs de ce texte.
Hélas, depuis 2 mois la réflexion s'est traduite par un entêtement étonnant,
s'appuyant sur des arguties de plus en plus discutables, malgré la contestation interne
permanente qui s'est installée à ce sujet dans la seule composante à implantation
provinciale significative. Tout est devenu bon pour justifier l'injustifiable, et pour
excuser des syndicats patronaux de s'engager dans une voie qui réduirait de près de 25 %
en 9 ans la durée du temps de travail dans l'industrie hôtelière. On rejoindrait ainsi
le régime commun contraire à toutes les spécificités de la profession. Mais tous les
prétextes sont avancés, tels que le manque de main-d'uvre qualifiée, comme si
l'industrie hôtelière était la seule branche d'activité concernée par ce phénomène,
et comme si ledit phénomène était dû seulement à l'image de marque de la
profession... et non aussi à une certaine culture du non-travail et aux rythmes
professionnels à contretemps de l'évolution de la société de loisirs.
Que les entreprises qui en ont les moyens (et il y en a) réduisent donc le temps de
travail, augmentent les salaires et passent des accords comme la loi Aubry le leur permet
afin de percevoir les fameuses primes qui risquent de n'avoir souvent qu'un caractère
virtuel.
Autre prétexte tout à fait stupéfiant pour faire admettre l'inadmissible : un projet de
décret est en préparation pour rendre enfin effectif au 1er juillet 2001 la suppression
des charges sociales sur les avantages en nature nourriture.
Et nos trois syndicats patronaux, en compétition pour le progrès social, d'essayer de
présenter à leurs ressortissants et aux chefs d'entreprise de la profession en général
ce projet de décret comme un cadeau du gouvernement en échange de la signature en faveur
des 35 heures ! De qui se moque-t-on ?
Le 30 avril 1997, la Fagiht, la FNIH, le GNC, le SFH et le SNRLH avaient précisé très
officiellement au Premier ministre que la convention collective n'était signée et
extensible que sous condition formelle de la suppression desdites charges patronales. Ceci
en échange du passage de la durée du temps de travail de 45 heures à 43 heures. La
convention collective est en application pour toutes les entreprises : or, seulement 25 %
de l'abattement convenu sont en vigueur. Les syndicats patronaux ont donc été dupés et
le projet de décret évoqué plus haut ne fait que réparer un abus de confiance. Alors
de grâce, que cette mesure de restitution d'un dû ne soit pas présentée comme une
monnaie d'échange nouvelle. Enfin, les syndicats patronaux, auteurs du projet
d'alignement sur les 35 heures, semblent mesurer le problème de représentativité qui
peut les concerner pour une extension de leur texte. Aussi n'hésitent-ils plus à
affirmer qu'ils représentent 50 % ou davantage des salariés des entreprises syndiquées.
Comme d'autres syndicats affirment représenter de 80 à 90 % des entreprises, il y a
longtemps que les 150 % sont dépassés, en dehors même de la Fagiht bien sûr, et il y a
tout aussi longtemps que le manque de sérieux, le manque d'un minimum d'objectivité pour
appuyer un argumentaire, affaiblissent les syndicats patronaux de l'industrie hôtelière
française. L'enjeu pour l'avenir de nos professions est trop grand pour que nous nous
taisions.
Le gouvernement est dans son rôle (comme tout gouvernement) quand il tente de faire
appliquer le plus largement possible les orientations et décisions économiques ou
politiques qu'il a prises.
Les syndicats salariés sont dans leur rôle quand ils pratiquent la surenchère pour
tenter d'arracher le maximum en faveur des salariés, et cela vis-à-vis de l'ensemble des
entreprises, sans se rendre compte qu'ils condamnent à court terme la majorité d'entre
elles, trop vulnérables pour supporter de telles réformes.
Mais les syndicats patronaux dérivent complètement quand ils ne savent que céder de
mois en mois et de trimestre en trimestre devant les pressions d'où qu'elles viennent.
Et le gouvernement et les syndicats salariés seraient avisés de s'interroger sur la
portée qu'aurait un éventuel accord signé par tel ou tel responsable non représentatif
de la majorité de ses mandants... |