Avignon
Hôtel puis Auberge de France, l'établissement, depuis plus de 72 ans dans le patrimoine familial, a été racheté par Albert Mansour, professionnel déjà installé Place de l'Horloge.
En 1998, alors qu'ils
célébraient le 70e anniversaire de l'établissement familial, les petits-enfants de
Jeanne Struby s'interrogeaient déjà sur leur avenir. Pourraient-ils poursuivre encore
l'uvre entreprise par leur grand-mère en 1928, alors que l'établissement de la
Place de l'Horloge, à deux pas du palais des Papes, s'appelait Hôtel de France ?
Pourraient-ils aussi éviter à leur père, Primo Tassan, chef de tempérament et de
talent, qui avait obtenu et conservé 1 étoile au Guide Rouge pendant 17 ans,
d'avoir à écraser une larme en voyant cette maison, 'SA' maison, changer de main ?
Frédéric, le chef, François, le gestionnaire, et Christophe, le sommelier, ont remué
le problème dans tous les sens. Continuer à exploiter Les Domaines, le restaurant de
type brasserie, était certes possible, mais avec de nouvelles ambitions, non. C'est ce
qu'explique le cadet de l'entreprise qui entretiendra, un peu plus loin des clients
désormais, sa passion pour le vin. "Après douze années de travail en commun,
nous étions arrivés à un carrefour : soit il fallait relancer l'hôtel dont la
fermeture était effective depuis 1983, soit on arrêtait et on mettait l'ensemble en
vente. C'est finalement cette approche qui nous est apparue la plus cohérente."
Mais derrière cette issue pourtant difficile à envisager, l'analyse s'affine : "En
fait, nous n'avons pas eu la force et la motivation d'affronter les nouvelles données
sociales, de partir dans une nouvelle campagne d'investissements pour des travaux
indispensables, et de bâtir aussi une équipe plus importante avec les contraintes
économiques que cela implique." Les démarches pour aboutir à cette vente
effective en tout début d'année 2001 ont finalement duré 2 ans. "Beaucoup
d'acheteurs potentiels se sont montrés intéressés par l'ensemble immobilier (900 m2
en plein centre-ville sur 5 niveaux) mais pas par le restaurant, poursuit
Christophe Tassan. Une association de caves a envisagé d'y installer un lieu de
promotion et de vente prestigieux pour ses vins, mais c'est surtout notre voisin, l'hôtel
Mercure, qui a poussé le plus loin les discussions." Cependant, l'affaire n'a pu
se concrétiser puisque les responsables de cette enseigne du groupe Accor n'étaient
preneurs que des étages et des anciennes chambres pour augmenter leur capacité
d'accueil, et laissaient le soin à la famille Tassan de trouver quelqu'un intéressé par
le restaurant. Finalement, la solution est toujours venue d'un voisin, un petit moins
proche, mais qui exploite déjà un restaurant, L'Hôtel de Ville, sur cette même place
de l'Horloge.
Un voisin qui veut relancer la maison
Restaurateur, vigneron depuis l'achat du Domaine Mansour dans les Côtes du Ventoux,
Albert Mansour a saisi l'opportunité du rachat. "Le prestige de l'affaire m'a
vite décidé. Mais je vois aussi cela comme un challenge afin de redonner à cette maison
la place qu'elle mérite. Je souhaite donc tout mettre en uvre pour relancer le
restaurant tout en relevant le niveau."
Une ambition qu'il aurait aimée, affirme-t-il, partager avec les trois frères Tassan.
"Je les débarrassais de la gestion et eux continuaient à travailler avec le
talent qu'on leur connaît. Mais ils ont préféré prendre du recul. Seul Christophe
intervient sur la carte des vins et dans le contact avec les vignerons, parce que je tiens
à conserver l'image d'une maison où le vin est un élément important." 4
salariés sont restés et Albert Mansour a fixé dans un premier temps à 5 le nombre
d'embauches nécessaires pour reconstituer une équipe suffisante. "Car on va
allonger les plages horaires d'accueil des clients. Place de l'Horloge, en Avignon, on ne
peut pas se permettre de refuser des clients à 13 h 30. Nous travaillerons donc jusqu'à
15 heures pour le déjeuner et minuit pour le dîner."
L'hôtel, lui, ne rouvrira pas ses portes. Le nouveau propriétaire des lieux ne cache pas
qu'il voudrait réaliser une bonne opération financière avec, pourquoi pas, un
réaménagement sous la forme de bureaux. Quant au nom, Les Domaines, il ne changera pas.
"C'est ce qui a le plus de valeur ici !", lâche-t-il dans un grand
éclat de rire...
J. Bernard
Primo Tassan et ses fils au bar des Domaines, une image en forme de souvenir.
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L'HÔTELLERIE n° 2712 Hebdo 5 Avril 2001