Tables Régionales en Nord-Pas-de-Calais
Avec de la constance et du temps, jouer la carte des Tables Régionales, au Nord comme ailleurs, peut livrer des opportunités en termes de notoriété et faire découvrir des produits, même quand on croit tout connaître. Difficile de mesurer un véritable impact commercial, l'objectif se situant plus en arrière-plan.
Ludovic Miltgen, du Comité de promotion des produits agricoles et agroalimentaires Nord-Pas-de-Calais, explique : "Sur environ 70 adhérents, la moitié est là depuis 3 ans et plus. Cela signifie quelque chose. Je crois que les restaurateurs apprécient de participer à un mouvement indépendant de la profession, sans problème de concurrence. Ils sont totalement libres de leur démarche." La branche nordiste du mouvement des Tables Régionales a maintenant atteint un certain âge adulte, sans pour autant patiner dans la redondance. Parvenu à sa quatorzième 'quinzaine de caractère', à raison de trois par an, dont une sur trois dédiée à une bière régionale, aucun produit n'a été vu deux fois. Parmi les dernières quinzaines, si la bière Septante 5 de la Brasserie Terken était sans doute connue de tous, les possibilités de recettes du Lingot du Nord, haricot blanc Label Rouge, semblent en avoir surpris plus d'un. Bien entendu, il y a la Carbonnade flamande aux haricots, à la bière et aux pains d'épice, mais les chefs ont cherché d'autres possibilités et les ont trouvées. "Parmi les adhérents, nous avons nos locomotives, ceux qui suivent et les moins réguliers", poursuit Ludovic Miltgen. Les adresses sont très variées. Les restaurants, très typés terroir comme les estaminets flamands, voisinent avec les tables de solide tradition française avec une touche régionale à la carte. On trouve des restaurants d'hôtels récents ou de chaînes qui veulent atténuer leur côté impersonnel par une chaleur locale. Le cur de cible semble se trouver entre 100 et 200 francs de ticket moyen, mais on y trouve aussi des adresses très réputées, y compris un étoilé Michelin. Certains y figurent sans doute plus pour appuyer le mouvement de leur nom que pour y rechercher un avantage.
Dans une stratégie
Au Toboggan de Ronchin, dans la banlieue sud de Lille, Yves et Fabienne Choteau tiennent
une petite affaire au décor sympathique mais sans caractère très marqué. La mise en
place est classique et la carte met le vin plus en avant que la bière. Sans formation
hôtelière, Yves Choteau est entré à l'âge de 18 ans chez Pizza Paï, avant de faire
ses classes pendant deux années chez un petit restaurateur indépendant. A 25 ans, il est
chez lui à Ronchin, le berceau de sa famille d'origine brassicole. 13 ans plus tard, le
Toboggan a trouvé son régime de croisière, emploie 5 personnes, patrons compris, pour
1,4 MF de CA. Les Choteau vont investir dans un rafraîchissement. Ils ont opté, patron
excepté, pour des horaires réduits assortis d'une aide par réduction des charges
sociales. 32 heures payées sur la base de 40 heures pour les deux cuisiniers, 20 heures
pour Fabienne Choteau et la personne en salle qui l'accompagne, avec une ouverture le midi
et deux soirs par semaine seulement. La tendance terroir, les Choteau l'ont choisie après
avoir débuté un classique grill salade "pour se démarquer des chaînes".
Un choix que les clients ont apprécié. "C'est un fournisseur voisin, la
Brasserie Jeanne d'Arc, qui m'a suggéré d'adhérer", raconte Yves Choteau.
Aucune obligation derrière, le Toboggan n'a que deux becs, un débit très moyen et le
fournisseur principal est Normil, à Ronchin également. L'intérêt ? "Connaître
des produits et surtout des fournisseurs, faire des rencontres intéressantes avec des
élus, des journalistes qui, sans cela, ne viendraient pas vers nous et parler avec
d'autres restaurateurs", répond ce patron pondéré. L'endive Perle du Nord, la
betterave rouge, la vergeoise, tout le monde croit connaître. La pomme de terre de
Merville, c'est peut-être moins sûr. Quelques fois, c'est la vraie découverte. "Nous
avons expérimenté le Perlé de Groseille dans une recette et ce plat est resté à la
carte", témoigne le patron du Toboggan, qui n'est certes pas cuisinier de
formation mais très attentif à ses menus. "Je ne suis pas sûr que cela
m'apporte de nombreux clients. Mais même pour mes habitués, c'est un plus. Les Tables
Régionales sont bien perçues. C'est une bonne chose sur le plan de la notoriété de se
trouver à côté de noms beaucoup plus importants que le mien, comme Clément Marot et
Christian Germain."
Une synergie complète
Pour Christian Jacquemain, 34 ans, le patron de L'Gaïette rue Masséna à Lille, le
terroir est le choix central. Les Tables Régionales entrent en synergie évidente avec ce
choix. Encore faut-il faire le nécessaire pour que cela fonctionne. Il reconnaît ne pas
participer souvent aux présentations de produits chez les fournisseurs par manque de
temps. Il aimerait être mieux informé des activités marketing du comité. Les documents
de promotion doivent être renouvelés plus souvent et les photos améliorées. Cela dit,
il continue. Lui aussi a découvert des produits, comme cette barbe du capucin, une
feuille proche parente de l'endive, assez longue, bonne aussi bien en salade que
cuisinée. Le Lingot du Nord "est un bon produit que l'on peut mouiller sans
laisser tremper des heures, et qui, par rapport aux flageolets, apporte une image
régionale".
Ceux qui ont connu le quartier des Halles de Paris à une certaine époque retrouveront un
peu cette ambiance 'ch'ti' rue Masséna, d'ailleurs le quartier des anciennes Halles de
Lille. Christian Jacquemain y a ouvert boutique en 1994 et vient cet automne de s'agrandir
à l'étage. Boutique est le mot et ce n'est pas du toc : boiseries, meubles à petits
tiroirs, carrelage à l'ancienne, marbre, miroir vitraux et comptoir tout droit sortis du
début du XXe siècle. "Cela faisait 10 ans que je pensais ouvrir un restaurant de
spécialités régionales pour retrouver l'ambiance des repas de famille nombreuse de
l'époque de mes grands-parents", raconte Christian Jacquemain. Avant cela, sorti
de l'école hôtelière de Tournai en Belgique, il débute par un stage en salle chez
Bocuse, puis dans un grand hôtel suisse. Il travaille ensuite en Floride avant de revenir
dans le Nord. Il ouvre L'Gaïette après six mois de formation en management chez
Uniforth. De bouche à oreille, l'adresse de la 'rue de la soif', repère des étudiants
et des bourgeois encanaillés, a bien tiré son épingle du jeu. Toujours pleine, si bien
qu'il a fallu à la première opportunité aménager astucieusement l'étage pour pouvoir
recevoir des groupes. A présent, L'Gaïette reçoit plus de 60 convives avec un plat du
jour à 48 F, Magrets eud'canard des brasseurs ou une En'ballotine eud'dinde aux choux à
60 F. Et après avoir dégusté un dessert à la vergoise, ils partiront avec une
bouteille eud'bière d'Ostrevent, une Trois Mont ou une Sans-Culottes. Au chef Frédéric
Liénard, 5 ans aux fourneaux régionaux, parti à Paris, a succédé le jeune Thomas
Miersman de la même veine. Ils sont 7, temps plein et partiel compris, ont réalisé 1,60
MF de chiffre d'affaires à l'exercice de fin septembre dernier avec, sans doute, plus de
2 MF en vue. "Nous allons aussi relancer les soirées à thème avec spectacles",
annonce Christian Jacquemain.
La cuisine est régionale au sens large : Flandres, Artois, Picardie, Hainaut, Thiérache.
Elle se relit, se réinterprète. L'accueil et l'atmosphère à table comptent tout autant
que l'assiette. En ce sens, la synergie promotion des produits régionaux - Tables
Régionales fonctionne. A la cheville, non seulement, le comité de promotion, mais aussi
les fournisseurs ? Aux restaurateurs reviennent la créativité et l'art de vendre. C'est
le moment, la tendance terroir semble repartie jusqu'à l'an 3000.
A. Simoneau
|
|
|
L'idée Tables RégionalesEn quelques lignes, rappelons le concept : les Tables Régionales sont une
association de restaurateurs créée par le milieu agricole et chapeautée par les
chambres d'agriculture à travers leurs Comités de promotion régionaux. Les
restaurateurs acquittent une cotisation supportable et s'engagent à mettre en valeur les
meilleurs produits du terroir dans leurs recettes. Les fournisseurs s'engagent, eux, sur
des produits de qualité garantie (ce sont souvent des produits inclus dans une politique
de labels) et sur une information suivie des restaurateurs. |
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2712 Hebdo 5 Avril 2001