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L'Ours Noir

Le restaurant qu'on attend un an

Chaque année, depuis 31 ans, L'Ours Noir fait le bonheur des Nancéiens durant la grande foire attractive du mois d'avril. Spécialisée dans le cochon de lait, la brasserie est dirigée par Gérard et Janine Poetschke, qui, sept à huit fois par an, déménagent leur établissement de foires en foires.

Le scénario est bien rodé. Il faut entre deux et trois jours pour installer la brasserie de L'Ours Noir, une journée pour nettoyer et disposer les tables. Quand le départ s'annonce, deux jours sont suffisants pour ranger tous les éléments dans les camions. Car L'Ours Noir n'est pas un établissement comme les autres, puisqu'il est itinérant. "Je me sens forain avant tout parce que je ne suis pas sédentaire, explique Gérard Poetschke, le patron, mais je suis également restaurateur et j'aime ce métier." D'ailleurs, Gérard n'a jamais envisagé d'ouvrir un restaurant fixe. Car ce qu'il aime avant tout, ce sont les déplacements et le renouvellement de sa clientèle. "Nous avons l'avantage de ne pas lasser les gens, et, en même temps, dans chaque ville nous avons nos habitués. Ce mode de travail saisonnier est également important au niveau du chiffre d'affaires annuel. C'est un travail intense durant huit mois de l'année au cours desquels nous réalisons notre chiffre. Puis nous sommes tranquilles pour quatre mois." Gérard apprécie en outre le brassage des différentes couches de la société qui fréquentent les foires attractives : les mardis et mercredis sont plus BCBG, les samedis mélangent tout le monde, avec les jeunes qui viennent manger tard le soir, les dimanches sont plus familiaux "avec le grand-père qui paye la note". L'Ours Noir fonctionne avec une équipe de permanents, une quinzaine de salariés, qui fait tous les déplacements. Chacun vit dans sa caravane et certains d'entre eux sont là depuis 20 ans. Pour chaque foire, en fonction de son importance, le patron embauche des personnes du cru, une vingtaine à Nancy. "Il faut savoir servir, compter vite et surtout avoir une bonne relation avec les clients." L'établissement est ouvert de 11 heures à 14 h 30, puis de 18 h 30 jusqu'à la fermeture de la foire.

Une brasserie historique
Gérard Poetschke et sa famille sont originaires d'Elbeuf en Normandie. C'est là qu'ils ont leur 'base', comme dit Gérard. Cependant, l'histoire de la brasserie est liée à celle de la guerre de 1870. "Une société possédait deux filatures, l'une à Elbeuf, l'autre à Bischwiller en Alsace. Quand les Allemands ont annexé l'Alsace-Moselle, de nombreux habitants de Bischwiller sont venus travailler à Elbeuf. Ils sont venus avec leurs brasseurs et leur bière : L'Ours Noir." Lors de fêtes foraines à Elbeuf, la brasserie a fait merveille durant des années, jusqu'à ce que les parents de Gérard, forains, rachètent l'affaire. L'amélioration des routes... et des camions a fait le reste. Petit à petit, L'Ours Noir s'est installé dans les foires de la région, à Rouen, puis plus loin comme à Nancy, Metz ou Troyes. Gérard a repris la brasserie avec son épouse dans les années 70, et il a toujours travaillé en famille, d'abord avec son frère, puis avec sa fille et son gendre. La famille est également toujours restée derrière les fourneaux, avec les recettes phares de la maison : les terrines de lapin ou de volaille, les civets, les cuisses de grenouilles et le fameux pâté fabriqué chaque jour avec les têtes des porcelets.

900 porcelets en un mois
"Il y a trente ans, en arrivant sur le marché du travail avec mon frère, nous voulions innover dans la profession. Avec mes parents, ça ronronnait un peu trop à notre goût." Dès 1970, les deux frères proposent des côtes de bœuf sur le grill. Puis, petit à petit, ils achètent des rôtissoires, affûtent les systèmes et proposent des porcelets grillés. Avec une grande terrasse et une salle pouvant contenir 250 personnes, ils rôtissent plus de 900 porcelets à Nancy durant le mois que dure la foire. Gérard a toujours à cœur de se fournir dans les régions où il travaille. En Lorraine, il va chercher ses porcelets dans les Vosges et n'a jamais aucun problème. Cependant, cette année, avec les problèmes de fièvre aphteuse, le restaurateur était inquiet. "Nous avons trouvé ce que nous voulions, mais les prix ont augmenté de plus de 20 % avec un kilo qui est passé de 26 F à 32 F. Il va falloir répercuter cette augmentation auprès des clients." Pourtant, à 75 F la part de porcelet bien servie - et on peut avoir une deuxième portion pour les affamés -, la clientèle nancéienne ne fera pas défaut à son établissement favori de la foire. Car la recette principale de Gérard Poetschke est la qualité. "Tous les légumes et les produits sont frais et achetés à Nancy ou dans les environs, ou fabriqués par nous-mêmes, assure-t-il, et nos pommes de terre sont de vraies pommes de terre, épluchées et découpées par nous, pas des surgelées." L'année prochaine, pendant le mois d'avril, L'Ours Noir sera de retour à Nancy. Pour la plus grande joie de ses nombreux aficionados.


La recette principale de Gérard Poetschke est la qualité.


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L'HÔTELLERIE n° 2713 Hebdo 12 Avril 2001


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