Pierre Nouchi à Calais (62)
Pierre Nouchi en est certain, un professionnel indépendant peut faire face aux chaînes de restauration. Mais le contexte compte aussi. Il faut restructurer la ville de Calais.
En septembre dernier, il a
remis sans hésiter 1 million de francs au pot pour refaire une beauté à La Sole
Meunière, une des plus anciennes adresses de Calais, au coin de l'avenue de la
Résistance et de la rue de la Mer. Les cuivres brillent, le bois rouge verni respire la
santé, les 100 000 francs d'argenterie scintillent même un jour de pluie, et l'équipe
du midi se donne du mal pour une mise en place impeccable. Pierre Nouchi est fier de son
vaisseau amiral où officie le chef Didier Routier. Vue panoramique sur la rade, les
ferries d'un côté, la plaisance de l'autre. En attendant l'embauche d'un responsable de
salle difficile à trouver, cet autodidacte de 45 ans reçoit lui-même ses clients.
Etait-ce bien le moment d'investir, une année où le trafic passagers a accusé une
baisse très nette ? "J'ai voulu montrer le dynamisme de Calais malgré un marché
difficile. La disparition du duty free et la persistance d'un marasme structurel sont des
réalités. Cette ville a besoin d'être restructurée, tant dans son activité
économique que sur le plan de l'urbanisme", commente-t-il.
Le métier et le goût du risque, il les a appris aux côtés de son oncle Maurice
Partouche, patron du casino de Calais et l'un des plus importants restaurateurs
événementiels de la ville. Une maison où l'on prépare carrément de grosses fêtes
comme l'an dernier quand le club de foot... Mais ne remuons pas les bons souvenirs. En
1988, Pierre Nouchi prend son indépendance et s'installe à La Sole Meunière, un
restaurant gentiment bourgeois. "Pas question de changer le nom, tout le monde
connait ici." Il rafraîchit l'établissement, modernise sans effaroucher.
Mitoyen d'un rude concurrent avec José Crespo, le respecté patron du Channel, il
construit son affaire et en fait sa vitrine. La clientèle doit beaucoup au transmanche.
"Les Anglais aiment sortir et sont capables de choisir les meilleurs menus pour se
faire plaisir." Mais ils savent aussi ce qu'est un rapport qualité/prix. En
1995, il reprend le Gin Fizz, rue de la Mer sur le trottoir d'en face, et le baptise La
Mer. C'est sans doute là qu'il montre le mieux sa compétence d'homme d'affaires. La Mer,
une brasserie de poissons et de moules, peut, certains jours de beau temps, terrasse
ouverte, servir près de 500 couverts de midi à minuit. C'est aussi là que se mijotent
les meilleures marges. La moule est un produit à la mode qui, bien travaillé par des
mains productives, lui permet de gagner sa vie. Et dix numéros plus loin, c'est un
tex-mex, Le Sam, qu'il confie à sa compagne Sylvie Quenson. Une belle petite affaire
quand le buf n'est pas en pénitence. 27 % de baisse à la dernière crise. Même le
poulet et le porc en recettes alternatives en souffrent.
L'une sur l'autre
Trois affaires l'une sur l'autre, n'est-ce pas trop ? Justement non, "rien ne vaut
une rue commerçante animée. Mes affaires sont très différentes, et complètent les
pubs et restaurants à thème d'à côté", plaide Pierre Nouchi, grand brun
élégant à moustache, mais rien du Major Thompson. En plus, il aime avoir l'il sur
tout, notamment sur les achats. La proximité permet de mieux gérer. Autre avantage, la
synergie de production : trois petites cuisines, le chef Didier Routier, et le directeur
de salle de La Mer, Emmanuel Grart, cela fait ensemble une équipe de service traiteur
efficace.
Son souci, c'est le manque de vision d'urbanisme. "Nos étudiants sont exilés en
périphérie, il fallait les loger ici, en centre-ville. Et ce centre est trop
désarticulé, trop plein de quasi ruines, en tout cas de bâtiments vieillis..."
Quand on est soi-même très réactif, quand on investit ce qu'il faut, où et quand il
faut, il est difficile de comprendre une apparente apathie et les lézardes du décor.
Président du Syndicat des restaurateurs, il croit en l'action collective et s'investit
dans la promotion avec les Toques d'Opale, le Club des restaurateurs du calaisis. Il n'est
pas certain que cela suffise pour peser. Mais face au monde du transmanche, à la veille
d'investissements de grande ampleur pour accompagner un marché sans doute de retour à la
hausse dès 2002, mieux vaut jouer l'unité d'action.
A. Simoneau
Pierre Nouchi avec une partie de l'équipe de La Sole Meunière.
Trois affaires en chiffresLa Sole Meunière La Mer Le Sam |
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L'HÔTELLERIE n° 2713 Hebdo 12 Avril 2001