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Concept |
Quel est l'endroit le plus indiqué pour ouvrir un restaurant sur le thème du bricolage ? Là où l'on trouve tous les amoureux de la perceuse et les fous de la chignole. Depuis le 12 janvier 2001, le Bricolo Café attire les foules au sous-sol du BHV à Paris.
m Nadine Lemoine
Tout nouveau et déjà les
clients font la queue pour découvrir ce lieu insolite et, il faut bien le reconnaître,
parfaitement conçu. Le Bricolo Café, c'est d'abord une belle histoire. Au départ de
cette aventure, il y a Christian Maury, 28 ans, chef décorateur pour le cinéma et la
télévision, et bourré de talent. Dans son métier, il est amené à créer des décors
de toutes sortes et aussi de ses mains. Il adore ça. "Je suis fasciné par le
bricolage", dit-il encore aujourd'hui. Il y a un peu plus de deux ans et demi,
l'idée d'un café convivial, bon marché, où les gens pourraient se rencontrer et
discuter bricolage, commence à prendre forme. Le décor, il le voit déjà : un vieil
atelier, véritable bric-à-brac où s'entremêlent outils et objets anciens, meubles en
bois, couleurs patinées. Une atmosphère un brin nostalgique. Un endroit qui a vécu,
avec une âme. En tant que professionnel de l'illusion, il n'a eu aucun problème pour
concevoir et réaliser son rêve du point de vue technique. Un beau jour, il parle de son
idée à Alain Chabat, ex-Les Nuls sur Canal +, toujours comique et acteur (alors en train
de tourner sa cassette vidéo Bricol'girls). Celui-ci est emballé et lui conseille
de mettre à plat son projet. Christian Maury s'exécute, et toujours sur les conseils
d'Alain Chabat, il présente son dossier à la Fondation Canal +. A la clef, un prix de
150 000 F. "Il fallait présenter un projet innovant, potentiellement créateur
d'emplois, se souvient Christian Maury. Mais ce qui est tout aussi important, c'est
que la fondation m'a mis en contact avec Olivier Doriath. C'est lui qui a eu l'idée de
s'implanter au BHV."
Olivier Doriath, 32 ans, déjà primé en 1995 par l'Enseigne d'or pour la création d'une
entreprise d'insertion liant récupération et création d'objets et de meubles pour la
maison, était censé l'aider "pour l'administratif". Ils découvrent
qu'ils sont sur la même longueur d'onde et deviennent associés. "Nos univers
étaient vraiment cohérents", précise Christian. Le duo de choc décroche la
subvention de Canal + et monte la SARL Bricolo Factory.
Les partenaires se bousculent
Il se trouve par un heureux hasard qu'Olivier Doriath est également le fondateur d'une
agence spécialisée dans les domaines de l'innovation et surtout du partenariat. C'est la
carte maîtresse. Olivier va lui aussi pousser les portes et défendre le Bricolo Café
auprès de nombreux professionnels pour décrocher ces fameux partenariats qui,
eux-mêmes, vous ouvrent d'autres portes... Les partenaires ? Lavazza, Kronenbourg, Virgin
Cola, Caterpillar qui habille les serveurs (tee-shirt bleu marine au logo du café dans le
dos et pantalon de toile sport et jeune), et Liberty Surf qui offre un accès gratuit à
Internet (on tombe directement sur le site cyberbricolo.com créé par le BHV). Sans
oublier le magazine Système D, sous-titré 'Le bricolage à la maison et au jardin',
dont on peut consulter plusieurs exemplaires dans le café. En un clin d'il, des
unes de Système D, qui datent des années 50, servent de papier peint sur un pan
de mur.
Avec leur projet déjà bien ficelé en poche, Christian Maury et Olivier Doriath arrivent
à convaincre la direction du BHV de leur permettre d'implanter leur Bricolo Café au
sous-sol, "temple absolu du bricolage". 12 mois plus tard, il ouvre ses
portes.
Le marketing a été savamment étudié. Dès l'entrée du magasin, un parcours fléché
au logo de l'établissement (vert rose ou bleu) conduit le client jusqu'au restaurant.
Aucune porte à franchir, le Bricolo Café est ouvert sur les rayons. Tout de suite, on
découvre un atelier suranné, un atelier de grand-père où s'entassent clous, boulons,
clés à molette, des outils en bois et en fer, de vieux bidons Bouillon KUB, un
téléphone et deux radios ancestrales. Les murs sont "patinés par le temps",
poussiéreux, voire sales. "J'ai fait exactement ce que j'ai voulu dans le moindre
détail. On était 5 et ça a pris plus d'un mois pour réaliser le décor. J'étais tout
le temps sur le chantier et j'y ai travaillé moi-même parce que j'aime ça",
explique Christian.
48 places assises dans 50 m2 encastrés en partie sous un escalier. De petites tables de
bois peintes, et des établis le long du mur qui servent aussi de tables. Tabourets en fer
et chaises en bois dépareillées. Un comptoir. Le tour est joué.
Au menu ? Sandwiches, salades, viennoiserie, tartes salées et sucrées. Une petite
restauration "bon marché parce que ça va avec le concept et parce que je veux
que ce soit un lieu vraiment convivial", déclare Christian. Le jambon-beurre est
à 18 F, la tarte (quiche) à 15 F, la salade à 22,50 F et le café à 7,50 F.
L'exploitation du lieu est confiée au groupe Casino. Christian Maury insiste sur le fait
qu'il a sélectionné tous les produits au cours de dégustations et que tout est frais. "Nous
avons une cuisine au 5e étage du BHV", précise-t-il.
Masterclass de bricolage
Le petit truc qui change tout et qui fait beaucoup pour la popularité du lieu, ce sont
les masterclass de bricolage. Raccorder une machine à laver, remplacer une vitre, poser
du papier peint, réussir un ponçage ou une mosaïque... Tous les jours, à 12 h 30 (ça
va changer) et à 16 heures, l'un des vendeurs du BHV, chacun expert dans un domaine,
s'installe au milieu de la salle, fait sa démonstration et répond à toutes les
questions. "Ce n'est pas un cours magistral, c'est un échange convivial,
explique Christian Maury. Les thèmes changent chaque jour et les plannings sont connus
quinze jours à l'avance." C'est gratuit et les amateurs ne manquent pas. Les
femmes y compris. A l'usage, il semble que la menuiserie ou la peinture fasse d'ailleurs
plus d'émules que la plomberie... Le plus important, commercialement parlant, c'est que
l'engouement pour le bricolage soit bien présent. Qu'ils viennent consommer ou demander
la liste des prochains masterclass, les clients vont au Bricolo Café. Et y reviendront
sûrement. Christian Maury est encore sous le choc du raz-de-marée. Le succès est tel
que les contacts se multiplient et les projets abondent. Le BHV (17 magasins en France)
aimerait d'ores et déjà agrandir le Bricolo Café et penserait à un numéro 2. Le BHV
détient l'exclusivité du concept en grande distribution pour 2 ans. "La SARL
Bricolo Factory est propriétaire de la marque. Nous avons une convention de partenariat
avec le BHV. Il nous paye une licence de marque", confie Christian Maury. A la
question combien avez-vous investi, Christian Maury ne mâche pas ses mots pour répondre
: "Ça ne m'a rien coûté, ça me rapporte."
Avant même le démarrage du restaurant, les deux associés envisageaient de lancer le
concept sous la forme d'un "kit facile à installer dans de nombreux lieux publics
comme les cafés, restaurants ou même les multiplexes de cinéma". Ils ont
décidé de faire marche arrière pour l'instant. Ils se sont rendus compte que leur point
fort était le décor. Alors, ils préfèrent se concentrer sur la création d'autres
restaurants. Christian Maury maîtrise toute la logistique concernant les travaux. Il sait
à quel professionnel il faut faire appel, où se fournir, quelles techniques employer...
C'est un métier et c'est son métier. Aujourd'hui, les clients défilent au Bricolo Café
et les professionnels aussi pour voir le phénomène. "J'ai déjà des
contacts", indique Christian. Son but, c'est de trouver des professionnels
intéressés par le concept afin de développer rapidement l'enseigne. "Il faut
faire une cuisine simple et bonne. Quant aux masterclass, un par semaine, ça suffit",
explique Christian. Il a très bon espoir. Son sourire en dit long. n
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L'HÔTELLERIE n° 2714 Supplément Licence IV 19 Avril 2001