Licence IV |
Regard |
Joël Jondeau a 32 ans. Patron du Dupont Café à Paris depuis 1992, celui-ci a réussi à doubler le chiffre d'affaires, notamment en transformant l'établissement. Patron innovant et dynamique, Joël est en quête perpétuelle d'idées et de concepts. Nous l'avons suivi dans les rues de Londres, là où ça bouge.
m Sylvie Soubes
Pour Joël, qui visite aussi souvent qu'il le peut
les grandes métropoles, Londres est sans aucun doute sa ville de prédilection. "Je
crois qu'en Angleterre, et précisément à Londres, il existe réellement une industrie
du bar et ce n'est pas péjoratif. Les concepts sont ciblés. Les offres sont claires.
Avec d'un côté la bière et de l'autre le café, qui est de plus en plus présent."
Joël rappelle au passage que Margaret Thatcher a été à l'origine de la
déréglementation des pubs qui étaient auparavant le monopole des brasseurs. Des pubs
qui peuvent aujourd'hui ouvrir leurs portes dès 11 heures du matin jusqu'à 23 heures en
semaine, et de midi à 22 h 30 le dimanche.
Time Out (Eating & Drinking London) sous le bras, Joël, qui n'avait pas mis
les pieds à Londres depuis 4 ans, a très envie de faire connaissance avec Atlantic, du
groupe Gruppo. "On a dit beaucoup de bien et de mal sur cet établissement au
décor, paraît-il, impressionnant." Direction donc le 20 Glasshouse Street.
L'entrée fait figure de club privé. Il faut descendre des marches pour atteindre les
deux bars et le restaurant. Une hôtesse vous prend en charge en haut de l'escalier, puis
un réceptionniste vous accueille au vestiaire. "Un bon point pour ce
réceptionniste qui était au téléphone et qui a pris soin de nous faire patienter avant
de terminer sa conversation", apprécie Joël. L'établissement est effectivement
impressionnant. "La salle du restaurant doit bien faire 400 m2. Le mélange des
genres est assez curieux." Miroirs art déco, frises Empire, ventilateurs au
plafond, sièges de cuir vert, gigantesques photos dans l'esprit des années 70 sur les
murs (des jambes seules, un corps sans tête...), bois et marbre, bar contemporain. Il est
13 heures. Comme le confirme un serveur, il n'y a jamais beaucoup de monde le midi. En
revanche, l'établissement tourne à plein régime le soir. Plus de 300 couverts en
moyenne, sans compter l'affluence qui règne aux bars annexes. Joël questionne encore le
serveur, entre une Caesar salade (aux produits frais et gourmands) et un verre d'Errazuriz
1999 (un vin blanc du Chili remarquable, servi à parfaite température. Autre bon point).
"Le travail est moins dur ici qu'en France, traduit Joël en souriant. Un
serveur fait 6 ou 12 heures par jour en fonction du planning et gagne correctement sa vie
: 1 300 livres par mois. La manière dont sont constituées les équipes est aussi
intéressante : l'encadrement n'est pas issu de l'hôtellerie mais d'écoles de
management. En revanche, les personnes au service sont retenues sur leur formation et leur
expérience en restauration."
Atlantic vaut le déplacement. Dans le prolongement de la rue, un Nescafé Café pointe
son nez. Un expresso s'impose. Si la boisson est correcte, l'ambiance est assez neutre. A
l'exception de la pile de journaux à disposition, ce 'corner' coincé à l'entrée d'une
galerie commerciale offre des prestations réduites. "Ils sont en train
d'implanter le concept en France, en commençant par des chariots ambulants dans les gares",
confie Joël.
Mise en valeur des produits
La City regorge d'établissements. Joël s'arrête au hasard devant Costa. "Un
dernier café pour la route ?" Adjugé. Costa s'étend sur deux salles, dont une
en sous-sol. Il y a du monde, des jeunes pour l'essentiel. Joël trouve l'endroit plutôt
froid et sans intérêt. Il compare l'établissement avec Prêt-à-Manger qui "va
au bout de son concept, tant dans la décoration que dans le type de prestations".
Prêt-à-Manger sont des bars à sandwiches. La chaîne, leader dans son secteur en
Angleterre, s'est implantée l'an dernier à Amsterdam et à New York et s'adresse à une
large clientèle. On y va seul ou en famille et les linéaires de sandwiches, en
self-service, jouent la diversité des saveurs.
Oublions Costa, pourtant un des pionniers du petit noir outre-Manche.
Le regard de Joël est attiré par deux flambeaux allumés au-dessus d'une élégante
devanture. Nous voici chez Browns. A l'intérieur : un cadre de type colonial, avec un bar
très long et cossu. "Dommage que les chaises soient en rotin, elles dénotent",
lance Joël qui rapproche Browns des brasseries parisiennes de type Flo ou Terminus Nord.
Le personnel mixte, en chemise blanche et cravate, se montre aimable. Le service est
correct et la mise en valeur des bouteilles, derrière le bar, invite à la découverte.
A quelques minutes à pied de Browns, voici un All Bar One. On en recense 34 à Londres.
"C'est une nouvelle génération de pubs. Les bois utilisés sont plus clairs et
le cadre dépouillé tranche avec celui des pubs traditionnels", souligne Joël.
Ce All Bar One se tient sur trois niveaux. "Ce qui me frappe le plus, c'est la
convivialité de l'espace. On se sent bien, presque chez soi, alors que c'est immense. Les
clients, comme le personnel d'ailleurs, sont détendus. Ici, il y a deux thématiques : la
bière et le vin, mais celui-ci est surtout un prétexte de décoration." Si
l'arrière bar est en effet un hommage au vin, les tirages débitent pinte sur pinte. Un
message sur chaque table précise, qu'à partir de 17 heures, celles-ci sont retirées
compte tenu de l'affluence. La clientèle ? Entre 25 et 40 ans, d'excellent niveau.
Fauteuil cosy
Le lendemain, Joël décide de prendre le petit-déjeuner hors de l'hôtel. Il faut déjà
songer à rentrer à Paris alors que des dizaines d'établissements différents vous
tendent les bras. Première halte au Caffè Nero, autre chaîne londonienne. Celle-ci
s'est refait une santé en rénovant son look récemment. L'établissement où nous sommes
se distingue par un comptoir aux produits plus alléchants les uns que les autres et une
bibliothèque de sirops, pâtes, biscuits... La commande servie, plateau en main, Joël se
dirige vers le fond. Canapé, fauteuils de cuir, murs couleur tomette, sol de bois. Une
sensation de confort et de bien-être se dégage d'emblée. Le café est réconfortant,
sur fond de musique classique. Joël parcourt les menus à disposition. Il lit à propos
des sandwiches : "Il n'y a pas de DLC. Les sandwiches sont fabriqués et emballés
chaque jour dans une cuisine centrale. Ceux qui ne sont pas vendus dans la journée sont
donnés le soir aux sans-abris ou aux plus démunis."
Le petit-déjeuner terminé et apprécié, Joël constate : "D'une manière
générale, les établissements insistent sur la qualité et la traçabilité des
aliments, voire des boissons. D'autre part, il y a une réelle mise en avant des produits.
Cela donne bien sûr envie de consommer."
La matinée est déjà bien entamée. Détour par le Café Flo, le Café Rouge (un
classique sur le thème français) et Aroma. Cette enseigne, tout de jaune parée, propose
des cafés, des sandwiches, un choix de viennoiserie. "C'est propre mais sans
caractère", regrette Joël. Coup d'il aussi chez Starbucks, implanté
depuis plusieurs années en Grande-Bretagne. Des Starbucks qui servent le café à
consommer sur place dans des tasses de porcelaine.
Vers 12 heures, une bière s'impose dans un pub traditionnel. Celui qui attire notre
attention est affilié aux T&J Bernard (28 établissements rien que dans le centre de
Londres). Riche façade, intérieur chargé de bois et d'objets. "Tiens, ici comme
dans les autres pubs vus hier, les sous-bocks ne sont pas utilisés, sinon comme
décoration." Dernière étape au Prospect Grill, non loin de Covent Garden.
Ambiance new-yorkaise. Pas de nappes ni de sets sur des tables de bois sombre. Le décor
épuré, élégant, minimaliste séduit Joël. La cuisine est toutefois décevante, style
brasserie. Exemple : les haricots verts sont servis chauds mais crus ! Etrange sous la
dent. La jeune femme au service est de bonne volonté, mais quand on lui demande s'il y a
un vin anglais à la carte, celle-ci nous répond qu'il n'y a pas de vignes en Angleterre.
Notre serveuse a tout faux. Il y en a.
Impression générale
"J'ai la sensation, conclut Joël Jondeau, que les choses sont plus
flexibles. Le secteur du bar et de la restauration à Londres subit moins de contraintes
qu'en France. Les entreprises ont moins de charges sociales, d'où la possibilité
d'investir. Cela donne une dynamique et une émulation au marché. Quel que soit le
concept, les professionnels londoniens cherchent visiblement à satisfaire le client. Avec
des produits, je le répète, bien mis en valeur et des positionnements marketing forts."
Fin du voyage. n
Joël Jondeau nous donne ses impressions londoniennes.
mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm
Photo n° 1 : Une entrée avec hôtesse le midi et service d'ordre le soir.
Photo n° 2 : Un corner Nescafé, concept assez neutre.
Photo n° 3 : Costa, pionnier du petit noir outre-Manche.
Photo n° 4 : 'Prêt-à-manger', un concept autour du sandwich qui s'adresse à une large
clientèle.
Photo n° 5 : Browns, une brasserie traditionnelle au décor d'inspiration coloniale.
Photo n° 6 : Gros plan sur une chaise du All Bar One.
Photo n° 7 : Pause déjeuner au Caffè Nero, couleurs chaudes et confortables
au rendez-vous.
Photo n° 8 : Café Flo, tout de bleu et de blanc, concept made in France.
Photo n° 9 : Autre thème d'inspiration française : le Café Rouge.
Photo n° 10 : Pour Joël, les concepts proposés sont mieux ciblés qu'en France dans
l'ensemble.
Photo n° 11 : Le café est désormais beaucoup plus à la mode que le thé au cur
de la City.
Photo n° 12 : Les sous-bocks servent de décoration dans les pubs. Ils sont peu utilisés
pendant le service.
Photo n° 13 : Un établissement mode, au design new-yorkais. L'ambiance est élégante,
mais la cuisine est décevante.
mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm
A retenirw Prix des boissons globalement moins élevé qu'à Paris
|
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2714 Supplément Licence IV 19 Avril 2001