Incontestablement, la profession
s'épuise aujourd'hui sur la négociation d'un accord de réduction du temps de travail.
Parce que trop longtemps la politique de l'autruche fut celle des syndicats patronaux, les
chefs d'entreprise risquent, dans leur ensemble, de payer cher et longtemps le manque de
stratégie politique de leurs représentants face à un pouvoir quelque peu
machiavélique, reconnaissons-le. La première erreur fut, bien sûr, de croire que la
profession ne serait pas concernée par la loi Aubry, sous prétexte qu'une convention
collective venait d'être signée au bout de 17 années de négociations. Que de temps
perdu pour comprendre que l'image des métiers des hôtels, cafés, restaurants, souffrait
considérablement du décalage qui existait entre le mode de vie des salariés et des
patrons du secteur et les autres... Que de temps il aura fallu aux syndicats patronaux
pour intégrer le fait qu'il était de leur responsabilité et de l'intérêt de leurs
mandants de signer un accord, de quelque sorte qu'il soit, pour que les entreprises
puissent librement, en fonction de leur politique sociale et salariale, choisir
d'appliquer la loi sur la réduction du temps de travail avec les avantages que
garantissait, à l'époque, l'Etat. Annualisation, réorganisation, flexibilité n'étant
possibles qu'à travers un accord de branche. A force de désaccords, à force de
résistance, plus le temps a passé et plus la barre fut mise haute par les syndicats
salariés qui, voici deux ans encore, étaient prêts à signer un accord sur... 39
heures, alors qu'aujourd'hui, ils exigent un calendrier pour aboutir à 35 heures. Plus le
temps passe et plus le financement des 35 heures pose problème au gouvernement qui
cherche par tous les moyens, aujourd'hui, des supercheries pour maîtriser le coût de
l'opération dont le financement est de toute évidence trop lourd pour le budget de
l'Etat. Autant dire qu'aujourd'hui, face aux mésententes patronales, le gouvernement joue
sur du velours et tient un discours en parfaite contradiction avec son action. Suppression
de l'exonération de la TVA sur le service, non-publication du décret sur la suppression
des charges patronales des avantages en nature nourriture promis voici 4 ans, refus de sa
rétroactivité, report incessant des dates de signature de l'accord de branche sont
autant d'événements qui ne peuvent que décourager les syndicats patronaux les plus
engagés dans le processus de signature d'un accord. Ce serait faire affront à leur
intelligence que d'imaginer que les responsables politiques qui agissent de la sorte ne se
rendent pas compte des conséquences que peuvent avoir leurs décisions sur la signature
de l'accord de branche. Aussi, on ne peut plus imaginer aujourd'hui qu'une analyse de
cette situation : le gouvernement entend profiter des désaccords des syndicats patronaux
pour qu'aucun accord ne soit signé. La loi sera dès lors appliquée à partir d'un
décret qui obligera toutes les entreprises des CHR, dans l'année qui vient, à réduire
le temps de travail à 39 heures, sans aucune compensation financière, sans aucun
calendrier. Le gouvernement sera gagnant sur tous les fronts : il n'aura pas un centime à
verser au secteur des CHR au titre des indemnités d'application de la loi Aubry. Seront
également les grands gagnants de cette situation, tous les grands groupes qui sont déjà
depuis longtemps à 39 heures, et qui n'auront donc pas d'autres efforts à faire. Les
grands perdants resteront les plus petits qui devront sans compensation, sans
flexibilité, réduire de 4 heures leur temps de travail dans l'année...
PAF zzz80
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L'HÔTELLERIE n° 2715 Hebdo 26 Avril 2001