Débat sur l'art du vin
A l'occasion de la sortie de l'étiquette du millésime 2000 de Pape-Clément, Bernard Magrez a souhaité réunir plusieurs artistes autour du vin. Objectif : savoir si le vin peut ou non être considéré comme une uvre d'art.
Le vin est-il une uvre
d'art ? Dans quelle mesure les grands crus peuvent-ils être considérés comme des
uvres gustatives ? Une fois n'est pas coutume, ces questions n'ont pas été posées
à des professionnels du vin mais à une dizaine de créateurs, tous cependant, grands
amateurs de beaux vins. A l'origine de l'opération, Bernard Magrez, qui, à l'occasion de
la présentation de l'étiquette du millésime 2000, dessinée par Bernard Buffet peu
avant son décès, a souhaité élargir le débat en recherchant "la dimension
esthétique et artistique du vin". Pour le parfumeur Jean-Paul Guerlain, "le
vin et le parfum" sont effectivement "des domaines très proches".
Mais celui-ci situe l'expression artistique du vin davantage au moment de le boire : "La
dégustation d'un grand vin peut en effet provoquer par le goût et l'odorat une émotion
semblable à celle que l'on éprouve devant des peintures dans un musée. Le vin,
ajoute-t-il, se transforme réellement en uvre d'art quand il est dans le verre
et sur le palais." Pour Jean Orizet, directeur des Editions du Cherche Midi et
auteur du livre Les cent plus beaux textes sur le vin, même constat : le vin est "une
uvre d'art qui se réalise en disparaissant, a-t-il déclaré. Mais qui, en
disparaissant, se transforme en mémoire indélébile. Un grand vin, on le boit et l'on
s'en souvient toute sa vie". L'homme rapproche en outre le mode d'élaboration
des grands bordeaux avec celui d'un roman ou d'un poème : "Un certain nombre
d'éléments sont réunis. Il s'agit de les orchestrer, de les assembler. C'est une sorte
de mosaïque d'où jaillira un poème ou un bon vin..." Le triple étoilé Alain
Senderens participait également à ce tour de table. Ce passionné des grands vins a
toutefois rappelé que le vin était aussi "une uvre scientifique, grâce au
progrès de l'nologie". Selon lui, l'anticipation dont doit faire preuve
les nologues comme les vignerons "relève de la décision humaine"
(...) "Lorsque le vin est une uvre d'art, ce n'est pas seulement grâce à
un travail bien fait, mais grâce à cette anticipation". Alain Senderens hésite
alors. "Le vin ? uvre d'art, peut-être... Tant que la bouteille est
bouchée, personne ne peut l'affirmer. C'est celui qui va le déguster qui pourra le dire.
Dans tous les domaines, on critique les critiques qui analysent, décortiquent. Mais la
critique donne de l'âme au vin comme à la gastronomie." Dernier intervenant à
prendre la parole, Jean-Paul Kauffmann, directeur de l'Amateur de cigares, qui, confirmant
les propos précédant, a conclu sur cette certitude : le vin "est avant tout un
prétexte à la convivialité. Finalement, le plaisir premier du vin, ce n'est pas d'en
parler, c'est de le déguster". Bien vrai !
S. Soubes
Bernard Magrez présente ici l'étiquette du millésime 2000 de son Château
Pape-Clément.
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L'HÔTELLERIE n° 2717 Hebdo 10 Mai 2001