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André Jeunet

Un grand est parti

Président d'honneur des hôteliers, cafetiers et restaurateurs du Jura, André Jeunet s'est éteint à Arbois, le 4 mai dernier, à 77 ans. C'est un grand de la profession qui s'en va... 

En avril dernier, il avait fait une entorse à son programme habituel en n'assistant pas au congrès des Maîtres cuisiniers de France à Lyon. L'association, où il avait longtemps milité et dont il était 'membre en disponibilité', lui tenait à cœur..., mais ses forces avaient eu raison de son envie d'être une nouvelle fois au milieu de ses copains.
Depuis de longues années, André Jeunet, qui souffrait du cœur, avait dû être opéré et était obligé de se ménager. Le 1er mai, son fils Jean-Paul et son épouse Raymonde, avaient déjeuné avec lui au restaurant. Ce fut la dernière sortie de ce 'grand bonhomme' qui décédait trois jours plus tard, un mois jour pour jour après avoir fêté son 77e anniversaire.
Il avait débuté par l'apprentissage, à l'hôtel de Genève à Dole... l'année même où éclatait la Seconde Guerre mondiale. Réfractaire au STO et sous la menace d'un mandat d'arrêt de la Gestapo, il choisit de rejoindre le maquis, ce qui lui valut, plus tard, de recevoir la Légion d'honneur dont il était chevalier.
La paix revenue, la carrière d'André Jeunet s'est poursuivie dans l'enseignement à l'école hôtelière de Thonon puis, plus tard, au lycée de Poligny. Entre-temps, André et Raymonde s'étaient installés à Arbois, reprenant en 1951 l'Hôtel de Paris qui, quelques années plus tard, décrocha 1 étoile Michelin. Tous les gourmets connaissaient cette adresse où il préparait, mieux que personne, le Coq au vin d'Arbois garni de morilles fraîches, les Grives de vignes aux raisins, les Escargots du Haut-Jura, les Brochetons meunière et le Salmis de bécasse que ce sommelier hors pair - il remporta le titre national en 1966 - savait accompagner des vins blancs, rouges ou jaunes de son cher Jura, dont le fameux et voluptueux château-chalon... Sa rondeur, sa bonne humeur et son imposante stature associées à son incontestable talent de chef en ont fait un personnage à part dans la galaxie culinaire de son époque. Dès lors, né dans un tel univers, son fils Jean-Paul pouvait difficilement choisir une autre voie professionnelle. Père et fils, aux caractères bien trempés, ne cohabitèrent guère en cuisine, Jean-Paul préférant faire ses humanités chez Troisgros à Roanne, grand ami de son 'paternel', avant de lui succéder à Arbois en février 1987, où la maison familiale est aujourd'hui honorée de 2 étoiles par le Guide Rouge.
A la retraite, André Jeunet n'en resta pas pour autant inactif. Ardent défenseur de la profession et enseignant dans l'âme, il poursuivit sa participation à de nombreux jurys des CAP, BEP, BTH et MOF. Militant inlassable du métier de cuisinier, il continua à s'investir et à défendre ses idées avec véhémence. Nombreux s'en souviennent comme d'un homme de convictions, aux éclats de voix mémorables, mais toujours attentif à l'autre. Selon l'expression un peu obsolète aujourd'hui, André Jeunet était un parfait 'bon camarade'.
C'est ce monument qui vient de s'éteindre à Arbois où ses obsèques ont eu lieu mercredi 9 mai à l'église Saint-Just, avant l'incinération au crématorium de Besançon.
A son inséparable épouse Raymonde, à son fils Jean-Paul et à sa femme Nadine, à ses petits-enfants, sa famille, ses amis et à toute l'équipe de la maison Jeunet, L'Hôtellerie présente ses condoléances attristées.
J.-F. Mesplède

Témoignages

Pierre Troisgros : "On ne voyait jamais André Jeunet sans son épouse Raymonde. Le couple était inséparable. C'est un vieil ami, un monument, et sa disparition met fin à une amitié de 40 ans. C'était une présence plus que physique et il avait une idée précise de la profession. Cet homme joyeux de vivre respirait la bonhomie. Sa disparition m'attriste beaucoup. Lors du dernier Tournoi des Etoiles disputé à Arbois, il m'avait donné quelques vieilles bouteilles de sa cave. C'est vraiment une figure de notre métier qui disparaît."

Roger Roucou (ancien président des MCF) : "C'était un cuisinier exemplaire qui a toujours défendu la profession avec véhémence et sans compter : quand il prenait la parole, il ne la lâchait plus. Un peu bourru, il était très agréable. Nous perdons un homme bien."

Roger Borgeot (Meilleur sommelier de France en 1962) : "Même si nous étions éloignés, c'était un bon copain. Un costaud et un chef de bonne renommée qui connaissait son métier. C'était un fin dégustateur et, lorsque l'on se voyait, on prenait plaisir à parler de vin en buvant quelques verres ensemble. C'était un bon vivant et un bon camarade."


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L'HÔTELLERIE n° 2717 Hebdo 10 Mai 2001


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