Claude Gouet
En 46 ans de métier, il n'a pas été absent une seule journée, malgré 15 à 16 heures de travail quotidien. Plus qu'un travail, le métier d'hôtelier-restaurateur aura été une passion pour Claude Gouet, propriétaire du Vaudémont à Nancy.
Cuisine, plonge, comptoir, service, ménage... En un demi-siècle de labeur acharné, Claude Gouet a testé toutes les facettes du métier. Et avec sa dernière enseigne, Le Vaudémont, "idéalement situé à quelques mètres de la place Stanislas", il s'est vraiment fait plaisir. Dans ce grand restaurant, il disposait de 80 couverts dans la salle principale, de 40 couverts en sous-sol et d'une centaine en terrasse. Soit 6 personnes à plein temps, "avec un chef comme on n'en trouve plus, d'une fidélité à toute épreuve", et 3 salariés de plus à la belle saison. Claude Gouet a toujours mis toute son énergie dans ses maisons, à tel point qu'à l'âge de la retraite, il avoue qu'il ne sait pas trop ce qu'il va faire de sa nouvelle vie. Il dit aussi être nostalgique des brasseries des années 50, de la "vraie notion de service, celle qui faisait que l'on amenait au client son chapeau et sa canne". Il ne comprend guère les jeunes qui embrassent le métier. "Tout ce qui les intéresse ? Gagner tout de suite beaucoup d'argent, en travaillant le moins possible. Ce n'est pas ma conception du métier, où le service et la disponibilité passent avant tout." Pour Claude, la profession a bien évolué, mais pas ceux qui la servent. L'hôtellerie est l'un des métiers où l'on rencontre le moins de chômage, analyse-t-il, mais les écoles de formation ne font pas leur travail. "Il y a beaucoup à refaire avec les jeunes qui en sortent. Le métier est d'avenir, à condition d'y mettre du sien", et pour Claude, il perd peu à peu de son âme.
Le comte de Paris et Roger Hanin
Claude Gouet, enfant de bateliers, a été en pension à Conflans-Sainte-Honorine jusqu'à
l'âge de 16 ans. Une semaine de vacances à Nancy, un premier emploi dans la brasserie
des Deux Hémisphères, place de la Gare, et il ne quittera plus la cité ducale. Quand il
commence, le travail est rude : des horaires élastiques, de 4 h 30 du matin jusqu'à tard
le soir, se coltiner des fûts de bière en chêne de 100 litres et casser la glace qu'on
va chercher dans les entrepôts frigorifiques de la ville... "Mais ce n'était pas
plus mal comme ça, assure Claude. Quand il faisait beau, on arrivait à tirer
l'intégralité d'un fût sans s'arrêter. Le bon temps !" D'abord à la plonge,
puis au bar, il a travaillé 4 ans aux Deux Hémisphères, avant de partir 33 mois en
Algérie où il est affecté au mess des officiers d'Alger, sous les ordres d'un certain
colonel Bigeard. Puis il achète une brasserie à Roubaix, une autre dans la banlieue
parisienne, un hôtel - le Foch - à Metz, et revient enfin à Nancy pour acquérir la
brasserie Mutzig, qu'il dirigera pendant 10 ans, de 1977 à 1987. Enfin, il achète Le
Vaudémont en 1988. Timide, Claude n'aime guère se mettre en avant. Il accepte pourtant
de se souvenir de quelques grandes figures qu'il aura eu l'occasion de servir : Pompidou,
Mitterrand, Jean Richard, Sim..., avec une tendresse particulière pour le comte de Paris,
"un homme charmant", et Roger Hanin, "avec qui il a dîné quand
il venait au théâtre".
"Finir sur les planches"
Le Vaudémont, qu'il a vendu à René Collot, est prisé pour son atmosphère familiale.
"Ce n'était surtout pas un restaurant gastronomique, plutôt un établissement
simple avec des spécialités bien maîtrisées : choucroutes, quiches, tourtes... Une
restauration traditionnelle destinée à une clientèle qui ne peut pas se permettre de
dépenser trop, et qui doit être satisfaite pour moins de 100 F." La grande
satisfaction professionnelle de Claude Gouet est liée à sa clientèle, la vraie famille
de cet homme qui avoue "être bien seul lorsqu'il est en dehors de son
établissement". Une clientèle fidèle, qu'il nourrissait "depuis des
lustres", celle qui venait tous les dimanches à la même table. Une ambiance qui
va manquer au nouveau retraité qui explique n'avoir absolument pas préparé sa nouvelle
vie. Il avait tellement peu de loisirs jusqu'à présent qu'il va lui falloir tout
inventer. Il dit avoir une passion pour la peinture et les uvres d'art. Il fera
certainement un voyage, quelques semaines au maximum, et après ? "Une
cartomancienne m'avait prédit que je finirais sur les planches, confie-t-il. Je
n'ai jamais oublié cette prédiction et j'aimerais terminer ma vie en service."
L'il pétille : "Je vais peut-être racheter une grande brasserie. Pas à
Nancy, sortir du périmètre et finir en beauté." Claude Gouet, toute une vie au
service des clients et de sa profession, ne restera pas longtemps inactif. Ses clients lui
manqueraient trop et la solitude de son appartement ne lui conviendrait guère. "Je
ne sais rien faire d'autre. C'est ma vie."
En dates1962 |
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L'HÔTELLERIE n° 2720 Hebdo 31 Mai 2001