Zone commerciale de Plan de Campagne (13)
Entre Marseille et Aix-en-Provence, la zone géante de Plan de Campagne est autorisée à ouvrir le 7e jour de la semaine. Pour les 32 professionnels de la restauration, les répercussions seront sensibles.
Ici, l'exception est devenue
la règle. Créée en 1967, en rase campagne, la zone commerciale a fondé en partie sa
réussite sur l'ouverture de ses commerces le dimanche (sauf Géant Casino et Leclerc).
Chaque année, les établissements font renouveler les autorisations préfectorales. Au
fil du temps, Plan a grandi. Elle représente 400 établissements, 220 000 m2 de surface
de vente, 6 000 actifs (dont 5 000 salariés), 12 millions de passages en caisse en 2000,
5 milliards de francs de chiffre d'affaires et 1 client sur 2 habite à plus de 30 minutes
en voiture. Dans le droit fil de l'évolution, Plan s'est transformée. En dehors des
magasins de meubles, vêtements, électroménager, bricolage-jardinage, village-exposition
de maisons..., la zone est devenue centre de loisirs avec multiplexe cinéma, bowling,
cabaret, salles de sport et de danse, parc aquatique (Aquacity), Planète aquarium,
hôtels et restaurants. Lieu de promenade, elle attire près de 100 000 à 150 000
visiteurs chaque dimanche, de septembre à mai.
Selon une enquête réalisée récemment par l'Union patronale des Bouches-du-Rhône, à
la demande de l'Association des exploitants et propriétaires, le poids du dimanche serait
considérable : 28 % du chiffre d'affaires, 31 % de la fréquentation, 27 % des emplois.
Phénomène de société, Plan de Campagne fait des envieux chez les commerçants du
centre-ville marseillais, contraints à appliquer stricto sensu une loi qui leur donne
droit à 5 ouvertures dominicales.
Pierre Lex, directeur de l'Hippopotamus : "Plan de Campagne est aussi une
zone de loisirs."
Une procédure en cours
Il y a quelques années, Ikéa, le distributeur de meubles de Vitrolles, à quelques
kilomètres, en a fait les frais. Condamné à une forte astreinte, il a été contraint
de fermer ses portes.
Après des années de mauvaise humeur, la Sociam, la Société des commerçants,
industriels et artisans de Marseille et de sa région, est montée au créneau. Son
président, Roger Mongereau, a déposé un recours en annulation contre les arrêtés
préfectoraux de 1997. Pour lui, "il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures.
On ne peut pas autoriser ici ce qu'on refuse ailleurs... Plan a instauré un régime
inégalitaire qui contribue à la paupérisation des centres-villes". Paul
Schianchi, président de l'Union des CHR 13, abonde : "Nous vivons en démocratie.
Les lois sont faites pour tout le monde. Si Plan de Campagne a le droit d'ouvrir, pourquoi
pas les autres sites ? Pourquoi faire des exceptions ? Dans un premier temps, il y aura
des répercussions, puis les consommateurs prendront d'autres habitudes." Il
ajoute : "Les politiques ont déplacé le problème. Ils ont autorisé contre la
loi et ils demandent aux syndicats profession-
nels de faire le ménage."
Plan de Campagne représente 400 établissements, 220 000 m2 de surface de vente,
6 000 actifs (dont 5 000 salariés), et 5 milliards de francs de CA.
32 restaurateurs concernés
Le 26 mars, le tribunal administratif a donné raison à la Sociam. Cette décision a
semé la panique à Plan de Campagne, où 160 commerçants se sont réunis dans une
association présidée par Thomas Chavanne. Il martèle : "La réussite de Plan de
Campagne est fondée sur l'ouverture dominicale. Elle correspond à un vu des
consommateurs. Remettre en cause la situation serait catastrophique pour l'équilibre de
nos entreprises et menacerait l'emploi." Le 30 mars, le préfet réunissait
l'ensemble des acteurs du drame. La Sociam acceptait un moratoire de 6 mois, le temps
d'étudier les répercussions d'une fermeture, comme si, en presque 30 ans, on ne savait
pas déjà à quoi s'en tenir ! Mandaté par l'association, l'UP 13 lançait des études.
La première a le mérite de la clarté : en cas de fermeture, 64 % des établissements
interrogés envisagent de licencier. Une enquête complémentaire (parution début août)
tentera de déterminer le comportement des consommateurs en cas de fermeture, et le report
de leurs achats sur les autres jours. Mais, on connaît la valeur des sondages ! Pour les
32 restaurateurs représentés au sein du bureau de l'association par Gennaro Cocozza,
directeur du Bistro Romain, l'impact d'une fermeture dominicale est certain. Il diverge
cependant d'un établissement à l'autre, même si une étude, menée par l'association,
cite 50 emplois menacés. Robert Avon, patron du Dom Camillo (15 salariés), résume :
"Plus il y a de monde, plus on travaille. Fermer le dimanche quand c'est noir de
monde, c'est une bêtise !" Depuis deux mois, application de la RTT oblige, il
tire le rideau le lundi, en même temps que les autres commerces.
Chez Buffalo Grill (capacité de 230 places, 28 salariés), légèrement excentré, le
dimanche est un jour fort : 15 % du CA, 600 couverts (450 le midi) contre 200 couverts le
lundi. David Martin, directeur, est inquiet pour les 5 personnes à temps partiel.
Pessimisme noir chez Stéphane Cohen, du groupe propriétaire de la Brasserie du Cap, du
Chalet Suisse, de la BD des Pirates et du San José. Il a l'expérience de Saint-Priest,
près de Lyon. Le centre commercial avait été contraint de rentrer dans le lot commun.
"Là-bas, la fermeture dominicale a été une catastrophe." Il avance 30
% de baisse de CA et une douzaine d'emplois sacrifiés. McDo (l'un des 4 fast-foods de la
zone), à l'entrée de Plan de Campagne, réalise 30 % de CA le dimanche (30 salariés),
contre 7 à 8 % le lundi (12 salariés). Selon Nicolas Carayon, "une partie de
l'activité se reportera sur le lundi, mais nous accuserons une perte de 15 % sur
l'année. Les étudiants et mères de famille à temps partiel seront touchés".
Le jugement est plus mesuré chez Gennaro Cocozza, directeur du Bistro Romain. Secrétaire
de l'association des commerçants, il y participe "par solidarité et parce que
l'équilibre des indépendants est menacé". Il remarque : "A
Saint-Priest, il a fallu 3 ans pour revenir à la situation antérieure. Quelle est
l'entreprise indépendante qui peut tenir aussi longtemps ?"
Pour Gennaro Cocozza, directeur du Bistro Romain, le dimanche est un jour fort
avec 400 couverts en moyenne.
Plan de Campagne sauvée par les loisirs ?
Pour lui, le dimanche est un jour fort, 400 couverts en moyenne contre 260 les autres
jours et 150 couverts, le lundi. Sans la clientèle dominicale, qui se reporterait, en
partie, sur le lundi, la perte annuelle serait de 7 %. Mathématique. Et 4 à 5 emplois à
temps partiel pourraient être menacés. Pourtant, Gennaro Cocozza ne baisse pas les bras.
"Si la fermeture était entérinée, nous pourrions nous concerter, nous regrouper
avec les activités de loisirs."
Ce point de vue est partagé par Pierre Lex, directeur de l'Hippopotamus. Doté du
meilleur emplacement de la zone, accolé au multiplexe Pathé, il propose des menus
cinéma. "D'octobre à avril, nos temps forts sont le vendredi et le samedi soir
ainsi que le dimanche midi. Si les commerces étaient fermés, une partie de nos clients
se reporterait sur le lundi. Au total, sur l'année, nous accuserions 1 à 2 % de perte de
CA. Pour les autres collègues, plus éloignés du Pathé, ce sera plus difficile. Mais
rien ne nous empêche de renforcer et de développer nos promotions : 30 % de réduction
sur les grillades dans l'après-midi, menu gratuit pour les enfants certains jours."
Il ajoute : "Plan de Campagne, ce n'est pas que des commerces. C'est aussi une
zone de loisirs pour laquelle les projets sont nombreux. Par exemple, une patinoire, un
karting..." Alors, l'avenir n'est peut-être pas aussi noir qu'on veut le dire ?
A suivre.
D. Fonsèque-Nathan
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L'HôTELLERIE n° 2725 Hebdo 5 Juillet 2001