Le projet Hospice Gantois à Lille
A la veille de confier le fauteuil majoral à Martine Aubry après les dernières élections municipales, l'ancien maire de Lille, Pierre Mauroy, a signé le 1er mars dernier au profit de la Société Lilloise d'Investissement Hôtelier (Slih) le permis de transformer l'Hospice Gantois en hôtel 4 étoiles plus, de 70 chambres.
La Slih veut aménager à 500 mètres du centre de Lille un immense bâtiment historique développant 6 000 m2 de plancher en un hôtel de luxe, premier 4 étoiles plus de la ville, refuge en particulier des nord européens cultivés et amateurs de belles choses qui connaissent de semblables adresses dans les grandes capitales européennes. L'hôtel offrirait 70 chambres de 30 à 35 m2 minimums dont 5 suites. L'investissement est évalué à 75,4 millions de francs (11,5 millions d'euros), ce qui suppose des prix moyens élevés (650 francs environ en 4 étoiles cette année en métropole Nord). "Sans en faire une usine à héberger", les patrons de la Slih sont "confiants dans les résultats futurs de l'hôtel". Face à un 4 étoiles Golden Tulip Alliance (83 chambres) contrôlé en propriété par la Slih mais géré par une autre entreprise plutôt en économie 3 étoiles, face aussi à un Concorde Carlton (60 chambres) actuellement le mieux vendu des hôtels 4 étoiles lillois, et en présence d'un autre projet Slih - le futur Holiday Inn Lille Europe (123 chambres) - le projet, affirment les promoteurs, tient une place à part. Il ouvre un marché, en étant lui-même sa propre attraction. Le Sofitel existant (125 chambres) se trouve en périphérie. Accor recherche un site très central pour construire un second Sofitel de 120 chambres également.
Un aspect de l'une des multiples cours de l'immense Hospice Gantois.
Montage presque assuré
Le projet Hôtel Gantois (appelons le ainsi faute de nom vraiment déposé) est-il
irréversiblement lancé ? A priori, le projet, l'investisseur et son plan de financement
semblent très solides. Seul un recours contentieux pourrait stopper l'affaire. Avant
d'obtenir la signature du maire de Lille, le dossier a suivi un long et épineux parcours,
chacune de ses pierres et briques étant classées. Lorsque les deux coprésidents de la
Slih, le financier Hubert Verspieren et le directeur exécutif de l'entreprise Jean-Claude
Kindt ont présenté le projet à la presse le 26 juin dernier, l'association opposée au
projet Renaissance du Lille Ancien avait déposé un recours gracieux en forme de demande
d'informations supplémentaires. En cas de recours repoussé, l'association disposait
encore du recours contentieux. Mais le dialogue n'était pas rompu avec la Slih. De son
côté, si Martine Aubry, de notoriété publique peu enthousiaste sur la destination
hôtelière de l'immeuble, ne semble pas devoir remettre en cause la décision de Pierre
Mauroy, la ville de Lille veillera à ce que le site, un "hôtel musée, et non un
musée hôtel", selon les mots de ses promoteurs, soit aussi accessible que
possible au public. Par ailleurs, la salle des malades, véritable nef de la taille de la
chapelle d'un couvent, sera par convention mise en priorité à disposition de la ville.
Cette notion de priorité faisait encore l'objet de discussions au moment où nous
écrivons.
Jean-Claude Kindt, coprésident de la Société lilloise d'Investissement
Hôtelier s'explique sur le projet Gantois.
Une entreprise complexe
L'Hospice Gantois était jusqu'à juin 1995 une maison d'accueil pour personnes âgées
(d'une capacité de 120 personnes), sous la responsabilité de la ville de Lille. Cet
édifice a été fondé en 1460 par Jean de la Cambe, dit Gantois. On pense qu'il a été
achevé, au milieu d'un tissu urbain médiéval dense vers 1470. Il a été aussitôt
donné pour utilisation hospitalière. Hormis la parenthèse de la seconde guerre
mondiale, l'immeuble, aux mains de diverses communautés religieuses ou sous divers
statuts publics, n'a jamais quitté cette vocation. Depuis 1995, l'immeuble se dégrade
lentement. C'est l'architecte lillois Hubert Maes qui a conçu l'idée d'en faire un
hôtel et a 'vendu' l'idée à la Slih. A priori la bonne adresse, car d'une part
Jean-Claude Kindt avec une autre équipe et d'autres investisseurs avaient déjà
travaillé sur les ruines du couvent des minimes transformées en hôtel Golden Tulip
Alliance, et d'autre part l'entrée à titre personnel d'Hubert Verspieren, représentant
de la seconde fortune familiale de la région nord, apporte de nouveaux moyens. Cette
dream team est passionnée de vieilles pierres illustres, comme le montrent les achats de
l'hôtel Oude Huis Amsterdam à Bruges et plus encore la Cour Saint-Georges à Gand. Le
projet d'Hubert Maes consiste, sans pratiquement rien toucher du plan existant de
l'édifice ni des volumes, à réutiliser les pièces dans une destination aussi proche
que possible de leur objet premier. L'espace de logement des vieillards devient la zone
des chambres. La cour de service couverte d'un ensemble de verre léger devient le lobby.
Une multitude de pièces sont réutilisées en salons de détente ou de petite réunion.
Les bureaux du directeur ou de la prieure sont préservés. Une superbe pièce est
récupérée en bibliothèque. Une aile est réutilisée en restaurant, "pas de
course aux étoiles, mais une belle brasserie de luxe", prévoit Jean-Claude
Kindt. Avec l'accès par l'ancienne conciergerie, un espace musée est réservé au public
qui pourra aussi visiter les espaces publics de l'hôtel. Les jardins intérieurs plantés
sont très séduisants. L'architecte en chef des Bâtiments de France, Vincent Brunelle, a
mené une minutieuse étude préalable et a participé au projet final dans tout ce qui
peut affecter son authenticité. L'ouverture est prévue pour fin 2003, avant 'Lille
2004', autrement dit, Lille capitale culturelle de l'Europe.
A. Simoneau
Les chiffres de l'Hospice Gantois et de la SlihLes 11,5 millions d'euros d'investissements devraient être autofinancés à 30 %,
le solde étant couvert par un emprunt mené par Locindus. Le business plan prévoit un
taux d'occupation de 50 % la première année avec un prix affiché à 1 000 francs au
lancement. Le revenu brut d'exploitation ne couvrirait pas encore totalement les charges
financières. Hubert Verspieren entrevoit en 2004 un déficit de l'ordre de 76 000 euros
(500 000 francs). Dès la seconde année, la Slih envisage un bénéfice. L'hôtel devrait
générer plus de 4,5 millions d'euros (plus de 30 MF) de chiffre d'affaires, et employer
70 personnes. Ces chiffres paraissent très tendus, au moins les premières années. |
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L'Hôtellerie n° 2727 Hebdo 19 Juillet 2001