Foyzul Chamaz
Foyzul Chamaz a appris les plats de son pays
très tôt en travaillant dans le restaurant
de ses parents.
Foyzul Chamaz, propriétaire du restaurant Le Bengale à Nancy, explique modestement : "Je suis allé jusqu'au collège et j'ai mon diplôme de cuisinier. C'était difficile d'étudier dans mon pays. Nous avions un livre pour trois ou quatre, l'économie était exsangue, les gens mourraient de faim. Alors, quand j'ai eu 16 ans, je suis parti avec un ami vers d'autres horizons." De sa voie douce et timide, le restaurateur explique son odyssée. Né en 1963 au Pakistan-Oriental, il a subi la terrible guerre du Bangladesh et a vu l'indépendance de son pays d'origine en 1971. Ses parents exploitent alors un restaurant traditionnel bengali, mais la vie est dure. Foyzul part un jour sans rien dire. "Mes parents m'ont cherché pendant 1 an avant que je ne donne de mes nouvelles. J'ai pleuré pendant des mois, mais je ne voulais pas vivre dans la misère." Le jeune Bengalais entreprend alors un périple qui va durer neuf années. D'abord à Bombay, où il passe 6 mois à dormir dans la rue et à survivre de petits boulots, puis à Karachi, la capitale du Pakistan, où il sera ouvrier dans le textile. Il met un peu d'argent de côté et prend une grande décision : cap vers la terre promise, les Etats-Unis. Pendant des années, il va s'en rapprocher par petits sauts. D'abord à Téhéran, puis dans les pays du Golfe où il reste 3 ans, travaillant dans le bâtiment et vivant de petit commerce. Le bon niveau de vie des Emirats Arabes Unis lui permet de constituer un pécule. Il retourne au Bangladesh dans l'idée de demander un visa pour les Etats-Unis... qui lui est refusé.
Cap sur l'Europe
Foyzul Chamaz, alors âgé de 23 ans, conserve une idée fixe : immigrer aux Etats-Unis.
Il espère obtenir un visa depuis un pays européen. Considéré par l'ONU comme réfugié
politique, il possède un passeport qui
lui permet de voyager sans encombre. Il tente sa chance depuis Istanbul, Bonn, puis Paris.
Il n'y a rien à faire pour partir vers 'sa' terre promise. Arrivé à Paris en 1988,
Foyzul ne se plaît guère dans cette ville trop grande à son gré. Il voyage dans toute
la France, en Provence, à Lille, puis décide de se rendre à Strasbourg où il espère
retrouver des compatriotes. Mais le destin en décide autrement. Entre Paris et Strasbourg
se trouve... Nancy. Arrivé un matin dans la cité ducale, attendant le train suivant pour
Strasbourg, il rencontre un Bengalais originaire de la même ville que lui. Ce dernier lui
demande de rester et... cela fait maintenant 12 ans que Foyzul Chamaz est installé dans
la ville de Stanislas. Il y a rencontré sa compagne, s'est marié et a obtenu la
nationalité française. Ils ont deux fils. "Après mon mariage, la vie a
commencé. J'ai pu obtenir un titre de séjour et le droit de travailler. Durant des
années, nous avons mis de côté la moitié de nos revenus pour pouvoir faire le même
travail que mes parents et ouvrir notre restaurant." De 1988 à 1993, le
Bengalais travaille dans divers établissements de la ville comme cuisinier, dans des
pizzerias et dans la restauration traditionnelle. En 1993, ayant économisé 250 000 F, il
réussit "avec bien du mal" à convaincre une banque de lui prêter la
même somme. Le rêve devient réalité. Le jeune adolescent qui a fui son pays 15 ans
plus tôt devient le patron de son propre restaurant qu'il appelle Le Bengale.
La cuisine aux 24 épices
"Attention, prévient Foyzul Chamaz, la cuisine bengalie est différente de
celle du Pakistan. Nous utilisons moins de crème et des épices différentes."
Au total, 24 épices accompagnent les mets. Le chef a appris les plats de son pays très
tôt en travaillant dans le restaurant de ses parents. Une cuisine familiale et
traditionnelle qui se transmet de génération en génération. "Nous travaillons
beaucoup les légumes et les poissons, très peu la viande." La carte est
cependant complète. Elle offre quatre menus de 59 à 149 F, eau minérale et vin compris,
ainsi que quatre formules à 49 F le midi. On peut déguster du Filet de saumon au
gingembre, du Crabe à la menthe, du Poulet 'façon familiale', sans oublier les Tandoori
de gambas ou d'agneau. Les midis, Le Bengale accueille une clientèle de fonctionnaires -
l'hôtel des finances est tout proche -, des commerçants et des employés de banque dans
un quartier du centre de Nancy en plein renouveau. Le soir, la clientèle est plus
bigarrée et prend son temps, ce qu'apprécie le restaurateur. Gagnant correctement sa vie
sans être riche, Foyzul Chamaz soutient sa famille et quelques amis au pays. A-t-il des
projets ? Non, il pense rester à Nancy jusqu'à sa retraite. Par contre, il a une
certitude : ses deux fils ne vivront pas ce qu'il a vécu, ni la guerre, ni la misère, ni
l'exil. zzz18p zzz22t zzz22v
En dates 1963
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L'Hôtellerie n° 2730 Hebdo 9 Août 2001