Cette semaine, cap sur l'Atlantique : embarquement immédiat pour les îles d'Houat et d'Hoëdic, deux jumelles au caractère bien trempé pour un dépaysement assuré. |
Deux surs jumelles délicatement posées sur l'océan, les îles d'Houat et d'Hoëdic gardent, malgré un tourisme croissant, leurs spécificités. Ici, peu de structures d'accueil, pas de voiture non plus, mais un tel dépaysement !
Le canard et son
petit caneton (Houat et Hoëdic en Breton) sont séparés par 6 milles marins. Un
déchirement certain pour ces deux îles jumelles qui ne vont jamais l'une sans l'autre.
Elles se ressemblent tellement avec leur bourg peuplé de maisons en pierres serrées les
unes contres les autres afin de se protéger des vents. La petite fontaine du village, ces
roses trémières omniprésentes, les menhirs toujours aussi mystérieux, les plages... et
le calme. Ici, le vélo est roi. Elles n'ont par contre rien de commun avec
Belle-Ile-en-Mer, située 12 milles marins plus à l'ouest. D'ailleurs, Houatais et
Hoëdicais ne considèrent pas leur grande voisine comme une île. Quant au continent, on
le nomme 'grande terre' ou France. Sur ces deux bouts de terre règne l'esprit îlien dans
toute son indépendance. "On dit que l'îlien vous accueille au bout de la gaffe.
La première relation est méfiante, mais si des liens se créent, ils peuvent devenir
très forts", explique Jean-François Serazin, propriétaire de
l'hôtel-restaurant La Sirène à Houat. Le président du syndicat départemental de
l'hôtellerie doit savoir de quoi il parle puisque lui-même n'est pas îlien d'origine.
Cet état d'esprit peut être à double tranchant pour un touriste qui peut parfois se
sentir vraiment étranger.
Les deux jumelles n'attirent pas un tourisme de masse, même s'il peut débarquer de
"2 000 à 3 000 personnes lors de gros week-ends", selon Dominique
Trarieux, propriétaire des Cardinaux à Hoëdic. L'éloignement du continent et
l'attraction importante de Belle-Ile-en-Mer préservent en quelque sorte Houat et Hoëdic.
"Ici, nous avons beaucoup d'habitués et des résidents qui ont une maison
secondaire sur l'île, des plaisanciers qui reviennent d'une année sur l'autre",
et certains professionnels se gardent de faire de la publicité "pour ne pas
attirer une mauvaise clientèle". Les deux îles se sont de plus ouvertes assez
tard au tourisme (une quinzaine d'années pour Houat, encore moins pour Hoëdic). "Avant,
le tourisme n'était pas une nécessité. Aujourd'hui, encore sur Houat (tout comme sur
Hoëdic), c'est la pêche qui domine. Mais dans quelques années, nul doute que le
tourisme prendra le dessus, dixit Jean-François Serazin. Le tourisme évolue bien
sur l'île, mais il faut prendre garde à ne pas s'orienter vers un tourisme bourgeois."
Depuis 5 à 6 ans en effet, l'immobilier flambe et "une maison de pêcheur de 50
m2 au sol s'arrache aujourd'hui à 1 MF". Houat et Hoëdic attirent surtout des
Français et très peu d'étrangers, essentiellement en saison et pour des séjours
relativement longs, allant "de 8 à 15 jours" pour l'hôtel La Sirène de
Jean-François Serazin.
15 jours sans voir personne
Dans ces conditions, la plupart des établissements des deux îles ouvrent généralement
d'avril à octobre. Sur l'île d'Hoëdic, l'hôtel-restaurant Les Cardinaux ouvre quant à
lui toute l'année (sur réservation l'hiver), un cas unique sur les 4 hôtels (74
chambres) que comptent les deux îles. Une capacité d'hébergement assez restreinte (pas
de gîtes ruraux ni de chambres d'hôte) surtout en saison, tous les professionnels en
conviennent à l'image d'Henri Le Gurun, propriétaire du bar-brasserie Le Siata, ancien
nom romain de Houat : "Il y a un important travail à faire dans l'organisation de
l'accueil des touristes et dans leur hébergement. Ce n'est pas suffisant, d'autant que
nous avons ici des problèmes de camping. Alors que dans le même temps, de plus en plus
de bateaux arrivent sur l'île, de Quiberon, mais également de Port Navalo, du Croizic,
de La Turballe et de Locmariaquer." Mais tout le problème est de tenir hors
saison. Une gageure, et Dominique Trarieux des Cardinaux rappelle même qu'en hors saison
"il peut se passer 15 jours sans voir un seul client à l'hôtel". Les TO
en saison atteignent bien entendu les 100 % (surtout du 15 juillet au 20 août), mais sur
l'année, ils sont de l'ordre de 50 à 60 %. Pour prolonger la saison, il faut donc faire
preuve d'initiative ou proposer des forfaits attractifs. Aux Cardinaux, adhérent au
groupement Ilotel, Jacqueline et Dominique Trarieux proposent par exemple en juin un
forfait vitalité 7 j/6 nuits en demi-pension de 1 860 à 2 100 F par personne, comprenant
une pêche à pied avec les clients (prêt du matériel, du ciré et des bottes) avec
consommation des produits le soir même. Les amoureux d'équitation se voient quant à eux
offrir un tour de l'île à cheval... A Houat, Jean-François Serazin reconnaît aussi
faire quelques efforts supplémentaires afin de fidéliser la clientèle. "S'ils
pêchent, nous essayons de leur trouver un bateau. Nous proposons des prix privilégiés
pour les musées, et si le client reste 10 jours, à la fin, c'est homard." Henri
Le Gurun opte quant à lui pour un établissement et un personnel agréable : "Je
fais des petites choses tous les ans, des nouveaux motifs sur la vitrine, des expos, etc.
Les gens ont l'impression que le bar vient d'être créé, mais cela fait quand même 12
saisons qu'il est ouvert !"
Un surcoût notable
Sur ces deux îles du Ponant, les professionnels sont confrontés à deux soucis de taille
: le personnel et l'approvisionnement. Ici les voitures sont bannies et le transport se
fait par container de Quiberon. Privé depuis cette année, ce dernier est assuré par la
Société Morbihannaise et Nantaise de Navigation (SMNN). "Ils pratiquent des prix
et des forfaits qu'ils sont les seuls à comprendre", lancent en chur les
professionnels. Le colis alimentaire de 0 à 100 kg revient à 10 F TTC. "Le vin
est au poids, les matelas au volume, allez comprendre !", s'interroge
Jean-François Serazin. Pour les bouteilles, le prix du container va de 80 à 120 F. A
l'aller, comme au retour, à vide. Et si les professionnels ne disposent pas de véhicules
personnels (pour la grande majorité), ils doivent payer le transport municipal pour
acheminer les produits du port à l'établissement. Un surcoût là encore de quelque 5 %.
Il en va de même pour les divers travaux de rénovation. Les artisans, absents de Houat
et Hoëdic, rechignent à se déplacer du continent ou, s'ils le font, c'est au prix fort.
Là également, les professionnels accusent un surcoût d'environ 30 %.
Le second souci majeur reste la difficulté de trouver du personnel qualifié. Un
problème national, amplifié sur ces deux îles où les logements se font rares, à
l'instar des animations, et où les jeunes autochtones ne souhaitent pas travailler dans
les établissements. Pour attirer le personnel (qualifié ou étudiant), il faut déjà
pouvoir le loger, ici en camping, là dans un bâtiment municipal ou directement dans
l'établissement. Certains payent un peu plus que sur le continent pour les fidéliser
(lire encadré ci-contre).
Mais ces deux problèmes sont surmontés par le simple plaisir de travailler sur des sites
exceptionnels. Pour la plupart des professionnels installés sur Houat et Hoëdic, vivre
ici demeure un choix pleinement assumé. Ils sont tous tombés un jour amoureux de ces
îles et y sont restés cloués, fiers d'exercer leur métier sur des petits bouts de
paradis.
O. Marie zzz36c zzz70 zzz22c
De l'assiette au livre |
Avec un mari marin pêcheur, Yvette Moisdon a ouvert le restaurant Chez Jean-Paul "par nécessité. Au départ, je faisais moi-même la cuisine et aujourd'hui j'ai un chef aux fourneaux". L'établissement, qui a l'originalité d'accueillir également une librairie, est ouvert sur Hoëdic depuis 20 ans. "Tout est arrivé petit à petit, la librairie il y a 6 ans, sur une idée de ma fille." Cécile, libraire de profession, travaille d'ailleurs aujourd'hui avec sa mère au sein de l'établissement. "Cette double activité nous a amené une nouvelle clientèle, amoureuse des livres. Beaucoup repartent d'ailleurs avec un ouvrage à la fin de leur repas. D'autres viennent flâner l'après-midi, acheter un bouquin, boire un jus de fruits, etc." Chez Yvette Moisdon, la clientèle, charmée par cette petite maison pétrie de charme à l'extérieur comme à l'intérieur, "revient d'une année sur l'autre. Beaucoup de gens ayant une maison secondaire, des plaisanciers, etc.". Pour faire tourner son affaire de 70 couverts, Yvette Moisdon s'entoure donc de Cécile, d'un chef et d'un extra de temps en temps. "Je l'ai trouvé par relation, mais c'est vrai que ce n'est pas facile. Surtout pour le loger. La situation s'est améliorée cette année puisqu'un local municipal est mis à la disposition des saisonniers. Trois, quatre personnes logent là-bas. Le jeune homme avec qui je travaille en extra vient ici depuis 2 ans. Il n'y a pas de mystère, si les gens se sentent bien dans une maison et que le salaire est correct, ils reviennent." Pour l'approvisionnement, les choses se compliquent davantage, car Yvette paye, bien entendu, le coût du bateau, mais également celui du transport municipal pour acheminer ses produits jusqu'au restaurant, et le tout, "sans aucune aide. Les pêcheurs locaux ne vous font pas plus de fleur même si vous travaillez avec eux. Quant aux artisans, cela revient trop cher de faire venir quelqu'un du continent. On se débrouille. J'ai par exemple attendu plus de 1 an avant de changer une fenêtre !" Et à admirer son intérieur, on se dit qu'Yvette se débrouille à merveille.
Houat
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Hoëdic
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S'y rendre, s'y déplacer *
Iles desservies par la SMNN. |
Point de vue Président de l'Umih Morbihan depuis février dernier, Jean-François Serazin exploite depuis 8 ans l'hôtel-restaurant 2 étoiles La Sirène sur l'île d'Houat. L'établissement, comportant 15 chambres et un restaurant d'une quarantaine de couverts, est ouvert de Pâques à novembre. Le restaurateur reconnaît travailler avec "une clientèle essentiellement française. Les touristes étrangers représentent 5 à 10 %, et encore... Surtout une clientèle familiale, habituée et souvent de longs séjours. En basse saison, je travaille avec les régionaux et des séminaires. De mai à juin, j'ai au moins un séminaire par semaine. Cela mériterait d'être développé, d'autant que sur ce marché nous collaborons en intelligence avec les autres hôteliers de l'île". Dans son projet d'agrandissement de l'établissement, Jean-François Serazin envisage d'ailleurs de créer une salle de séminaire en plus de 6 nouvelles chambres. "Un des gros inconvénients de travailler sur une île demeure le surcoût dû à l'approvisionnement. D'autant que l'on ne peut pas le répercuter sur les prix. Les clients payent déjà le bateau et ils ne l'accepteraient pas. Nous nous rattrapons peut-être légèrement sur le poisson, acheté directement auprès des pêcheurs. Pour l'instant du moins, car dès 2003, nous serons obligés d'acheter à la criée ! Je fixe un prix en début d'année avec les pêcheurs qui me fournissent. Chez moi, le poisson n'a jamais connu la glace !" Et pour ce qui est des travaux de rénovation, là aussi, le surcoût est conséquent. "On investit beaucoup moins. Nous avons quelques aides de la Région et du Département, mais cela ne couvre pas la différence, souligne le restaurateur. Avec les entreprises qui viennent travailler, on peut négocier le gîte et le couvert, mais de toute façon cela a un coût réel." Quant au personnel, La Sirène emploie 5 à 6 personnes en saison. "Depuis 3-4 ans, on essaye de fidéliser le personnel grâce au partenariat Morbihan-Savoie." Jean-François Serazin reconnaît n'avoir pas trop connu de problèmes jusqu'ici. "S'il veut venir travailler sur l'île, le personnel doit faire des concessions car il n'y a pas d'animation. On peut s'ennuyer rapidement. Chez moi, il est nourri, blanchi, et je paye davantage, de 500 à 1 000 F par mois supplémentaires. C'est sûrement une source de motivation", sourit le restaurateur. |
Houat et Hoëdic en chiffres* Nombre de passagers en 2000 pour Houat et Hoëdic : 145 451 Houat Hoëdic |
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L'Hôtellerie n° 2730 Hebdo 9 Août 2001