Nature et patrimoine
La station sud de la baie de Somme a délaissé toute vocation balnéaire pour se tourner vers les amoureux des oiseaux et des vieilles pierres. Le chiffre d'affaires des CHR est en progression continue, grâce à une clientèle nord-européenne qui pèse plus de la moitié des ventes.
Un hôtelier président d'un
office de tourisme, cela aide sérieusement à comprendre les besoins des professionnels,
et si l'on y regarde bien, ce n'est pas si fréquent dans le paysage français. C'est le
cas d'Alain Gaudel, patron avec Nicole, son épouse, de la Colonne de Bronze, un Logis de
France comme deux autres, bientôt trois, de Saint-Valéry-sur-Somme. Quand les alluvions
de la Somme ont éloigné la plage de la ville, ou quand d'autres plages ont pris le
dessus - à commencer par celle du Crotoy au nord de la baie -, les élus et
professionnels de la ville ont exécuté un virage stratégique à 180 ° pour le meilleur
des affaires.
Modestement, Alain Gaudel préfère rendre la paternité du développement touristique
récent de Saint-Valéry à celui qui fut son maire de 1989 à 2001, Pierre Dingremont, en
même temps conseiller général. La stratégie de ce dernier, bien appuyée par le
département et la région, s'est fondée sur trois bases. Premièrement, oublier que
cette ville fut autrefois une plage et un port de pêche, ou ne garder de cette époque
qu'une nostalgie esthétique et productrice d'idées positives. Puis mettre la ville en
valeur par une réhabilitation de la voirie et des espaces publics et quelques
aménagements astucieux. Ce sont les revêtements de sol (galets, pavés) et le mobilier
urbain élégant, c'est par exemple cette promenade de bord de mer en caillebotis de
quelques mètres de large qui surplombe le chenal de la Somme et donne vue sur la baie. Ce
sont les monuments historiques non remis en état. Or chacun sait qu'une action
d'investissements publics bien pensée dans une ville déclenche une vague d'efforts
privés dans un effet de levier souvent très puissant. Troisièmement, vendre
inlassablement, par tous les guichets de la ville et du réseau touristique picard, ce que
la baie et son arrière-pays ont à proposer sur les thèmes nature, patrimoine et
histoire : côté nature, l'Ecomusée Picardie, la Maison de l'Oiseau, le parc
ornithologique du Marquenterre et la baie de Somme elle-même qu'entoure le petit chemin
de fer à vapeur du même nom. Les amateurs viennent de loin pour visiter cette région
entre terre et eau, cette baie immense que seule une marée de très fort coefficient peut
recouvrir, cette halte d'oiseaux migrateurs ou de phoques égarés.
Les étrangers d'abord
Côté histoire et patrimoine, c'est la vieille ville de Saint-Valéry-sur-Somme, le site
de la bataille de Crécy, l'abbaye de Valloires, le château fort de Rambures... De quoi
attirer avant tout les étrangers, Anglais en tête, Belges ensuite, Allemands,
Scandinaves, et Néerlandais enfin, à la recherche d'une côte relativement vierge et
préservée et de souvenirs médiévaux (surtout quand ils évoquent les victoires des
archers anglais). Se fondant sur les demandes d'informations adressées à l'office de
tourisme, le président Alain Gaudel évalue à 60 000 environ le nombre de visiteurs,
avec une moyenne d'âge relativement élevée et un pouvoir d'achat intéressant.
Ils viennent pour les attractions touristiques, mais aussi pour la cuisine locale à prix
modérés. Pas de macaron du Guide Rouge ici, mais deux adresses 1 fourchette et
une 2 fourchettes, et de multiples endroits à petits prix. Deux hôtels y sont nommés
seulement, mais cette liste devrait s'allonger. Par ailleurs, les Logis sont chez eux pour
ce type de clientèle et de région. Au total, la station compte deux 3 étoiles et trois
2 étoiles pour 75 chambres. La profession revendique aussi 27 licences IV, un nombre à
peu près stable depuis 20 ou 30 ans, à cela près que les établissements ne sont plus
du tout les mêmes. Tous les hôtels se sont hissés à grand renfort de transformations
au niveau des standards de confort 2 étoiles ou 2 cheminées demandés par la clientèle.
Notamment les quatre hôtels du quai du Romerel où ces établissements se font face sans
problème. Le président de l'Umih des restaurateurs de la Somme, Thierry Dupré, patron
de l'un d'entre eux, le Relais Guillaume de Normandie, observe que ses amis et
concurrents, et lui-même, ont investi approximativement 15 à 20 millions de francs (plus
de 2,5 millions d'euros) ces dernières années. Le tout dernier, le 3 étoiles Picardia
avec ses 18 chambres, est symptomatique d'une tendance à la montée en gamme. Pour fixer
les idées, le marché 3 étoiles se situe autour de 420-460 francs la chambre. Les prix
progressent sans chasser la clientèle. "Après avoir investi chez moi, j'étais
le plus cher. Je suis à présent le meilleur marché", observe le président
Thierry Dupré. Les bistrots traditionnels et friteries de campagne à destination de la
clientèle, soit rurale, soit balnéaire à tout petit budget, ont fermé ou ont été
repris pour un tout autre projet. On trouve là une offre de restauration à caractère
franchement urbain ou comparable à celle de lieux touristiques beaucoup plus huppés,
très haut de gamme exclus. Ces restaurants et hôtels n'envahissent pas la vieille ville,
mais restent pour le moment limités aux quartiers des quais. L'offre professionnelle
supporte aussi la présence d'une résidence hôtelière créée sur fonds publics et
gérée par le Syndicat mixte d'aménagement de la côte picarde. Dans la mesure où cette
structure, qui perçoit et mutualise la taxe de séjour, joue un rôle décisif dans la
mise en valeur de la région, dans la mesure aussi où la résidence apporte une offre
(avec équipements de loisirs et sportifs...) qui n'existe pas ailleurs, les
professionnels ne veulent pas la taxer de paracommercialisme.
A. Simoneau zzz70 zzz36v zzz22v
A gauche, Alain Gaudel, président de l'office de tourisme et
hôtelier, et Thierry Dupré, président du Syndicat des restaurateurs, devant leur chère
baie de Somme. Une mutation économique profitable.
L'agneau de l'EstranPour marquer leur tendance régionale par un plus sur leur carte, les restaurants de
la région soutiennent l'initiative de l'agneau de l'Estran. |
Article précédent - Article suivant
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie n° 2733 Hebdo 30 Août 2001