Mario Montalbano abandonne les cuisines pour la scène de l'opéra du Rhin. Une belle reconversion guidée par la passion du chant.
Un peu plus de la trentaine, le poitrail large et la corpulence d'un bon vivant, Mario Montalbano a la prestance d'un Mario Lanza ou d'un Del Monaco. S'il n'est pas encore ténor, derrière les fourneaux de la maison de retraite israélite de Nancy, il va pourtant le devenir dans quelques semaines, passant de la cuisine au chur de l'opéra du Rhin à Strasbourg. Il fallait oser ! Il venait de faire construire près de Nancy, et le voilà en partance pour la capitale européenne, un changement du tout au tout. Le jeune ténor avoue son trac. "Tout arrive en même temps. Devenir artiste professionnel du chant, le travail de scène, les costumes, des textes en allemand, en tchèque, en anglais. Je commence par un opéra contemporain, puis dans la foulée, je vais interpréter Turandot. Vous vous rendez compte." On a beau se nommer Mario, avoir un père sicilien sidérurgiste et une mère lorraine, on pense d'abord plus à un métier stable que de fréquenter le conservatoire. C'est la route qu'a suivie le cuisinier. Après un CAP effectué au buffet de la gare de Nancy, il travaille un peu partout, en Corse, dans des stations de sports d'hiver et à Nancy en restauration traditionnelle. En 1989, il prend son poste de responsable de la cuisine de la maison de retraite israélite de Nancy. "J'ai toujours eu envie de chanter, alors j'ai décidé d'entrer dans une chorale, le Gradus ad Musicam."
Médaille d'or du conservatoire
Mario a l'oreille absolue, il est donc capable d'entendre puis de reproduire presque tous
les répertoires. Mais il se sent mal à l'aise au sein d'un chur, avec des
partitions qu'il ne sait pas (encore) lire, et voudrait plutôt être soliste "que
d'être noyé dans la masse vocale".
Le chef de la chorale remarque sa voix exceptionnelle, comprend sa frustration et
l'oriente vers le conservatoire régional. Nous sommes en 1995. La vénérable institution
refuse son entrée... pour une question d'âge, mais là encore, l'un des professeurs sent
que Mario a de grandes possibilités. Elle accepte de le prendre dans sa classe en
auditeur libre pendant un an et la persévérance du cuisinier paye. L'année suivante, il
est admis au concours avec une dispense du directeur.
Les premières esquisses de la carrière de chanteur de Mario sont dures. Il lui faut
faire preuve d'une humilité, d'une bonne volonté et d'un enthousiasme constant pour
apprendre le solfège à côté d'enfants de 9 ou 10 ans. "Une remise en cause
totale." Mais cette vocation est reconnue de tous : le conservatoire s'ouvre
largement malgré le franchissement de la limite d'âge, son professeur, Christiane
Sutzmann "a toujours cru en moi et m'a toujours accompagné", et même la
direction de la maison de retraite l'aide, donnant des demi-journées de congés de temps
en temps pour permettre à son cuisinier de travailler la musique. Mario Montalbano y
croit lui aussi de plus en plus, lorsqu'il obtient en 1996 la médaille d'or du
conservatoire, à l'unanimité... avec l'air de Mario de la Tosca.
Artiste des churs
"Je suis peut-être allé plus vite que les autres à cause de mon âge",
avance-t-il modestement. La vérité est sans aucun doute ailleurs. Mario a une voix
exceptionnelle, comme on en rencontre peu. Au bout de 5 années de travail acharné sur le
solfège, et après sa médaille d'or, il cherche tout naturellement à devenir
professionnel.
Les concours succèdent au concours, épuisants lorsque l'on exerce par ailleurs une autre
activité. Il arrive en finale du recrutement de l'Opéra Bastille à Paris, tente
l'opéra de Nancy, puis l'opéra du Rhin en 2000. La voix est appréciée mais le niveau
de solfège semble encore insuffisant. Puis, la roue tourne, dans le bon sens. Mario est
de nouveau contacté par l'Opéra du Rhin, pour une nouvelle audition. Cette fois-ci est
la bonne. Il est recruté et commence officiellement sa carrière d'artiste de chur
le 27 août 2001. Le petit italien fou d'opérette, qui n'avait jamais mis les pieds ni
les oreilles dans un opéra, se retrouve sur une scène nationale. L'amour du chant a
été le plus fort. "Je vais travailler deux fois plus que les autres parce qu'on
m'a donné une chance. Je me donne 2 ans pour approfondir le répertoire, travailler la
souplesse de ma voix, apprendre à ne jamais la forcer. Ensuite, j'aimerais débuter dans
de petits rôles de solistes." De regrets, Mario Montalbano n'en a guère, sauf
celui d'abandonner les fourneaux, car la cuisine est la deuxième passion de sa vie.
Il voit d'ailleurs dans les deux professions des similitudes : faire vibrer les gens, leur
faire découvrir des splendeurs, donner du plaisir. Mario Montalbano est un artiste. zzz18p
En dates 1967 Naissance |
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L'Hôtellerie n° 2739 Hebdo 11 Octobre 2001