Près du Havre
Dernier service le 30 janvier, cur gros et rage contenue : Max Bichot a été contraint de quitter son établissement bientôt rasé. Les falaises peuvent le détruire à tout moment.
"Franchement, je suis écuré." Max Bichot a de la peine à contenir son émotion. Mais la réalité est bien là, brutale comme un couperet. Au soir du 30 janvier, il a pris son dernier service, le cur gros et la rage contenue. A 43 ans, ce jeune chef inventif connaît un déchirement dans sa carrière qu'il entend faire rebondir malgré tout... Maintenant fermé, son restaurant baptisé l'Auberge des Falaises (la bien nommée), près du Havre, est promise à une triste fin. Dans ces prochains mois, elle sera rasée par les bulldozers, réduite en poussière. Raison à cela : les falaises. De sa cuisine, Max Bichot peut les toucher quasiment ; elles sont à moins de 5 mètres de distance. Mais hautes comme un immeuble, elles menacent de s'effondrer. Résultat : le restaurateur est contraint de mettre la clé sous la porte.
Jour noir pour l'auberge
En 1994, Max Bichot, après avoir sillonné le monde pendant une dizaine d'années, pose
ses valises près du Havre. Diplômé de l'école hôtelière du Touquet et fort d'une
expérience professionnelle dans plusieurs établissements en France, il décide de se
lancer. Pour un investissement total de 260 000 euros (1,7 MF), il reprend l'ancien
restaurant Dubuc, qu'il rebaptise. Dans une salle d'une cinquantaine de places, il propose
une cuisine qui séduit les hommes d'affaires de la zone industrielle voisine. Bichot se
fait un nom, suit des stages avec Michel Roth (Le Ritz) embauche, développe son affaire
jusqu'à un chiffre d'affaires de plus de 300 000 euros (2 MF). L'an dernier,
satisfaction, il décroche le premier prix de pratique aux Toques d'or internationales, à
Dijon. Ses clients l'encouragent. Son livre d'or en est le témoin.
Et puis le jour noir. Dans un bruit indescriptible, un pan de falaise s'effondre le 22
janvier 2001 sur le parking de son restaurant. Grosse frayeur. Propriété des Cimenteries
Lafarge qui exploitent une carrière à moins d'un kilomètre à vol d'oiseau, la falaise
devient un danger réel. L'industriel, dans un premier temps, propose de la solidifier.
Puis, Max Bichot demande qu'on lui rachète son établissement. Un début d'accord est
trouvé avec l'industriel qui mettra 350 000 euros (2,3 MF) dans l'opération. Mais
l'affaire fait long feu... Sur le littoral, les falaises fragilisées par les fortes
précipitations se décrochent les unes après les autres (Etretat, Fécamp,
Saint-Valéry-en-Caux, Yport...). Considérant que les effondrements bordant le restaurant
ne sont pas un épiphénomène, Lafarge revoit sa position en soulignant qu'il n'a plus
vocation à tout prendre en charge. Les semaines passent, Max Bichot ne voit rien venir et
les falaises, toujours, menacent le restaurant et les maisons voisines. Finalement, avant
Noël 2001, un arrêté préfectoral met un terme à l'affaire. Etablissement recevant du
public, le restaurant devra fermer le 30 janvier. Les maisons voisines, elles, ne sont pas
concernées...
En dédommagement, Max Bichot recevra 244 000 euros (1,6 MF), dont plus de 57 % en
provenance de l'industriel, le reste étant réparti entre le département et la petite
commune de Saint-Vigor-d'Ymonville.
"On fera l'effort"
Déçu de devoir quitter son établissement, un peu dégoûté même, Max Bichot tente
néanmoins de conserver son optimisme et sa rage de réussite. Peu à peu, il vend son
matériel à ses collègues tout en s'apprêtant à abandonner ses salles soignées dans
des décors australiens (souvenirs de voyages) et normands. Sur une table à l'entrée de
l'établissement, le livre d'or laisse indélébiles les traces de la sympathie de la
clientèle... "Même loin, dit l'un des habitués, on fera l'effort
nécessaire." Max Bichot s'apprête donc à reprendre la route en recherchant un
nouvel établissement dans lequel il pourra vivre sa passion pour la cuisine. Loin des
falaises en tout cas.
S. Siret zzz22v zzz16
Max Bichot
Auberge des falaises
Tél. : 02 35 20 06 97
Fax : 02 35 30 21 02
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L'Hôtellerie n° 2754 Hebdo 31 Janvier 2002 Copyright ©