Après les pérégrinations bretonnes d'Edouard Carlier, le célèbre restaurateur montmartrois qui nous avait fait part de ses satisfactions et de ses déconvenues dans un courrier qui a suscité maintes réactions, nous publions aujourd'hui la relation d'un voyage dans le Midi effectué cet été par Kimberly Murphy, professeur de français à Boston.
Chers amis,
Ce n'était pas vraiment une bonne idée que d'avoir choisi le 30 juillet pour
assister à un concert à Avignon : j'avais oublié que le festival de théâtre le plus
fameux de la planète n'était pas terminé à cette date ! Le plus dur fut bien sûr de
trouver une chambre d'hôtel, de préférence en centre-ville, prête à écorner les
maigres économies que m'ont laissées les péripéties de Wall Street. Mais là, c'était
vraiment le bord du crac, la limite de la faillite style Enron ou Worldcom : pas une
chambre dans toute la cité des Papes. Enfin si... il en restait une et pas le temps
d'hésiter au téléphone, me fait-on comprendre : "Il n'y a plus rien dans le
secteur, que faites-vous ?" Je prends bien sûr, et avant de donner mon numéro de
carte de crédit, j'ose timidement demander le tarif : 430 euros, plus le petit-déjeuner
à 19 euros ! Bon, d'accord, c'était dans l'établissement le mieux classé du Guide
Rouge et pratiquement dans l'enceinte du palais des Papes : à ce prix-là, je pouvais
presque rencontrer l'âme de Clément V ou de Benoit XII, fastueux pontifes qui ont
légué à la ville l'un des joyaux de l'architecture médiévale. Il faut parfois savoir
s'incliner devant l'Histoire, expliquais-je à mon porte-monnaie qui commençait à
prendre une mine renfrognée. Honnêtement, il avait tort, car j'ai beaucoup aimé La
Mirande, sa décoration, son charme de vieille demeure. Ce n'était pas donné, mais je
dirais que c'était très bien, même si certains esprits chagrins considèrent qu'à ce
prix-là, c'est bien le moindre...
En revanche, je n'irais pas jusqu'à l'extase pour les restaurants que j'ai
fréquentés. Et même si 'l'agnolade' est aux restaurateurs d'Avignon ce que la
bouillabaisse est à ceux de Marseille, elle mériterait néanmoins d'être démocratisée
: 23 euros pour ce plat "typique du terroir", même en face de
l'admirable Hôtel Calvet et sous un pin centenaire, c'est bien vendu pour réfléchir au
génie d'Horace Vernet et d'Hubert Robert.
Après ce trop bref passage aux confins de la Provence, je me retrouvais de l'autre
coté du Rhône dans la bonne ville de Montpellier. Je passe sur la désinvolture
exaspérante du service dans les bars de l'aéroport pour mentionner un endroit à ne pas
manquer : La Compagnie des Comptoirs des frères Pourcel, qui ont la bonté de proposer
une formule décontractée, dans un cadre agréable, avec une cuisine méditerranéenne
revisitée à partir des standards qui font la gloire du Jardin des Sens. Et le choix des
vins particulièrement judicieux permet de surprenantes découvertes (vous comprendrez que
je les garde pour moi). Ayant décidé de poser mon sac dans la région, je me contenterai
d'évoquer les quelques expériences que m'ont proposées les établissements que j'ai
fréquentés. Quelques jours dans le Midi permettent de se livrer à d'intéressantes
comparaisons d'une infinie variété de cuisines, malgré la banalisation de certaines
formules. En toute modestie, un conseil à certains : ne tirez pas trop sur le
porte-monnaie de vos clients, ils ne sont pas tous milliardaires, et la qualité de la
prestation - soyons gentils - peut se révéler inégale...
Ainsi à Sète, les restaurateurs du quai de la Marine pourraient peut-être essayer de
faire preuve d'originalité dans leur carte (les sempiternelles 'huîtres de l'étang,
verre de picpoul'), d'autant qu'il est difficile de dépenser moins de 25 euros dans la
plupart des cas. Heureusement, dans la ville de Paul Valéry et Georges Brassens
(nettement plus 'exploitée'), le curieux trouvera sans peine d'adorables petits
restaurants où l'on cultive le goût d'une véritable cuisine italo-languedocienne, sans
qu'on nous parle de 'fusion food', ou autres balivernes, pour nous faire déguster
d'admirables Macaronis aux cigales de mer ou des encornets farcis. Je ne résiste pas au
plaisir de vous citer le Bistrot-Quai qui domine le port dans une rue animée. Avec en
prime un accueil très professionnel et un patron souriant... ancien responsable syndical,
qui ne se sent pas obligé de 'bassiner' ses clients avec ses problèmes de TVA et de
charges sur les salaires. Pour ne pas quitter complètement 'l'île singulière', la
mairie ne pourrait-elle pas faire quelque chose pour que l'une des plus belles plages de
la côte méditerranéenne ne soit exclusivement réservée au stationnement sauvage des
mobile homes et autres caravanes ? Je passe les détails question hygiène et propreté de
la plage. Ne voulant pas en rajouter, je vous dirai toutefois que Béziers est une ville
agréable, mais ce n'est pas une raison pour essayer de garder plus que nécessaire les
touristes à table : au restaurant Le Grillardin, le carnivore et le pêcheur, il faut 2
bonnes heures pour consommer une salade du pêcheur et une brochette d'agneau. Forcément,
on se lasse.
Enfin, dernière halte Chez Philippe à Marseillan (dans le village, pas à la plage).
Evidemment, un repas Chez Philippe se mérite, et pour cause : inutile d'arriver sans
réserver, les délais pour obtenir une table en été dépassent allègrement la
quinzaine. Donc, si vous avez l'occasion de passer par là, n'oubliez pas de réserver
(c'est ce que j'ai fait), le menu est cadeau avec une admirable Tarte aux légumes, suivie
d'Encornets à la citronnelle, ou, plus surprenant, d'un Gros oignon farci au pied de
cochon. Bien sûr, dans ma prochaine lettre, j'aurai encore de nombreuses découvertes...
à bientôt.
Kimberly zzz70
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L'Hôtellerie n° 2784 Hebdo 29 Août 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE