Employeurs ! L'amnistie vous intéresse à double titre : elle vous interdit de sanctionner vos salariés pour des fautes commises avant le 17 mai 2002, et elle vous protège d'une sanction pénale si vous êtes l'auteur d'une infraction amnistiée. Le point sur les effets de l'amnistie.
La traditionnelle loi d'amnistie adoptée après chaque élection présidentielle a été adoptée le 6 août dernier et publiée au Journal officiel du 9 août 2002. L'amnistie concerne certains comportements fautifs de salariés, mais également certaines infractions à la législation du travail commises par les employeurs. Dans les 2 cas, elle concerne uniquement les faits commis avant le 17 mai 2002, date d'entrée en fonction du président de la République.
Les fautes professionnelles et disciplinaires bénéficient de
l'amnistie
Dans l'entreprise, l'amnistie oblige l'employeur à passer l'éponge sur certains
comportements fautifs retenus ou susceptibles d'être retenus comme motif de sanction, à
savoir :
- Les fautes professionnelles commises avant le 17 mai 2002. Ex : les négligences, la
mauvaise exécution du travail.
- Les fautes disciplinaires commises avant le 17 mai 2002. Ex : le non-respect de
l'horaire de travail, l'absence non justifiée, le non-respect des consignes d'hygiène et
de sécurité, violence, ivresse.
Par contre, certains comportements sont exclus de l'amnistie même s'ils ont été
commis avant le 17 mai 2002, à savoir :
- Les faits non fautifs, comme, par exemple, l'insuffisance professionnelle, la perte de
confiance, ou encore, des absences répétées dues à la maladie ayant perturbé le bon
fonctionnement de l'entreprise (Cass. soc. du 15 janvier 1987).
- Les faits qui ont fait l'objet d'une sanction pénale qui, elle-même, n'est pas
amnistiée.
- Les faits constitutifs d'un manquement à l'honneur, à la probité et aux bonnes
murs (sauf amnistie individuelle accordée par le président de la République à la
demande du salarié).
Exemple : un salarié utilisant du matériel de l'entreprise à son propre profit
(Cass. soc. du 12 décembre 1983), ou encore, le fait de travailler pour son propre compte
pendant une période d'arrêt maladie (CE du 22 juillet 1992).
Interdiction de sanctionner une faute amnistiée
Si l'un de vos salariés est l'auteur d'une faute professionnelle ou disciplinaire commise
avant le 17 mai 2002, vous devez en oublier l'existence, et faire comme si le salarié ne
l'avait jamais commise. En effet, depuis le 12 août 2002, date d'entrée en vigueur de la
loi d'amnistie, aucune procédure disciplinaire ne peut être valablement engagée ou
poursuivie, ni aucune sanction prononcée sur la base de faits amnistiés commis avant le
17 mai 2002.
Exemple : un salarié a commis, avant le 17 mai 2002, une faute amnistiée. Vous ne
l'avez pas encore sanctionné parce que, par exemple, vous venez de découvrir les faits.
Depuis le 12 août 2002, vous ne pouvez plus sanctionner cette faute, quelle que soit la
nature de la sanction envisagée (mise à pied, licenciement, mutation...). Si le salarié
récidive, vous ne pouvez pas non plus invoquer cette faute dans une procédure
disciplinaire engagée plus tard.
Les sanctions déjà prononcées restent valables
Les sanctions prononcées avant le 12 août 2002 (date d'entrée en vigueur de la loi
d'amnistie), à l'encontre de faits antérieurs au 17 mai 2002, restent valables. En
effet, la loi d'amnistie ne remet pas en cause les effets d'une sanction prononcée avant
son entrée en vigueur.
Exemple : le 15 juin 2002, vous avez licencié un salarié pour abandon de poste
non justifié, sachant que cet abandon de poste date des 10 et 11 mai 2002. Ce
licenciement sanctionne une faute amnistiée, mais il reste valable car il a été
prononcé avant le 12 août 2002, date d'entrée en vigueur de la loi d'amnistie.
Les sanctions déjà prononcées doivent être effacées du
dossier
Par contre, la loi d'amnistie vous oblige à effacer du dossier du salarié toute
référence à une sanction prononcée à l'encontre d'une faute amnistiée. Cette
obligation vaut quelle que soit la nature du document dans lequel la référence à la
faute amnistiée est consignée (cela peut être un dossier papier ou informatique, un
document archivé ou récent).
Exemple : un salarié est déjà arrivé en retard plusieurs fois avant le 17 mai
2002. Vous lui aviez adressé des lettres d'avertissement en raison de ces retards. Vous
devez retirer du dossier du salarié ces lettres d'avertissement, et si ce salarié
recommence à être en retard, vous ne pourrez pas invoquer le fait que vous l'aviez
déjà sanctionné pour cela avant le 17 mai 2002.
Attention ! Toute référence à une sanction amnistiée est punie d'une amende de
5 000 e (art. 18 de la loi du 6 août 2002).
Contrôle de l'inspection du travail
Les inspecteurs du travail ont pour mission de vérifier que les employeurs ont bien
retiré des dossiers personnels des salariés toute référence aux sanctions se
rapportant à des fautes amnistiées commises avant le 17 mai 2002. Les inspecteurs du
travail peuvent procéder à ces vérifications dans le cadre de visites de routine ou à
la demande d'un salarié.
La loi d'amnistie bénéficie donc aux salariés, dans la mesure où elle oblige leur
employeur à oublier les fautes commises avant le 17 mai 2002. Mais elle bénéficie aussi
aux employeurs dans la mesure où elle peut, dans certaines conditions, leur éviter une
sanction pénale s'ils ont enfreint la législation du travail.
Certaines infractions échappent à une sanction pénale
En effet, certaines infractions à la législation du travail, commises avant le 17 mai
2002, sont amnistiées et perdent automatiquement leur caractère délictueux, ce qui
permet à leur auteur d'échapper à une sanction pénale. Toutefois, cela n'empêche pas
votre salarié d'obtenir réparation devant le conseil de prud'hommes du préjudice qu'il
a subi en raison de cette infraction. Il s'agit notamment des infractions suivantes :
w Les contraventions de police, ainsi que les délits punis
d'une peine d'amende, quel que soit le montant de celle-ci.
Exemple : vous pouvez échapper à l'amende pénale prévue en cas de remise de
bulletin de paie non conforme. Mais cela n'empêche pas votre salarié de réclamer des
bulletins conformes devant le conseil de prud'hommes.
w Les délits passibles de moins de 10 ans d'emprisonnement
commis à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales et
revendicatives de salariés.
Certaines infractions sont exclues de la loi d'amnistie
Toutefois, certaines infractions sont exclues de la loi d'amnistie, ce qui veut dire que,
même si vous les avez commises avant le 17 mai 2002, vous risquez d'être condamné pour
cela. Ces infractions sont les suivantes :
- Les contraventions de 5e classe quand leur auteur est un récidiviste.
- Les délits de discrimination comme, par exemple, les discriminations hommes-femmes,
discriminations syndicales, discriminations à l'embauche, discriminations en matière
disciplinaire ou de licenciement.
- Les faits de harcèlement sexuel et moral.
- Les infractions d'atteinte à l'exercice du droit syndical si elles ont été ou seront
punies d'une peine d'emprisonnement supérieure à 1 an.
- Les infractions à la législation relative aux institutions représentatives du
personnel, et à la réglementation en matière de CHSHCT si elles ont été ou seront
punies d'une peine d'emprisonnement supérieure à 1 an.
- Les infractions d'atteinte involontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne et
de risque causé à autrui quand elles ont été commises par un employeur en raison de
manquements aux obligations qui lui incombent en application des dispositions de la
législation et de la réglementation du travail en matière de santé et de sécurité
des travailleurs.
Certaines condamnations sont effacées du casier judiciaire
Si vous êtes l'auteur d'une infraction amnistiée, et que vous avez été condamné pour
cela avant le 12 août 2002, date d'entrée en vigueur de la loi d'amnistie, cette
condamnation sera effacée de votre casier judiciaire s'il s'agit de l'une des peines
suivantes :
w Amende ou jour-amende inférieure à 750 e.
w Amende supérieure à 750 e si elle a été payée.
w Travail d'intérêt général s'il a été exécuté.
w Emprisonnement ferme ou assorti d'un sursis avec mise à
l'épreuve de 3 mois maximum.
w Emprisonnement assorti d'un sursis simple de 6 mois
maximum.
w Emprisonnement de 6 mois maximum assorti d'un sursis non
révoqué avec obligation d'effectuer un travail d'intérêt général à condition que ce
travail ait déjà été effectué.
T. Beausseron zzz60
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L'Hôtellerie n° 2786 Hebdo 12 Septembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE