Richard Bossoutrot, 42 ans, chef barman
Le chef barman du Man Ray Paris totalise quelque 73 diplômes nationaux et internationaux en matière de bar. Question de passion.
Ce passionné de bar est aussi papa d'une jeune fille de 17 ans, actuellement en
école hôtelière...
Parmi ses aïeuls :
Lucien Bossoutrot, célèbre pilote de l'entre-deux-guerres, ayant à son actif le premier
vol commercial Paris-Londres. De lui, Richard tient l'esprit de conquête et un besoin
insatiable de liberté. Le comprendre n'est pas toujours aisé. Il reste rarement plus de
3 ans aux mêmes responsabilités, au même endroit. Quelques-uns le disent inconstant.
C'est méconnaître son moi profond.
Contre-culture. Richard va plus vite, plus loin. Lorsqu'un travail est terminé, lorsqu'il
a rempli son contrat, il passe à autre chose.
C'est tout. Richard a derrière lui 25 ans d'Afrique. Naissance, petite enfance, retour
aux sources à l'âge adulte. Entre autres destinations. Malaisie, Birmanie, Russie,
Thaïlande, Philippines, Maurice... Deux tours du monde au bas mot. Pas en tant que
touriste. Langues parlées, outre le français : l'anglais, l'allemand, l'arabe
littéraire, le monokoutoumba... Un coup d'il sur son CV vous apprend qu'il détient
quelque 73 diplômes ou certificats nationaux et internationaux en matière de bar. Le
zinc, c'est une seconde nature. Il s'y est frotté la première fois au cours d'un job
d'été. Greffe insidieuse. Ce qui ne devait être qu'une expérience de passage s'est
transformée en vocation, objectif, mode de vie. Débuts officiels au Sofitel Bordeaux
Lac, à 19 ans. Le chef de rang s'octroie rapidement le titre de chef barman. On le
retrouve ensuite à la tête d'un pub à Port d'Albert, puis chef barman de la Taverne, à
Mimizan. La clientèle sélecte lui convient. Le voici saisonnier à Megève. Il
accueille, au bar de l'hôtel 4 étoiles La Résidence, de nombreuses personnalités.
Nathalie Delon, Alain Prost... En 1991, Richard trouve ses marques entre Méribel et
Toulouse. Deux années s'écoulent. Le professionnel se donne un nouveau challenge :
veiller à la bonne marche des bars des 8 paquebots de la Compagnie Pearl Cruises. 64 bars
au total. 12 semi-remorques de marchandises tous les 3 jours... Sans parler des problèmes
humains, culturels, ethniques. Des bagarres intestines, des incompréhensions, des
impromptus qui conduisent, en vase clos, sur des chemins acerbes. Richard doit assumer les
situations les plus cocasses comme les plus déchirantes. "Ceux qui choisissent
d'embarquer fuient toujours une douleur. C'est un monde à part, qui me rappelle celui des
motards", témoigne-t-il. Pudiquement. Il n'en dira pas plus. De retour à terre,
l'appel de l'Afrique se fait entendre. Au Congo, où habitent son frère et sa sur,
il prend les rênes du Club Jacadi's. "C'était l'aventure", sourit-il.
L'Afrique dans tous ses extrêmes, toutes ses fascinations. Quand il revient en France, il
opte pour la Corse. Au Moby Dick à Porto-Vecchio, Richard s'occupe de tout. Du bar, du
restaurant, des salons, de l'hôtel, de la plage privée. Clientèle richissime. Suivent
de nouvelles expertises à Courchevel comme en Suisse, au Lausanne Palace & SPA. Là
encore, au top de la clientèle. Sans dévoiler ni le lieu, ni la date (moins de 10 ans,
convient-il), Richard lâche pour anecdote le souvenir de ces deux couples qui ont
dépensé, en 1 heure seulement, la somme de 98 000 F. Soit plus de 14 900 e... Grandes
maisons, grands alcools, grandes folies.
Paris
Le 17 avril dernier, Richard abandonne le bassin d'Arcachon pour la capitale. Au programme
: doubler les chiffres des bars du Man Ray. On lui accorde 16 mois. Au fond de lui, il
s'alloue 2 semestres. Le Man Ray offre un réel potentiel. Bien sûr, il va devoir tailler
dans le vif, se faire obéir, rectifier le tir. Mais Richard n'a pas froid aux yeux. Il
sait qu'il peut en découdre. Il le fait en limitant le nombre de fournisseurs, en
relevant le niveau de qualité des produits et des prestations, en recadrant le personnel,
en imposant un rythme et une organisation adaptés au niveau de l'établissement. Le Man
Ray s'inscrit parmi les hauts lieux parisiens. A ne pas perdre de vue. Dans cet esprit,
Richard s'attelle plus particulièrement au samedi soir. Faisant des noctambules des
privilégiés. Fatiguant mais payant. Richard veille au grain jusqu'au bout de la nuit.
Les habitués saluent son talent d'animateur. Richard redresse la barre en bandana et
baskets. Fini le costume strict des hôtels de luxe. Il faut savoir s'adapter. Conseil
avisé, qu'il rabâche à ses troupes. Comme il ressasse que la discrétion, la rigueur,
le professionnalisme sont indispensables dans le secteur. Phrase clé : "Ne jamais
planter le client."
Aujourd'hui, les chiffres bar du Man Ray affichent des hausses allant jusqu'à 70 %
certains jours. Spectaculaire. Mais Richard n'est pas ingrat. Il vient de négocier avec
la direction une nouvelle rémunération des équipes. "Il faut savoir motiver
ceux qui veulent avancer", lance-t-il. Bien vrai. Motiver et faire partager.
Richard défend aussi la formation interne, à laquelle s'imbriquent deux impératifs :
"Accepter de se remettre en question et rester humble."
Ainsi va le bar... "Ainsi va la vie", rectifie-t-il.
S. Soubes zzz18p
En dates * Naissance le 2
décembre 1960 au Cameroun |
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L'Hôtellerie n° 2792 Hebdo 24 Octobre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE