L'Hôtellerie n° 2803 / 9 janvier 2003
Buffalo Grill : Réaction exclusive de François Picart
appel des faits : jeudi 19 décembre, la juge
Marie-Odile Bertella-Geffroy a mis en examen Christian Picart, le fondateur et président du conseil de surveillance de la chaîne de restaurants pour "homicides involontaires", dans le cadre de son enquête sur le décès de 4 personnes dû au nouveau variant humain de la maladie de Creutzfeld-Jacob et dont les familles se sont porté parties civiles. L'instruction aurait révélé que deux d'entre eux étaient des habitués des restaurants Buffalo Grill. Trois autres dirigeants sont poursuivis pour le même motif : Francis Coutre, le directeur de Districoupe, la filiale de découpe de viande qui assure l'approvisionnement des 150 restaurants en France, a été incarcéré ainsi que Daniel Batailler, directeur des achats du groupe, tandis que Nicolas Viguié, un autre cadre de Districoupe, laissé libre, s'est vu interdire tout contact avec les autres employés. Ils sont soupçonnés d'avoir importé de la viande bovine de Grande-Bretagne après l'embargo instauré en 1996 et ce, durant 4 ans.
François Picart, président du directoire et frère de
Christian Picart, réagit
et répond à nos questions.
L'Hôtellerie : Où en est-on ? Que se passe-t-il ?
François Picart : Il s'agit d'un amalgame de dossiers. Le premier est réel, fondé : la plainte déposée par les familles des victimes de la maladie de Creutzfeld-Jacob. Mises en cause dans le cadre de l'enquête, deux personnes de notre groupe sont privées de liberté pour homicides involontaires. L'avocat des parties civiles, Me Honnorat, a lui-même déclaré que Buffalo Grill ne pouvait être tenu pour responsable de la mort des deux victimes, et ceci en raison des délais d'incubation de la maladie. D'ailleurs, il se pourrait même qu'il demande la disjonction de ce dossier d'avec le second, basé sur des calomnies et des diffamations. Buffalo Grill apparaît dans l'enquête sur les causes des décès, c'est tout, mais c'est à cette occasion que certains ont tenu des propos diffamatoires. Nous avons déposé une plainte contre X à l'encontre de ces 3 personnes. Je demande que l'on rende public les dossiers. De cette façon, on verra qu'ils sont vides.
L'Hôtellerie : Et cette histoire d'étiquette anglaise et de "rafraîchissement" de la
viande ?
François Picart : Une étiquette écrite en anglais a été envoyée à la répression des fraudes par l'un de ces 3 employés. Laquelle lui a répondu que rien n'indiquait qu'il s'agissait de viande. Quant à la "machine à laver", ce sont des barrateuses à l'intérieur desquelles nous mélangeons de la viande saine avec des épices pour produire le chili con carne.
L'Hôtellerie : Avez-vous importé du buf anglais avant et après l'embargo ?
François Picart : Nous sommes coupables d'avoir apposé une affiche dans nos restaurants en 1996 qui disait que nous n'avions jamais servi de viande en provenance de Grande-Bretagne, avant 1996. La Répression des fraudes nous a adressé un PV pour publicité mensongère, classé sans suite. En effet, la vérification des factures antérieures à 1996 n'a ni prouvé le 'jamais' ni prouvé le contraire, puisqu'aucune d'entre elles n'indiquait à l'époque l'origine de la viande. Plus de 285 contrôles ont été effectués, tous négatifs.
En 2001, nous avons mis en place la traçabilité. Buffalo Grill n'a jamais eu de fournisseurs britanniques. Nous avons effectué des achats à Rungis auprès de fournisseurs dont certains achetaient en Grande-Bretagne une partie de leur viande, ce qui ne veut pas dire qu'ils nous la revendaient. La viande anglaise ne nous intéressait pas en raison de son piéçage.
L'Hôtellerie : Combien de temps le groupe peut-il tenir face à la crise ?
François Picart : C'est le problème. 60 % de nos clients continuent à venir et c'est un miracle. Nous serons fixés sur notre délai limite de résistance à la fin de la semaine prochaine, à l'issue d'un conseil de surveillance. Nous allons faire un état des lieux de Buffalo Grill SA et du réseau des franchisés (lire encadré ci-contre). Nous transmettrons les informations à la Cob et à Euronext qui statueront sur la décision de lever ou non la suspension de la cotation. Cette affaire dépasse notre enseigne, car c'est toute la filière bovine qui est concernée. Les agriculteurs ont fait de gros efforts et ils sont inquiets à juste titre.
L'Hôtellerie : Comment réagissent vos franchisés ? Qu'allez-vous faire pour les aider ?
François Picart : Les franchisés ont désigné des représentants avec lesquels nous avons eu des réunions. On leur communique toutes les informations. Certains viennent d'ouvrir et sont particulièrement sensibles. On remarque que les restaurants qui s'en sortent le mieux sont ceux où les franchisés ont une personnalité très forte. Nos franchisés sont d'anciens salariés du groupe qui n'ont pas ou peu de capitaux propres. Lors de l'ouverture du restaurant, Buffalo Grill SA se charge du montage financier et cautionne les emprunts. Dans cette crise, nous nous porterons donc caution en cas de défaillance du franchisé.
L'Hôtellerie : Qu'en est-il du programme de développement pour 2003 ?
François Picart : Les ouvertures prévues pour janvier 2003 se dérouleront normalement. Les constructions sont achevées et les investissements réalisés. Ensuite, nous ferons un arbitrage entre les investissements, nos moyens et les priorités. Mais nous maintiendrons le plein-emploi, et si l'on doit faire des coupes, ce sera sur les investissements. zzz22v
Un manque à gagner évalué à 3,5 ME
Le 3 janvier, à l'issue du Conseil de surveillance, la direction a précisé les poins suivants : "En ce qui concerne l'exercice qui s'est clôturé le 31 décembre 2002, le manque à gagner en chiffre d'affaires, à la suite de la baisse de fréquentation enregistrée par le groupe au cours des deux dernières semaines, devrait être de l'ordre de 3,5 millions d'euros. Par ailleurs, l'exercice supportera des charges et des provisions liées à la gestion de la crise. Même si, de ce fait, le résultat net consolidé de l'exercice 2002 ne sera pas conforme aux prévisions, il devrait néanmoins rester supérieur à celui de l'exercice 2001.
La fréquentation des restaurants, qui a baissé en moyenne de 40 % au début de cette crise, fait preuve d'une certaine volatilité directement liée à l'actualité judiciaire et médiatique. Face à ces turbulences, le groupe a décidé de réduire, pour l'instant, son programme d'investissements à son niveau incompressible. De plus, un plan d'économie rigoureux, sans départs contraints, a été décidé. Dans ces circonstances et sur la base d'hypothèses de fréquentation conservatrices compte tenu du caractère atypique de cette crise, le groupe est confiant dans sa capacité à faire face à ses engagements, notamment grâce au caractère variable d'une partie de ses charges d'exploitation." Une grande opération de communication devrait être lancée dans les restaurants de l'enseigne et dans la presse quotidienne nationale et régionale. Objectif : rassurer les clients, moyennant un budget de 'crise' : près de 1 100 000 e. zzz22vZ
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