du 20 novembre 2003 |
ACTUALITÉ |
< 6 QUESTIONS À UN CANDIDAT ANONYME
L'Hôtellerie : Depuis quand vous préparez-vous
?
Le candidat : Depuis toute ma vie. Je crois que la
personnalité d'un maître d'hôtel se construit sur des expériences liées à l'endroit
ou l'on est né, à l'enfance, aux voyages que l'on a fait, aux études, aux entreprises
pour lesquelles on a travaillé, aux rencontres que l'on a fait. Chacun de nous est donc
différent, c'est toute la difficulté du concours, contrairement à nos amis cuisiniers,
où des règles précises définissent les bases du métier. Nous mettons en avant des
profils différents et qui, pourtant, doivent tous convenir à la plus grande partie de
nos clients.
L'Hôtellerie : Pourquoi se présenter au MOF ?
Le candidat : Le MOF, c'est un rêve, presque
inaccessible. Je me souviens de mon professeur de restaurant au lycée hôtelier
aujourd'hui disparu, qui était arrivé en finale en 1993. Il représentait un exemple
pour nous. Je n'ai jamais pensé arriver à son niveau un jour. Aujourd'hui j'ai
l'impression qu'il m'a transmis un témoin et que c'est à moi d'essayer de l'emmener plus
loin, puis transmettre ce témoin à un jeune un jour. Le MOF, c'est aussi la transmission
des savoirs et des techniques entre les générations. Un autre de mes anciens professeurs
m'avait transmis dernièrement, alors qu'il était à la retraite, une technique de
découpage de canard 'à la volée'. Malheureusement, il est décédé un mois après, et
depuis j'ai compris qu'il ne fallait pas que les anciens partent sans nous léguer leur
savoir, à nous de le transmettre également par la suite. La France est le pays de la
gastronomie et c'est également le pays du service, tous les pays du monde nous envient le
savoir-faire de nos maîtres d'hôtel, il ne faut pas que ces connaissances se perdent
sous prétexte qu'elles ne sont pas d'actualité. Le concours du MOF, c'est une
bibliothèque ouverte qui conserve les savoirs de notre métier, c'est un sanctuaire.
L'Hôtellerie : Que représente ce concours ?
Le candidat : C'est l'excellence de la profession,
c'est sortir de sa région pour rencontrer les meilleurs, c'est aussi la fête de la
profession. C'est également l'occasion d'essayer de nous battre contre l'idée reçue que
les professeurs ne sont pas des professionnels d'aujourd'hui. Beaucoup de restaurants
d'application de lycées hôteliers sont très proches des restaurants gastronomiques dans
leur organisation, dans leur approche de la clientèle, dans leur adaptation au marché
d'aujourd'hui. En tout cas, c'est ce que je m'efforce de faire au lycée hôtelier. Il
n'est pas vrai que nous ne faisons qu'expliquer à nos élèves des découpages
obsolètes. Nous sommes prêts à être jugés comme des professionnels, avec les mêmes
critères, et ainsi nous augmentons notre niveau d'enseignement.
L'Hôtellerie : Quelle est sa principale
difficulté ?
Le candidat : Ce que j'ai ressenti, c'est 50 candidats
qui se trouvaient dans une péniche de débarquement le jour J comme en Normandie. Dès
que la porte s'ouvre on doit éviter la mitrailleuse. Si vous tremblez vous êtes mort, si
vous laissez transparaître le moindre stress vous êtes mort, s'il vous manque une
connaissance vous êtes mort. Et ça, c'est la première épreuve. Ensuite des soldats, il
en reste de moins en moins, et c'est de plus en plus dur, et on avance vers Paris. Ce que
j'ai surtout constaté c'est le respect entre les candidats, nous ne sommes pas les uns
contre les autres, mais embarqués dans la même aventure. En fait, nous nous battons
contre nous-même. Les amitiés naissent de ces moments intenses, et lorsque nous
rencontrons un candidat après les épreuves, nous partageons des émotions que nous
sommes les seuls à comprendre sans devoir les expliquer.
L'Hôtellerie : Dans quel état d'esprit
êtes-vous à la veille des épreuves ?
Le candidat : C'est une terrible remise en question.
Plus on avance dans le travail, plus on s'aperçoit des connaissances qu'il nous manque.
Nous, les maîtres d'hôtel, sommes des généralistes, nos domaines de connaissances sont
très vastes : les produits, les cigares, le bar, la sommellerie, les boissons chaudes, la
gastronomie, les fromages, les langues étrangères... Chaque fois que vous abordez un
thème, vous vous apercevez que vous pourriez lire des dizaines de livres sur ce thème
sans jamais le maîtriser suffisamment. C'est le mythe de Pic de la Mirandole.
L'Hôtellerie : Vous êtes-vous fait un emploi
du temps précis de préparation ? Si oui, quel est-il ? Si non, comment procédez-vous ?
Le candidat : J'ai compris depuis la dernière cession
que l'on ne peut arriver à rien seul. Je suis donc allé taper à la porte de tous les
gens compétents que j'ai pu trouver dès le lendemain de la dernière cession. Beaucoup
de restaurants m'ont ouvert leurs portes, des sommeliers m'ont formé, des cuisiniers
m'ont conseillé. En fait une équipe d'une cinquantaine de personnes a constitué un
puzzle qui constituera ma personnalité en finale, chacun a apporté sa pièce. Ma
méthode c'est : "Aide toi, le Ciel t'aidera." J'ai enchaîné les
services dans plusieurs restaurants étoilés, les services dans les écoles hôtelières,
notés par mes collègues de travail et par des professionnels. J'ai beaucoup voyagé,
remis toutes mes connaissances à plat. Je me suis inscrit à la coupe Georges Baptiste,
catégorie professionnels, l'autre concours de salle. J'ai aussi utilisé des méthodes de
travail personnelles, j'ai une cassette qui passe en boucle dans ma voiture avec tous les
termes culinaires en anglais d'un côté, tous les termes en espagnol de l'autre. Pour les
techniques, j'ai demandé à tous les anciens, j'ai ensuite choisi une technique puis ai
essayé de me l'approprier en la réalisant de plus en plus vite. J'ai fait des dizaines
de canards, de homards, de fruits...
L. Anastassion
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L'Hôtellerie Restauration n° 2848 Hebdo 20 novembre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE