du 05 août 2004 |
RESTAURATION |
En poste hors des frontières
Les ambassadeurs de la gastronomie française"Malheureusement, toute mon âme était en France", se plaignait Antonin Carême alors que le prince dAngleterre réclamait ses services à la cour. Heureusement pour la gastronomie française, cette maladie du pays ne touche pas nos chefs partis travailler à létranger, où ils deviennent ambassadeurs de notre patrimoine culinaire. Roland Villard, chef exécutif au Sofitel de Rio de Janeiro, et Serge Labrosse, chef au Buffet de la Gare des Eaux-Vives à Genève, témoignent de leurs choix.
Propos recueillis par K. Kulawick
Roland Villard, chef exécutif au Sofitel de Rio de Janeiro. |
Roland Villard
"Etre volontaire, optimiste, courageux, joyeux, dynamique, accepter la
différence et aimer la vie !"
Après un CAP cuisine à Beauvais, 8 années à Paris entre la Maison du Danemark, le Celadon Hotel Westminster et Le Pré Catelan, qui lui a permis de rentrer dans le groupe Accor, Roland Villard part en Afrique en 1986. Durant 5 ans, il est en poste au restaurant et au catering de laéroport dAbidjan, en Côte dIvoire. De retour en France en 1991, il travaille au Sofitel de Bordeaux pendant 2 ans avant de retourner 4 ans au Sofitel dAbidjan. Depuis 1997, il a le rôle de chef exécutif au Sofitel de Rio de Janeiro, et depuis avril 2002 celui de corporate chef de la marque Sofitel au Brésil.
LHôtellerie : Pourquoi êtes-vous parti travailler à létranger ?
Roland Villard : Cétait un désir de voyager, de découvrir dautres horizons, dautres produits, et de vivre une expérience différente tant professionnelle que familiale .
LHôtellerie : Que gardez-vous de ces expériences ?
Roland Villard : Professionnellement, cela a été très enrichissant. On doit apprendre à sadapter à la culture, aux coutumes, aux produits et aux intempéries. Savoir travailler avec des personnes de différentes religions, de niveau social différent. Jai appris la patience, la tolérance, lécoute des autres, à ne jamais sous-estimer les professionnels que je pouvais rencontrer en cuisine, et à ne pas avoir didées préconçues. La cuisine na pas de frontières : plus on voyage, plus on saperçoit que lon sait peu de choses et plus on en a à apprendre de chaque personne que lon rencontre, de chaque pays que lon traverse. Côté familial, jai eu 3 enfants, tous nés en Afrique, dans des conditions particulièrement agréables.
LHôtellerie : Quels sont les avantages et les inconvénients de lexpatrié ?
Roland Villard : Les avantages ? Les voyages, les découvertes, le dépaysement, gérer de grosses équipes - puisquen général tout est fait sur place, pain, viennoiserie, pâtisserie, confiserie, charcuterie, etc. -, les conditions de vie, le salaire dexpatrié, la reconnaissance du métier, la valorisation du chef dans la société, ainsi que lambiance de travail. Concernant les inconvénients, ma femme vous dira que je passe beaucoup plus de temps au travail, en moyenne 13 heures par jour et 6 jours par semaine... et léloignement de la famille.
LHôtellerie : Quest ce qui vous plaît, là-dedans ?
Roland Villard : La formation, ce sentiment dapporter nos connaissances, dêtre écouté et de ne jamais faire la même chose, de construire une équipe fidèle et den voir lévolution (le turn-over est très faible en Afrique et au Brésil), de travailler avec du personnel qui a le sens du devoir, responsable, passionné et exigeant. Et le sentiment de transmettre une passion.
LHôtellerie : Vous parlez de "formateur, ambassadeur" du savoir-vivre à la française, quest-ce que cela signifie pour vous ?
Roland Villard : En tant que cuisiniers français, nous avons une image très favorable lorsquon arrive dans un pays. Encore faut-il prouver par la suite que nous sommes capables et que nous sommes à la hauteur de cette réputation. Mais il ne faut surtout pas oublier quil ny a pas que la partie technique : il y a aussi le comportement de lindividu, limage, le modèle que lon représente, être juste, loyal, savoir transmettre sa passion sans froisser les susceptibilités des autres. La France représente beaucoup de choses à létranger, et ce nest pas toujours facile den être un des représentants.
LHôtellerie : Avez-vous limpression davoir apporté un peu de culture française dans les pays où vous avez travaillé ?
Roland Villard : Nous avons surtout apporté une technique de cuisine française qui sadapte partout et avec nimporte quels produits, mais je nai surtout pas la prétention davoir changé quoi que ce soit dans leur manière de vivre. Jirai plus loin : jai beaucoup appris avec et grâce à eux.
LHôtellerie : Est-ce que le fait de vivre une success story à létranger vous a traversé lesprit avant de partir ?
Roland Villard : Revenons sur terre, ce nest pas une success story et je ne suis bien entendu pas parti dans cet esprit-là. Pour moi, cest tout simplement le résultat dun travail régulier, intense, sérieux, fait de rencontres et dopportunités.
LHôtellerie : Quels sont les conseils que vous donneriez à un jeune chef qui voudrait partir à létranger aujourdhui ?
Roland Villard : Ne pas partir trop jeune, avoir 10 ans de métier minimum, avoir de lexpérience en tant que cuisinier dans différents domaines (pâtisserie, boulangerie, boucherie ), ne pas oublier que nous avons un rôle de formateur. Il faut une grande ouverture desprit, sadapter à toute situation, être volontaire, optimiste, courageux, joyeux, dynamique, accepter la différence et aimer la vie !
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L'Hôtellerie Restauration n° 2884 Hebdo 5 août 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE