Dans les années 2000* Nous ne mangerons pas de pilules comme l'avaient prédit trente ans auparavant,
certains chercheurs, sociologues, industriels... |
N'allez pas imaginer que dans ces pages nous allons vous révéler les nouveaux
produits qui sortiront dans les jours, voire les mois ou les années qui viennent. Une
chose est certaine : en raison de la crise que nous traversons à l'heure actuelle, les
industriels innovent moins. «Depuis 1994, commente Brigitte Aznar, secrétaire
générale du Geco, l'innovation semble s'être rationnalisée au profit du
conditionnement et du service, signe d'une maturité plus forte du marché et d'une
meilleure connaissance par les industriels des besoins des professionnels des différents
métiers de la restauration hors foyer.» Brigitte Aznar tire cette conclusion d'une
étude des 163 nouveaux produits RHF présentés à l'occasion du SIAL 96. Les principales
tendances de ces innovations sont la valeur d'usage, la qualité gustative, l'aspect
maison/la présentation soignée. Viennent ensuite la diététique/la santé, l'exotisme,
la nature, le plaisir. *
Notons aussi que les nouveaux produits RHF du Sial 96, concernaient surtout la famille des
ovoproduits, fromages, produits laitiers, crèmes glacées (19%) puis celle des nouvelles
entrées froides ou chaudes (18%), et que 55% de ces produits étaient prêts à l'emploi.
Par ailleurs, les produits réfrigérés (35%) et longue conservation (30%) l'emportent
sur les produits surgelés (22%).
Les industriels agro-alimentaires chercheront de plus en plus à améliorer la
valeur d'usage, la qualité gustative tout en baissant les coûts de leurs produits.
Ainsi, Nestlé a suivi ces trois tendances pour sa gamme
Chef de Nestlé : goûts plus francs, coût optimisé et pour les boîtes : ouverture
facile, couvercle étanche, étiquetage plus clair et plus lisible.
«Ces tendances ne doivent pas faire oublier la pression sur les prix menée par les acheteurs des cuisines centrales et des sociétés de restauration. Ces derniers négocient les prix comme le font les GMS», souligne Brigitte Aznar. Cette pression est surtout très forte pour la restauration scolaire. Résultats, les industriels pour obtenir des prix bas, pour emporter le marché fabriquent des produits économiques, voire dégradés. Ces produits destinés aux enfants perdent en valeur nutritionnelle. La Commission Nationale de l'Alimentation (CNA) s'est saisie du dossier et remettra prochainement un rapport visant à stopper cette dérive nutritionnelle. Vraisemblablement, les sociétés de restauration devront assurer dans les repas servis des pourcentages minimaux de protéines, glucides, calcium, fer...
En dehors de ce cas extrême,
le distributeurs et les industriels doivent cependant, pour certains produits, revoir
leurs prix à la baisse. Crise et concurrence obligent ! Alors pour rationnaliser leurs
coûts et prendre des parts de marché, les sociétés fusionnent. Ainsi le groupe Danone
-le premier groupe agro-alimentaire français- avec un CA 1995 de 79,4 milliards de francs
compte une quarantaine de marques, Eridania Beghin Say -le second- avec un CA de 50,9
milliards de F réunit au moins 28 marques... Pour baisser leurs coûts, certains
industriels cherchent à reformuler leurs produits en utilisant de nouvelles matières
premières, de nouvelles technologies..., sans pour autant baisser la qualité. Ainsi
début 96, les prix de la gamme Chef de Nestlé ont baissé de l'ordre de 10 à 25%.
Certains distributeurs comme Prodirest ou certains cash & carry comme Promocash et
Métro ont déjà adopté une politique de marque de distributeur (MDD). Les produits MDD
sont moins chers que les produits de la marque leader, la différence de prix peut
atteindre 10 à 15%. Cette politique fait réagir les industriels leaders qui se demandent
s'ils vont prendre ou non ce marché. Quelle place ces marques distributeurs vont-elles
occuper ?
Les marques distributeurs se développeront.
Les chaînes de restauration, d'hôtels, de cafétérias représentent 20% en CA du marché de la restauration commerciale. Il est important pour ces chaînes de ne pas servir les mêmes produits que leurs voisines. Elles se tournent donc de plus en plus vers les industriels qui ont la possibilité de leur produire du «sur mesure». Là, ce ne sont pas les grands groupes industriels qui peuvent répondre à ces demandes pour des raisons de rentabilité. Cette stratégie de «niches» est plutôt adoptée par des PME qui fabriquent des plats cuisinés, des brochettes, des sauces, des charcuteries... Ainsi, France Compagnie Gourmande, société créée depuis moins d'un an, s'est fortement orientée vers cette activité de produits «à façon». Elle a d'ailleurs choisi comme slogan commercial : «Avec France Compagnie Gourmande, cultivez la différence !».
Souple et réactive, une entreprise qui annonce aussi sa volonté de travail
«à façon» mettant ses atouts au service de vos différences.
Que tous les cuisiniers qui se lamentent de ne plus trouver de bons légumes, de bonnes viandes, que tous ceux qui recherchent la variété et le naturel se rassurent. Philippe Vasseur, ministre de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, a présenté le 12 février 97, une nouvelle loi d'orientation pour l'Agriculture, l'Alimentation et la Forêt. La dernière loi d'orientation de l'Agriculture datait de 1962, elle préconisait le productivisme. Les agriculteurs devaient produire au maximum pour nourrir les Français et exporter. Conséquences, il y 30 ans, un paysan nourrissait huit personnes, maintenant il en nourrit trente. 900.000 fermes ont disparu, les agriculteurs vivent dans une certaine précarité, les aliments ont perdu toute leur saveur et, de plus, certains sont devenus dangereux pour la santé : la vache est «folle», les légumes pleins de nitrates, les viandes bourrées d'antibiotiques... A partir de maintenant, tout devrait changer. Philippe Vasseur a pour ambition de faire de la France : «La référence mondiale en matière de qualité alimentaire, aussi bien pour ses entreprises que pour ses produits qu'il s'agisse en priorité de la qualité sanitaire ou des produits de qualité ou de terroir.»
Pour valoriser et pour protéger ses produits, la France dispose déjà de garanties officielles : le Label Rouge, le label régional, l'AOC, la Certification de conformité, l'AB (Agriculture biologique). Il est vrai que tous ces signes sont bien difficiles à comprendre pour les consommateurs. La loi d'orientation agricole prévoit d'en améliorer la lisibilité. Administrativement, cela passerait par la disparition de l'INAO (Institut National des Appellations d'Origine) pour faire place à un «Institut de la Qualité et des Appellations d'Origine» qui délivrerait deux brevets de bonne conduite facilement identifiables : le Label Rouge pour la qualité supérieure et une Certification de provenance géographique. Cette démarche s'inscrit également dans la perspective d'une visibilité renforcée pour les produits du terroir au niveau de l'Europe. Enfin, avec la signature «Qualité France», Philippe Vasseur espère freiner les importations, donc reconquérir le marché intérieur sans contrevenir aux règles commerciales du libre-échange. Néanmoins, cela n'empêchera pas les OGM** américains, ce soja et ce maïs génétiquement modifiés, d'envahir notre pays. On ne sait pas s'ils sont dangereux pour notre santé, mais ils sont moins chers. Combien d'industriels ou d'agriculteurs prendront le risque de laisser de côté ces produits qui leur permettront de baisser leurs coûts de production, donc de rester compétitifs ?
*MDD : Marque de Distributeur.
**OGM : Organismes génétiquement modifiés.
Deux signes officiels de qualité seront retenus : le Label Rouge et la
Certification de provenance géographique.
L'HÔTELLERIE n° 2500 Hebdo 6 Mars 1997