L'Hôtellerie :
Depuis 1992, les professionnels du tourisme ne savent plus où donner de la tête. Ils
sont confrontés à une clientèle qu'ils ne parviennent plus à comprendre. Quel est
votre sentiment face à ces nouveaux comportements
touristiques ?
Hugues Parant, directeur du Tourisme :
«Il est indiscutable aujourd'hui que le touriste n'agit plus comme par le passé. Le
consommateur est en effet plus averti, donc plus exigeant, mais aussi plus informé donc
plus vigilant. Reste qu'en fait, toutes ces évolutions existaient préalablement à 1992.
En réalité, la crise économique n'a pas provoqué ces changements d'attitude. Elle n'a
fait que révéler des tendances lourdes apparues dès le milieu des années 80. Dans ces
conditions, on peut tout à fait supposer que ces évolutions traduisent des changements
structurels profonds et sans aucun doute durables.»
L'Hôtellerie :
Parmi ces nouvelles tendances de la consommation touristique, quelles sont celles,
selon vous, qui devraient avoir une profonde influence sur l'offre dans les années à
venir ?
H.P. :
«Compte tenu des nouvelles attitudes qui imprègnent les comportements de consommation
touristique, je crois que se dessinent maintenant trois typologies spécifiques de client
: le «consumériste», le «zappeur» et le «cocooner».
Contrairement à ce qui prévalait au cours des années antérieures, le client est
aujourd'hui un touriste averti. Fort de ses expériences du voyage, il est exigeant sur la
qualité des prestations qui lui sont offertes et n'hésite pas à mettre en concurrence
les différents prestataires. En fait le «consumériste» est un client qui utilise son
pouvoir de consommateur face au large éventail de choix qui s'offre à lui. Ce dernier
estime avoir en effet des droits, et notamment le droit au service, quel que soit le
tarif. Résultat : il négocie de plus en plus recherchant avant tout un bon rapport
qualité/prix. A noter que pour ce type de client, l'accueil est un service minimum. Le
«zappeur» est un individu lui aussi rodé à la pratique des voyages. Toutefois, il
entend multiplier les «expériences» touristiques de toutes sortes et passe d'une
prestation à une autre sans encombre. Il est insaisissable glissant d'un niveau de
prestation à un autre ! Il ne sera pas rare ainsi de le rencontrer le week-end en couple
dans un Relais & Châteaux et durant ses vacances dans un gîte rural avec toute sa
petite famille. Le «zapping» ne signifie pas cependant réellement instabilité. Il est
tout bonnement la manifestation d'un éclectisme grandissant des personnes qui vivent leur
existence en adulte responsable. En clair, ce type de client ne trouve guère agréable
l'imposition des menus, de la demi-pension...
Quant au «cocooner», il a besoin d'être sécurisé tant sur le plan du confort que sur
le plan psychologique. Craignant pour son avenir, le «cocooner» se replie sur certaines
valeurs susceptibles de lui procurer réconfort affectif et confort matériel. Il
apprécie la restauration du terroir, la convivialité et l'authenticité.»
L'Hôtellerie :
Face à ces nouvelles typo-logies de clientèle, quels seraient vos conseils à
l'égard des professionnels du secteur CHR ?
H.P. :
«Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens tout d'abord à préciser que
l'hôtellerie indépendante a toutes les chances de réussir dans l'avenir. D'autant
qu'elle reste l'hébergement préféré des Français. Une condition demeure néanmoins
incontournable pour connaître encore de beaux jours : répondre aux besoins du client en
valorisant sa spécificité et cesser de se battre contre les chaînes sur un même
terrain.
Je crois donc que les professionnels doivent sans tarder s'adapter à cette ère nouvelle
de négociation dans laquelle nous évoluons actuellement. Ils doivent à cet effet
s'organiser pour rééquilibrer le rapport de force avec le client. En d'autres termes,
afin d'éviter les phénomènes que l'on a observés dernièrement, du type ventes de
dernière minute, prix cassés..., les hôteliers comme les restaurateurs doivent
anticiper sur la négociation du prix d'une prestation. Comment ? En donnant à leur
personnel la possibilité de négocier les tarifs. Autrement dit, en recourant à la
méthode du Yield management ou bien encore à celle du Pricing.
Par ailleurs, il serait également sage que chacun mette tout en oeuvre pour mieux
informer sa clientèle. Reste qu'en la matière, les professionnels doivent réellement
s'engager à tenir leur promesse. Le touriste est en effet prêt à dépenser certaines
sommes à la condition, bien entendu, d'en avoir pour son argent. Il y a donc une
nécessité de sécuriser les consommateurs sur le prix en leur garantissant une qualité
de prestation. D'où l'utilité d'une politique de classements, labels et autres marques.
Autre point à ne pas négliger : les chefs d'entreprises des CHR doivent comprendre que
leur valeur ajoutée commune, quelque soit le prix qu'accepte de débourser le client,
reste la partie du service qui ne coûte rien. C'est-à-dire l'accueil, la gentillesse, le
sourire et bien entendu la disponibilité.
L'Hôtellerie :
Et qu'en est-il de la prestation en elle-même ?
H.P. :
«Si autrefois les vacances étaient une récompense, elles sont aujourd'hui une sorte de
parenthèse nécessaire à une vie professionnelle stressante. Tout le monde éprouve en
effet dorénavant le besoin de s'évader. Dans ce contexte, les hôtels et les restaurants
doivent devenir une occasion, certes de repos, mais aussi de développement personnel.
Cela signifie concrètement que le touriste veut vivre de véritables expériences
(culturelles, sportives...). Il souhaite donc avoir différentes propositions pour
effectuer son choix. Tous les professionnels qui peuvent diversifier leur offre en
utilisant des prestations annexes doivent donc le faire, et ce, chez les hôteliers (loi
du 13 juillet 92) comme chez les restaurateurs (produits agro-alimentaires) et les
cafetiers (participation par exemple à la campagne Bonjour).
Enfin, comme on retrouve dans les comportements des vacanciers la plupart des grandes
tendances qui marquent aujourd'hui notre société, il faut aussi que l'image de
l'hôtellerie, du restaurant ou bien du café se bâtisse autour des valeurs perdues. On
doit en somme recréer un espace temps qui n'existe plus dans le monde urbain. Le monde
des vacances doit être pareil à une «bulle» où il fait bon vivre car sans souci. La
facilité de réservation, la fiabilité des prestations, les attentions particulières
portées aux clients compteront de plus en plus.
Hugues Parant, directeur du Tourisme : «Les chefs d'entreprises des CHR doivent
comprendre que leur valeur ajoutée commune, quel que soit le prix
qu'accepte de débourser le client, reste la partie du service qui ne coûte rien.
C'est-à-dire l'accueil, la gentillesse, le sourire et bien entendu la disponibilité.»
Les comportements touristiques des Français à l'approche de l'an 2000 | ||||||||||||||||||||||||||||||
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Evolution de la consommation touristique depuis 15 ans | ||||||||||||||||||||||||||||||
En milliards de francs | ||||||||||||||||||||||||||||||
1980 | 1981 | 1982 | 1983 | 1984 | 1985 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | 1991 | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | |||||||||||||||
202,7 | 230,8 | 269 | 302,9 | 327,7 | 349 | 355,1 | 380 | 410 | 449,7 | 468,5 | 493,5 | 522 | 527,8 | 553,6 | 569,9 | |||||||||||||||
Source : Compte du tourisme, Direction du tourisme | ||||||||||||||||||||||||||||||
L'HÔTELLERIE n° 2500 Hebdo 6 Mars 1997