Dans un cadre chaleureux aux couleurs rouge et ocre entièrement réalisé par
les fondateurs, "dame Jeanne" dispose d'une cinquantaine de places pour
accueillir sa clientèle.
Inauguré en juillet dernier, «dame Jeanne» a profité de l'accalmie parisienne du mois d'août pour s'installer et accueillir les clients dans un cadre chaleureux. Situé près de la Bastille, cette adresse fut rapidement envahie. Trois mois plus tard, le restaurant, d'une capacité de 50 couverts, affiche complet tous les soirs et se trouve même parfois dans l'obligation de refuser du monde ! Un succès qui ne se dément pas puisque six mois après, l'activité de dame Jeanne est toujours en hausse. Un succès dû à divers critères pris en compte dès le départ par les deux créateurs aux profils très complémentaires et qui ont su adapté leur démarche en intégrant le contexte économique actuel. Un investissement faible aux alentours des 500.000 francs, autofinancés sans aucun emprunt bancaire, une offre produit de qualité, sélectionnée par le chef Francis Lévêque qui a passé neuf ans chez Jean-Pierre Vigato (Apicius), un prix moyen très abordable inférieur à 200 francs sans les vins, avec des menus à 110, 128 et 168 francs. Il fallait oser, ils l'ont fait.
A propos de Jeanne
Le projet de monter une affaire, Francis Lévêque et Gérard Bellouard l'envisageaient depuis quelque temps, mais chacun de leur côté. C'est leur rencontre qui a donné le coup d'envoi. En effet, chez Apicius depuis neuf ans, Francis Lévêque y avait réfléchi sans pour autant se précipiter. Quant à Gérard Bellouard, il avait toujours imaginé pouvoir ouvrir un jour son propre restaurant. Ingénieur de formation et après avoir travaillé quinze ans dans l'industrie, il s'est donc converti au métier de restaurateur, mais conscient des difficultés du secteur, il souhaitait s'associer à un professionnel de la cuisine avec lequel il aurait partagé les mêmes objectifs en termes de perception culinaire. Ainsi, dans sa démarche, Gérard Bellouard rencontre Anne Bruneau qui tient La Librairie des Gourmets à Paris et qui lui fait part de plusieurs personnes dont Francis Lévêque. Se rendant compte très vite qu'ils avaient la même approche de la restauration, ils s'associent et créent une SARL qui donne naissance à «dame Jeanne». A ce propos, pourquoi avoir choisi «dame Jeanne» ? Comme l'explique Gérard Bellouard, plusieurs facteurs ont joué quant au choix du nom du restaurant. Tout d'abord, les associés souhaitaient baptiser leur établissement d'un prénom féminin ancien, en l'occurrence Jeanne. «Le nom dame y fut accolé car les bonbonnes tressées qui décorent le restaurant, s'appelaient des «dame Jeanne» dans le Sud-Ouest de la France, explique Gérard Bellouard. L'amalgame nous a plu, alors nous n'avons pas hésité, d'autant plus quand nous avons appris qu'avant la révolution, le site sur lequel se trouve l'Hôpital Saint-Antoine, situé à proximité de notre localisation, avait été occupé par une abbaye, fondée par une abbesse répondant au nom de Jeanne.» Une belle concordance !
Investir à moindre frais
Avant d'ouvrir leur restaurant, Gérard Bellouard et Francis Lévêque ont visité plus d'un local. Souhaitant investir au minimum, ils ont mis toutes les armes de leur côté pour réussir à maintenir leurs objectifs. Ils ont repris un établissement en liquidation judiciaire avec un droit au bail moyennant un investissement bien inférieur comparativement à la reprise d'un fonds de commerce. Concernant la rénovation et la décoration de l'espace, les deux fondateurs ont principalement refait l'ensemble eux-mêmes, hormis la cuisine qui a dû être remise en état et aux normes actuelles d'hygiène et de sécurité. Le mobilier de la cuisine et de la salle, à l'exception des sièges, a été acheté d'occasion. Au total, l'investissement s'est élevé à 500.000 francs, dont 100.000 francs consacrés à la cuisine. Un montant entièrement autofinancé par la société créée à cet effet. «Nous sommes conscients d'avoir eu de la chance de pouvoir autofinancer notre projet, cela nous permet de démarrer notre activité sans aucune dette, remarque Gérard Bellouard. Cependant, je tiens à préciser qu'il est possible aujourd'hui de s'installer à son compte à moindres frais ; cela demande bien évidemment de la «dé-brouille», mais c'est réalisable. De ce fait, l'activité de dame Jeanne devrait être bénéficiaire dès la première année. Nous avons atteint notre seuil de rentabilité au bout de trois mois.»
Notion de rapport qualité/prix
Si «dame Jeanne» se porte bien aujourd'hui, c'est également grâce à la démarche menée par ses fondateurs qui consiste à n'obéir qu'à une seule règle : le rapport qualité/prix. La cuisine de Francis Lévêque fait appel à des produits frais de saison. C'est une cuisine semi-gastronomique. Il la qualifie lui-même de «cuisine classique revue et corrigée» car il aime autant les plats à l'ancienne qu'il a appris à cuisiner chez Michel Lorrain à Joigny où il a suivi son apprentissage que les nouvelles saveurs, telles des recettes à base d'herbes ou d'épices, découvertes chez son second maître, Jean-Pierre Vigato. Créatif dans l'âme, il n'hésite pas à renouveler fréquemment son menu-carte dont le prix s'élève à 128 francs pour deux plats et 168 francs pour trois. Par contre, les plus fortes ventes comme la poitrine de veau farcie aux herbes ou le croustillant de pied de porc, accompagné de chèvre rôti, ne sont pas prêtes de disparaître, «à moins que la demande ne diminue, précise-t-il. Notre plus grande satisfaction passe avant tout par celle du client.» Ainsi, pour répondre à une demande plus exhaustive, «dame Jeanne» propose également un «menu légumes et fruits de saison» à 110 F (minestrone de coquil-lages, chou farci et ananas rôti, glace vanille). «Celui-ci représente 10 à 15% des ventes du restaurant, souligne Gérard Bellouard. C'est une bonne alternative au menu-carte pour les gens du quartier qui viennent souvent et, par ailleurs, il plaît à un certain type de clientèle soucieuse de l'équilibre de son alimentation».
Depuis sept mois d'activité, la formule «dame Jeanne» semble avoir conquis la scène parisienne qui s'y donne désormais rendez-vous aussi bien le soir qu'à midi. Elle est accueillie par Gérard Bellouard et son équipe (trois personnes). En cuisine, le chef dispose de trois aides et d'un apprenti. «dame Jeanne» a bien l'intention de continuer à séduire sa clientèle en étant à l'écoute de ses attentes. Si l'activité se maintient et se développe, les créateurs de «dame Jeanne» nous réservent d'autres surprises... Mais, il est encore un peu tôt pour en parler ! *
dame Jeanne
60, rue de Charonne
75011 Paris
Tél. : 01.47.00.37.40.
Fax : 01.47.00.37.45.
Francis Lévêque et Gérard Bellouard ont lancé «dame Jeanne» l'été
dernier. Trois mois plus tard, le restaurant a atteint son seuil de rentabilité et
l'activité de la première année devrait être bénéficiaire.
Ils ont repris un établissement en liquidation judiciaire avec un droit au
bail moyennant un investissement bien inférieur comparativement à la reprise d'un fonds
de commerce : 500.000 F.
Les points clés de la réussite de «dame Jeanne»* Rachat d'un local en liquidation judiciaire |
L'HÔTELLERIE n° 2551 Magazine 5 Mars 1998