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LICENCE IV
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Table ronde

Ces cafés qui ouvrent

A l'occasion des Salons café, bar, tabac et restaurant brasserie qui se sont déroulés à Paris, porte de Versailles, fin mars, votre journal, L'Hôtellerie vous proposait d'assister à un débat portant sur les nouveaux établissements. Cette table ronde allait également aborder les contraintes administratives rencontrées aujourd'hui par les exploitants. L'essentiel à retenir.

Débat animé par Sylvie Soubes

Les intervenants

* Cathia Gomard, établissement Ubi Bene, à Boulogne-Billancourt.
* Rémy Guilbert, établissement
Le Restaurant du Marché, à Paris.

* Philippe Beucher, professeur d'anglais en région parisienne, un consommateur type.
* Eric D'Hem des Brasseries Stella Artois
* Pascale Carbillet, journaliste juridique, journal L'Hôtellerie.

Des exemples de créations

Cathia Gomard
- Nous avons ouvert en septembre 1997. C'est une affaire familiale, tenue entre soeurs et frère et beau-frère. Le décor est d'inspiration latino-américain avec des murs patinés, des tables de bois, des couleurs chaudes de terre et de soleil. Notre objectif, c'est de faire à la fois restauration et bar. Nous avons 54 places, l'atmosphère est assez intimiste et offre un dépaysement total. La cuisine, quant à elle, est vraiment originale puisque nous déclinons des plats franco-thaïlandais. Nous marions saveurs exotiques et françaises, nous innovons, nous créons aussi des recettes. Pour ajouter à l'ambiance, nous servons le café dans de petits verres et ça plaît. Il y a plein de détails de service, comme ça, un peu amusant. Nous avons une clientèle de bureau, des grandes sociétés à midi et le soir, la clientèle de Boulogne commence à nous découvrir. Nous avons démarré sans publicité derrière, sans démarche marketing particulière. L'accueil joue aussi un rôle important. Il faut que ce soit chaleureux, naturel, il faut mettre les clients à l'aise, comme s'ils arrivaient chez eux. Malheureusement, la partie bar du soir n'est pas encore développée. Nous sommes à la recherche d'une licence IV. Ce n'est pas toujours facile mais j'y crois.


"Notre objectif est de faire à la fois restaurant et bar", explique Cathia Gomard.

Rémy Guilbert
- J'ai ouvert ce restaurant en association avec Smaïn le comédien. Cela amène un peu le monde de la presse et du show-bizz tard le soir. L'été, on marche énormément avec la terrasse. L'hiver, on fait jusqu'à 120 couverts et l'été jusqu'à 180 par jour. Actuellement, Smaïn et moi montons une grosse affaire rue Oberkampf, toujours à Paris. Cette rue est en train d'exploser. Ce sera le Mila Café, l'ami en verlan. Un endroit où on pourra jouer aux tarots, aux échecs, un peu un endroit où les parisiens vont pouvoir se retrouver comme dans un café provincial. Le décor ? style "destroy", c'est-à-dire ce qu'il y a dans la rue et la nuit. Avec un grand bar et une restauration aux accents provençaux, de la musique, des écrans de TV. Nous voulons ouvrir le premier jour de la Coupe du Monde de Football et Smaïn sera présent.


Rémy Guilbert : vers un deuxième établissement toujours en association avec Smaïn.

Eric D'Hem
- Les trois concepts actuellement développés en France par Stella Artois portent en eux le rêve, le dépaysement, la recherche de convivialité. Ce sont, pour les professionnels, le moyen de reconstituer chez eux un peu de l'Angleterre, de l'Amérique. Des formules qui donnent une identité et une authenticité au cadre. C'est à travers ça qu'on fidélise, qu'on attire de nouveaux consommateurs, les gens à la recherche de chaleur et de convivialité.


Eric D'Hem rappelle l'intérêt des nouveaux concepts Stella Artois.

Est-ce vraiment difficile d'ouvrir un établissement ?

Pascale Carbillet
- Pour ouvrir un café, il faut impérativement se procurer une licence IV. Il n'y a pas trop de problèmes quand vous reprenez un établissement existant mais si vous reprenez un restaurant et que vous le transformiez en café ou que vous l'étendiez à cette activité, le problème de la licence va se poser. Il faut rappeler qu'on ne peut pas transférer des licences IV n'importe où. Il est très important de suivre la législation. Qui s'occupe des licences IV ? Ce sont les douanes. Si vous voulez acquérir une licence IV, il faut savoir qu'on n'en délivre plus de nouvelles, il faut donc attendre un changement dans une affaire déjà existante pour vous en procurer : une licence IV est un titre de l'administration qui vous donne le droit de vendre toutes les boissons alcoolisées (autorisées en France). Sachant que les licences sont classées en 4 grandes catégories et que chaque catégorie vous permet de vendre certains types de boissons. Pour vendre un Pastis, il faut impérativement être détenteur d'une licence IV, une licence III ne suffit pas. L'autre problème, c'est bien sûr le financement. Même si vous avez d'excellentes idées, qui, selon vous, vont marcher, les banques se montrent de plus en plus sceptiques. Le secteur, pour elles, est désormais considéré à risque. Ce qui revient au goût du jour, ce sont les contrats de brasseurs. C'était un peu tombé en désuétude. Le principe est le suivant : un brasseur, un fournisseur, vous prête de l'argent en contre-partie de fournitures exclusives pour certains produits et pendant un nombre donné d'années. Ce système, on s'en doute, a des avantages et des inconvénients. Mais il est certain, à l'heure actuelle, que ça peut permettre de débloquer des situations.


"Ce qui revient au goût du jour, ce sont les contrats de brasseurs", souligne Pascale Carbillet.

Combien de temps met-on pour ouvrir un café ?

Rémy Guilbert
- Pour la première affaire, ça s'est passé très vite. Nous avons eu la chance d'obtenir les crédits tout de suite parce que c'était une affaire bien placée, avec un petit chiffre d'affaires. Quant à notre nouvelle affaire, nous avons acheté les murs. C'est une création à 100%, c'est beaucoup plus difficile. On a fait un bilan prévisionnel mais on ne sait pas où on va. Evidemment, nous som-mes dans une rue bien placée, mais on ne sait pas si nous ferons 60 ou 100 couverts. Nous ne pouvons pas prévoir. Dans l'affaire actuelle, même si les banques s'étaient dit qu'on serait moins bons que les précédents, qu'on allait faire 20 à 30% de moins, elles pouvaient toujours nous prêter 30 à 40% de l'affaire.

Cathia Gomard
- A l'emplacement où nous sommes, il y avait une pizzeria qui a fait faillite. Notre établissement a donc été considéré comme une création et nous avons été obligés de faire un prévisionnel. Et un prévisionnel, c'est un allignement de chiffres... En fait, pour nous, ça a été un véritable parcours du combattant. Comme c'est nous qui avons fait les travaux de décoration, en revanche, nous avons gagné du temps. Je dirais qu'il y a eu deux mois d'installation, mais la recherche de l'établissement, le thème choisi ont pris beaucoup plus de temps. Nous ne voulions pas nous précipiter. Ça a donc duré un an et demi. Aujourd'hui, quand on veut ouvrir une affaire, je voudrais souligner que le plus pénible, ce sont les formalités administratives. Je crois sincèrement qu'il faudrait les simplifier.

Eric D'Hem
- En ce qui concerne les concepts Stella Artois, le montage d'un projet varie en moyenne de 6 à 9 mois. Les aléas qui peuvent retarder l'avancement d'un projet sont liés à la recherche de la licence IV et aux financements. Tout dépend du temps qu'on se donne pour faire les choses. Maintenant, il y a des projets qui peuvent aller beaucoup plus rapidement. Si c'est un projet de rénovation d'un établissement existant, c'est beaucoup plus rapide étant donné qu'une partie des formalités est déjà résolue d'entrée.

Pour quel montage juridique opter ?

Cathia Gomard
- Nous avons opté, en ce qui concerne l'Ubi Bene, pour une SARL, un des meilleurs statuts selon moi. Ce qu'il faut, c'est au départ les 50.000 F de bloqués. Après, vous les récupérez dès que le compte est ouvert. Ensuite, il vous faut des statuts. Soit vous les constituez vous-même, mais c'est compliqué, soit vous vous adressez à un avocat qui les établit pour environ 6.000 F, plus les frais, ce qui coûte en tout autour de 10.000 F. Mais après, c'est beaucoup plus simple pour aborder les salaires, les charges salariales, etc. Vous savez par exemple que pour faire fonctionner votre affaire il faudra que les charges correspondent à un pourcentage déterminé du chiffre d'affaires.

Qu'est-ce qui attire dans un établissement ?

Philippe Beucher
- J'aime bien, c'est vrai, marcher à la découverte des villes et des cafés. Sachant que j'ai une prédilection pour les atmosphères anglo-saxonnes. Il y a deux établissements que j'ai découvert récemment à Paris dans cet esprit. Le Car's, qui se trouve près de la rue de Rivoli, rue d'Alger et qui offre une ambiance typiquement irlandaise avec un personnel anglophone, une atmosphère calquée sur celles qui existent outre-Manche. J'en ai découvert un autre dans le même esprit, le Frog and Roastbeef (on nous surnomme les froggies, ce qui veut dire les petites grenouilles. Et nous, généralement nous appellons les Britanniques des rosbif). Là encore avec un personnel anglophone et on peut commander en anglais, ce qui, après tout, n'est pas de trop quand on veut jouer à fond l'ambiance du pays. Cet établissement élabore ses propres bières : blonde, brune, ambrée, une autre de type Ale. J'aime aller vers ce genre d'établissements parce qu'ils ont une forte personnalité et que j'y retrouve des ambiances que j'aime. J'ai aussi eu l'occasion d'habiter Lille. Quand on arrive là-bas, dans le milieu des profs qui est le mien, on vous parle tout de suite des Brasseurs. C'est un établissement qui se tient à proximité de la gare Flandres, avec une ambiance puisée dans les Flandres, de jolis alambics bien astiqués, des murs peints à la manière des anciennes brasseries, telles qu'on les imagine. L'établissement propose trois bières, les serveurs sont aimables, détendus, dans l'esprit du Nord. Quelque chose qui, en revanche, m'a beaucoup déçu, c'est le café Jeanlain, dans le centre de Lille. L'extérieur est attractif mais à l'intérieur, le décor ne correspond pas du tout à ce qu'on attend. C'est du tex-mex, avec des murs de couleurs claires, des meubles de bois en pin, des teintes paste qui ne correspondent pas du tout à l'image de la bière Jeanlain. Bière que j'apprécie pourtant énormément. Voyez-vous, je trouve que le cadre ici dessert la bière et la marque.

 
Ce prof de 28 ans aime les ambiances chaleureuses et anglo-saxonnes.


L'HÔTELLERIE n° 2560 Magazine 7 Mai 1998

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