Quand, en 1976, Gérard Pasquet* décide de transformer les entrepôts de distribution en véritables entreprises locales, il n'imagine sans doute pas qu'il ouvre là un processus de filialisation qui modifiera complètement, vingt ans après, le visage de la distribution en France. «Dans les années qui ont suivi, explique Roger Santa, les entrepositaires indépendants allaient se rapprocher les uns des autres pour des raisons de rentabilité. Il y a eu beaucoup de fusions d'entreprises locales obligées. C'était ça ou mourir». Accentué par la crise économique de la décennie, le mécanisme enclenché allait aboutir, en 1996, à une restructuration totale de la distribution quand France Boissons, filiale du groupe Heineken, passe de 10.000 à 40.000 entrepôts.
Roger Santa nous rappelle l'essentiel de sa politique entreprise depuis le début de
l'année 1998.
Le secteur allait donc être dominé par deux acteurs, dont la croissance externe, sur le marché national, a somme toute, atteint son plafond. Confirmation d'ailleurs de Roger Santa qui parle aujourd'hui de «diversification» et «d'élargissement» du métier.
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Le président de France Boissons nous l'annonçait l'an dernier, c'est dans la qualité du service, dans les rapports avec le client, qu'il concentrerait désormais son énergie. Une volonté qui allait donner le coup d'envoi, en avril dernier, de la première vraie campagne publicitaire grand public en faveur des cafés. Du jamais vu.
«Les cafetiers n'ont pas les moyens d'entreprendre ce type de campagne, c'est à nous de le faire. Pour moi, le patron de café est une figure amicale qui a, dans le monde d'aujourd'hui, une véritable mission sociale. Et nous allons l'aider à poursuivre cette vocation et à la rénover.»
Pendant plus de deux semaines, quatre visuels mettant en scène les Français dans leur
café ont envahi les espaces habituels de communication. Deux hommes discutant au
comptoir, une femme donnant le sein à son enfant, un sportif faisant une pause, des
jeunes femmes au milieu d'une conversation animée... A ces images du quotidien allaient
s'ajouter les principaux résultats de l'enquête France Boissons/
Sofres portant sur l'attachement des Français au bistrot et qui révèle, par exemple,
que 90% des Français se sont rendus dans un café au cours des douze derniers mois, que
89% des femmes vont au café et que 81% des Français déclarent que le bistrot est un bon
moyen de faire une pause. «Ces visuels sont comme un grand cri du coeur, ils
traduisent réellement la vision que les gens ont des cafés.»
Rien à voir avec les discours nostalgiques ou défaitistes dont la profession fait généralement l'objet.
Coût de la campagne ? 12 millions de francs.
Prix d'ami
Partant du constat que le rapport qualité/
prix domine dans l'esprit du client, qu'il faut «séduire les consommateurs, notamment
les jeunes» et qu'il est important de donner au cafetier «les outils pour animer
son établissement», Roger Santa a lancé en mai une deuxième opération d'envergure
destinée cette fois à renouer avec «la tournée du patron». 4.000
établissements sur l'ensemble du territoire ont ainsi baissé de 20% le prix de six
marques parmi les plus vendues : les bières bouteille Heineken, Despérados (33 cl) et
Leffe (25 cl), le Coca-Cola (33 cl), le Perrier (33 cl) et la bouteille de Dagan Celtic
Cider (33 cl). Un sachet de BN 3D's étant, en outre, offert aux consommateurs commandant
ces boissons. «Mais baisser les prix n'est pas suffisant, il faut le faire savoir»
d'où, en parallèle, une deuxième campagne publicitaire grand public annonçant la
promotion et représentant pas moins de 350 pages de publicité dans tous les quotidiens
régionaux, mais aussi dans l'Equipe, Libération, Le Parisien, le Journal du Dimanche et
Le Monde. Sans oublier les traditionnels kits à l'intérieur des lieux de vente,
comprenant, pour l'occasion, affiches, guirlandes, chevalets, tableaux, autocollants, etc.
Toujours plus
«Dans notre démarche, reprend Roger Santa, nous avons décidé de nous attaquer frontalement au prix et à l'accueil, tout en faisant passer le message auprès des Français. La campagne publicitaire d'avril et la promotion de mai ne sont qu'un début. Nous voulons avoir une politique concrète qui agisse dans la durée et je tiens à souligner que nous sommes aidés dans cette voie par les brasseries Heineken, bien sûr, mais aussi par Coca-Cola, Perrier, Pampryl, Fischer et Stella Artois.» Prochaine étape en juillet avec une opération axée cette fois sur l'accueil à l'intérieur des bars. France Boissons va ainsi proposer un kit d'animation en plusieurs langues qui permettra un meilleur accueil des touristes étrangers. 6.000 établissements bénéficieront de cette promotion bienvenue.
«Mon souhait, termine le président de France Boissons, c'est que l'ensemble de la profession nous rejoigne dans notre démarche. Tout le monde est concerné. Le bistrot a de l'avenir. Les consommateurs ont besoin d'un lieu où il fait bon vivre, où ils se sentent bien. Chez eux, les gens regardent la télé, alors que quand ils vont au café, c'est pour parler, communiquer. Donnons au circuit CHR, je le répète, tous les outils dont il a besoin pour répondre à l'attente des consommateurs. Des outils concrets et porteurs.»
*Gérard Pasquet est aujourd'hui président directeur général du groupe Heineken France.
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Quelques chiffres* 5,1 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1997 |
L'HÔTELLERIE n° 2565 Magazine 11 Juin 1998