Le patron de la Comédie est satisfait. Président de la
chambre syndicale départemental, depuis deux ans, président de la branche cafés depuis
beaucoup plus longtemps, Michel Follot se veut l'un des artisans de l'arrêté pris au
printemps dernier par la préfecture de la Côte d'Or. Il a, c'est vrai, bataillé dur
pour obtenir l'harmonisation des horaires de fermeture en fonction de l'activité. Avant
le 28 avril, les discothèques avaient de 3 à 4 heures, mais toujours par dérogation. Il
y avait des horaires d'été, d'hiver et un éventail encore plus large lié au fait
qu'une partie des débitants de boissons revendiquaient certaines activités sans réelle
définition juridique, multipliant les régimes dérogatoires. Bref, un peu de ménage
était nécessaire.
Désormais, tous les cafés, bars, brasseries et restaurants de la Côte d'Or ferment à 2
heures du matin. Les bars ayant une licence spectacle (et accueillant réellement des
spectacles) ont droit à 3 heures, quant aux discothèques, elles doivent éteindre
musique et lumière à 5 heures. Il n'y a plus d'horaires saisonniers et tous les
établissements bénéficient de l'autorisation de nuit -jusqu'au bout de la nuit- pour le
14 juillet, les fêtes de la musique et de fin d'année. Une dérogation possible peut
être accordée jusqu'à 4 heures du matin pour les "débits de boissons à
consommer sur place situés à proximité immédiate" des gares de Dijon, "calculée
sur une distance de 100 mètres à partir de la limite de l'emprise SNCF",
précise l'arrêté. Même possibilité enfin de 4 heures pour les "débits à
consommer sur place et les restaurants recevant les transporteurs routiers à proximité
des aérodromes et des autoroutes". Rendons à César, on constate dans cet
arrêté que les services de la préfecture et de la police ont tenu compte des réalités
commerciales locales. Ce qui n'est pas toujours le cas dans d'autres départements.
Tensions avec les riverains
"C'est un ballon d'oxygène pour le secteur, affirme encore Michel Follot. Le
plus dur, lors des discussions, n'a d'ailleurs pas été de convaincre les pouvoirs
publics de l'intérêt du dossier mais de codifier le bar d'ambiance dans lequel il y
avait tout et n'importe quoi".
Concernant uniquement Dijon, la profession se trouve confrontée à un problème de
terrasse bien spécifique. Tout ce qui touche généralement les licences IV revient à la
préfecture mais les horaires de fermeture des terrasses sont gérés, ici, par la
municipalité. L'heure limite légale déterminée par la mairie est 22 heures. Au-delà,
tous les établissements doivent rentrer sièges, tables et parasols. Dans la réalité,
et cela se passe ainsi depuis la fin de la guerre, s'il n'y a pas d'incident particulier,
les pouvoirs publics laissent les cafés et les restaurants travailler à leur guise. Oui
mais... Dijon n'échappe pas à la vague anti-bruit, anti-rire, anti-convivialité qui
sévit dans le pays. "Les habitants du centre-ville sont de plus en plus
intolérants et les gens vont désormais se plaindre régulièrement auprès de la police.
Ce qui crée, vous vous en doutez, pas mal de tension. Les jeunes, vous savez, ne font pas
plus de chahut que les générations qui les ont précédées. Sans doute vivent-ils un
peu plus le soir mais c'est l'évolution de la société qui veut ça, non ?"
Dans sa réflexion syndicale, Michel Follot souhaite qu'un débat puisse avoir lieu en
présence des associations de riverains avant l'été 99.
Un premier pas...
Devant son établissement La Comédie, Michel Follot, président général de la
Chambre syndicale de la Côte d'Or.
Josette Varlet, qui a tenu pendant 12 ans un bar-PMU dans
la Marne, dont elle est originaire, a repris ce café de Dijon il y a six ans.
L'établissement ouvre à 7 h 30 le matin et il dépasse rarement 21 h, six jours sur
sept. "Quand j'ai repris l'affaire, on faisait déjà un peu de restauration à
l'heure du déjeuner. J'ai 25 places en salle et 35 en terrasse. Compte tenu de mon
emplacement, je fonctionne en définitive beaucoup en fonction du temps qu'il fait dehors.
La terrasse est très importante dans mon type d'activité". Sa clientèle : les
commerçants à midi, des jeunes et les personnes qui font leurs courses l'après-midi. "On
critique les jeunes, mais moi j'aime bien cette clientèle. Ils sont à la fois plus
exigeants sur le service et moins compliqués que les plus de 40 ans".
Le ticket moyen du repas au Jacquemart : 50 F. Pas de plat du jour l'été, "il
n'y a pas la clientèle pour et puis les femmes préfèrent une salade et un croque."
Madame Vallet souligne aussi que le centre-ville n'est pas très grand et que la
clientèle tourne d'un établissement à l'autre. Le demi de Stella Artois est à 12,50 F,
celui de Leffe à 14 F. L'établissement passe environ 120 hectos de bière/an et
travaille avec un entrepositaire indépendant de Tavaux, près de Dôle, Monsieur
Ravonneaux. Quant au petit noir, il est à 6,50 F et c'est un torréfacteur local,
Folliet, qui fournit. "Je n'ai pas de possibilité d'animation",
témoigne cette patronne. A cause des voisins. "L'an dernier, pendant les Rues de
la Musique, il s'est mis à pleuvoir. L'orchestre qui jouait au coin de la rue est venu
s'abriter chez moi. Là ils ont continué à jouer puisque c'est le but de cette fête de
ville qui a lieu une fois par an. Eh bien, à 19 heures, heure à laquelle se termine
officiellement cette animation de rue, j'ai eu des plaintes des voisins qui ont demandé
que l'orchestre cesse immédiatement de jouer".
No comment.
Madame Varlet, patronne du Jacquemart.
Les Grands Ducs, une des plus anciennes adresses de DijonPlace de la Libération, la terrasse de cette institution dijonnaise donne sur la mairie. Le jour de notre passage dans la capitale bourguignonne, quelques jeunes jouaient aux cartes à l'intérieur de l'établissement, mangeaient un sandwich, des frites et fredonnaient les airs diffusés à la radio. Dehors, le beau temps attirait en terrasse une autre clientèle composée de touristes et de Dijonnais faisant les dernières soldes. 15 F le perrier en salle, 8 F le café, 12 F le demi de Kronenbourg, 16 F une blanche. La coupe de champagne est à 30 F affiche-t-on sur l'ardoise.
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Les difficultés de la restauration dijonnaiseDijon est une ville coquette et possède de belles affaires. Mais la petite restauration prend aujourd'hui le dessus sur la restauration traditionnelle. La montée de la restauration rapide a d'ailleurs contraint de nombreux professionnels à baisser leurs prix et modifier leur carte. La concurrence des sandwicheries est rude. |
25 m2 en salle, 5 tables en terrasse. Pascal Nulet,
serveur depuis l'âge de 18 ans, issu de parents cafetiers, a repris ce petit bar niché
derrière le théâtre de Dijon en avril 95. Les débuts ont été difficiles. L'affaire
était tombée, donc sans clientèle intéressante, et le théâtre est fermé en été.
Pascal Nulet a dû attendre la rentrée pour saisir l'occasion d'attirer une nouvelle
clientèle. "Un jour, un groupe d'étudiants anglais est entré pour me demander
leur chemin. J'ai un peu discuté avec eux et comme ils étaient étrangers, je leur ai
offert une bière". Le petit geste qui change tout. Ces étudiants ont apprécié
que l'Entracte leur offre un verre. Très vite, ils en ont fait leur point de chute. Et un
étudiant appelle un autre étudiant. Et ça a remonté très haut, enfin très loin,
puisque récemment des Anglais de passage sont venus parce que des amis de fac,
outre-Manche, leur ont donné l'adresse. L'Entracte fonctionne désormais au rythme des
facs et du théâtre. Le personnel du théâtre a aussi redécouvert l'adresse "et
ce sont deux types de clientèles qui se mélangent sans problèmes", constate
Pascal Nulet. L'établissement ouvre à 11 heures et ferme le rideau à 1 ou 2 heures
selon le jour de la semaine. A l'Entracte, on peut emmener son sandwich. On vient entre
copines, pour retrouver des copains, pour discuter avec Pascal qui fête ses 40 ans cette
année. "Des fois, j'ai un peu l'impression d'être le grand frère",
sourit-il.
Le "gros" de l'activité ? à partir de 21 h 30. Pendant la Coupe du Monde,
Pascal était un des rares du quartier à proposer un poste de télévision. Le soir des
demi-finales et finale, l'Entracte a été "dévalisé", il n'y avait
plus rien à boire. Au chapitre des consommations, la bière arrive en tête des ventes
avec des prix allant de 11,50 F le demi de Kronenbourg (20 F le "sérieux" de 50
cl) à 16 F pour une Grimbergen et 20 F pour le whisky coca. Pas de restauration au
programme parce qu'il n'y a pas de cuisine, seulement un croque à 17 F pour les
habitués. Quand des étudiants veulent célébrer un anniversaire à l'Entracte, ils
apportent leurs CD, on décore l'établissement, ils consomment au tarif normal et Pascal
offre le gâteau et quelques photos- souvenir. Mais attention, jamais un client ne passe
derrière le bar. "Quelle que soit la convivialité, l'amitié, chacun doit rester
à sa place, même s'il m'arrive de trinquer avec eux", termine Pascal Nulet, en
bon professionnel.
Depuis trois ans, Pascal Nulet fidélise les jeunes étudiants de Dijon. Avec
simplicité et professionnalisme.
Chiffres et statistiques* Une licence IV, à Dijon, se négocie entre 120.000
et 150.000 F, une Licence III entre 60.000 et 80.000 F, une Licence II entre 25.000 et
35.000 F. |
L'HÔTELLERIE n° 2578 Magazine 10 Septembre 1998