C'est de loin le plus populaire et le plus réputé
des jambons français. Il doit son goût unique au climat particulier -au bord de
l'Atlantique et au pied des Pyrénées, le vent du Sud le sèche et l'aide à naître
après des mois d'affinage- et aux techniques ancestrales que les produteurs s'efforcent
aujourd'hui de remettre en valeur.
Son succès est tel que la France entière s'est mise à faire du jambon dit de Bayonne,
mais pas toujours avec succès...
Avec l'obtention du label IGP (Indication Géographique Protégée), un label de
protection européen, les caractéristiques d'authenticité et de qualité pourront
désormais être mises en avant. Le projet IGP qui devrait aboutir en septembre vise la
protection légale de l'appellation "Jambon de Bayonne" et permet la
récupération de la dénomination par le terroir.
Un arôme subtil aux odeurs de châtaigne et de noisette
Ce label de qualité, valable en France et dans tous les pays européens, repose
principalement sur l'origine certifiée des porcs (Aquitaine, Midi-Pyrénées,
Poitou-Charentes), la fabrication des jambons dans la région de l'Adour et sur une
recette authentique ; les jambons frais sont frottés à la main avec du sel de
Salies-de-Béarn puis aromatisés avec du vinaigre, du piment d'Espelette, du poivre et de
l'ail et ce, tous les jours pendant trois semaines. Ce frottage est ensuite répété
chaque semaine. Puis vient le séchage à l'air libre pendant environ dix mois. Au
sondage, le jambon doit dégager un arôme subtil aux odeurs de châtaigne et de noisette.
Aujourd'hui le marché du jambon dit de Bayonne, représente 2,2 millions de pièces
vendues. La production sur le bassin de l'Adour peut être rapidement portée à 800.000
pièces : la différence représente les enjeux de fabrication pour les dix prochaines
années. Ce qui entraîne des investissements en chaîne, notamment dans le domaine de
l'abattage et de la découpe qui doit se faire sur le bassin de l'Adour. Un abattoir sera
construit à Garlin, en Béarn et pour améliorer la production et la qualité, une
station expérimentale sera construite à Arzacq. Le contrôle des différentes étapes de
la production, selon le cahier des charges de certification de conformité sera à la
charge de Certisud, un organisme situé à Pau. Et pour chapeauter tous ces organismes -à
qui revient l'initiative IGP- les maîtres d'oeuvre de la démarche sont l'INPACQ
(Interprofession Porcine d'Aquitaine)- et le Consortium du Jambon de Bayonne.
"Une histoire essentiellement béarno-béarnaise"
Face à ces enjeux industriels et commerciaux, des voix discordantes se font jour :
elles proviennent notamment des élus et de la population qui brandissent des arguments
environnementaux -les nuisances olfactives, entre autres- contre le développement des
élevages.
L'autre difficulté est soulevée par Denis Brillant, président de l'Association des
bouchers abatteurs du Pays Basque, soucieux de défendre les intérêts de la ville de
Bayonne "dans une histoire essentiellement "béarno-béarnaise". Pour
Bayonne et le Pays Basque, le train IGP est en route, il faut rapidement monter dedans,
exiger des contreparties financières et économiques -en échange notamment du nom et de
l'image très porteuse du Pays Basque dans la communication du produit- et rééquilibrer
géographiquement un projet commercial dont les tendances lourdes semblent vouloir se
concentrer en un seul lieu..."
D'aucuns lui répondront que les jambons secs des Pays de l'Adour (l'arrière-pays basque,
le Béarn et le Sud des Landes) ont pris progressivement l'appellation de leur lieu de
commercialisation et que la renommée s'est attachée à une ville qui n'en produit
guère... Et de ressortir un texte de 1768, de l'abbé d'Expilly où il est fait
référence à des "jambons connus sous le nom jambon de Bayonne à cause de la
ville où il s'en fait l'embarquement".
L'HÔTELLERIE n° 2578 Magazine 10 Septembre 1998