Pour acquérir une expérience solide, Roselyne et
Franck Subileau ont passé dix années à courir la France. Dix années ponctuées par des
rencontres et des étapes marquantes. A la "Ferme de Mougins" notamment où ils
scellent une solide amitié avec Patrick Henrioux. Au point de le suivre jusqu'à "La
Pyramide", à Vienne. "Durant cette période, explique Franck Subileau, nous
avons appris ce que retrousser ses manches voulait dire. Puis, en arrivant au
"Florentin", en Avignon, nous avons franchi un nouveau pallier. En touchant de
plus près la gestion puisque les propriétaires n'étaient pas du métier." Ce
sont peut-être ces responsabilités nouvelles comme l'envie d'être enfin chez soi qui
les ont poussés à attaquer une nouvelle étape vers l'autonomie. Direction le Gard, le
département d'origine de Roselyne, sommelière de formation et toute jeune mère de
famille. Le déclic, c'est à Barjac, presqu'aux portes des gorges de l'Ardèche qu'il se
produit. Un imposant mas du XVIème siècle, perdu dans la garrigue, une salle d'une
quarantaine de couverts et onze chambres, voilà un bon outil pour faire ses preuves. "Etre
chez soi, cela s'accompagne de pas mal de sacrifices et surtout de dé-couvertes,
avouent-ils en choeur. La comptabilité et l'ensemble des tâches administratives sont
très prenantes..." Mais la clientèle locale puis saisonnière dans cette
région fortement touristique va rapidement trouver la route du Mas de Rivet. Et donner de
nouvelles idées à ce jeune et décidément bien entreprenant couple. Après un an de
gérance et surtout une certaine réussite, ils vont se lancer dans une nouvelle aventure.
Une maison familiale à Saint-Victor-de-Malcap, à 20 kilomètres de là, est toute
destinée à les accueillir. "Mais le travail ne manquait pas ! Il faut imaginer
que la cuisine se trouve dans une ancienne écurie, qu'il n'y avait pas l'avancée qui
accueille aujourd'hui la salle de restaurant et que, dans l'ensemble, la bâtisse était
assez délabrée. Des idées nous en avions beaucoup mais un architecte a proposé aussi
beaucoup d'aménagements qui nous ont aidés à faire mûrir le projet."
Lui à la truelle et elle au pinceau !
Un an de travaux a été alors nécessaire. Dont la moitié pour Roselyne et Franck.
Elle au pinceau, au pochoir ou encore à la couture pour confectionner les rideaux. Sans
parler des balustres qui bordent la terrasse qu'elle a réalisées à partir d'un moule.
Lui, à la pelle, la pioche ou la truelle, aidé par son beau-père, s'est attaqué au
gros oeuvre. Loin des petits plats qui font habituellement le bonheur de ses clients,
c'est du côté de la bétonnière qu'il a fait une autre sorte de cuisine.
Une expérience originale et passionnante qu'aucun, aujourd'hui ne regrette. D'autant que
leur participation importante à tous ces travaux a permis de réduire l'investissement. "Au
total, cela représente 2 MF dans lesquels sont inclus le mobilier et la piscine. Mais
avec un appel plus large auprès d'entreprises spécialisées, il aurait fallu au moins le
double !"
Les neuf chambres de niveau trois étoiles dont une aménagée pour les personnes
handicapées, ont toutes été baptisées du nom de cépages nobles par Roselyne Subileau.
La salle de restaurant, d'une quarantaine de couverts, est ouverte sur un horizon dégagé
et verdoyant tout comme la piscine qu'ils ont considérée comme un équipement de base
essentiel dans une région où la température grimpe vite en été. "La Bastide
des Senteurs, et le restaurant sont voulus comme un lieu de plaisir. Grâce à la qualité
de la table mais aussi au sentiment de quiétude qu'inspire l'ensemble de la maison. C'est
ainsi que nous l'imaginions depuis cinq ans sans savoir quand nous serions capables de lui
donner forme. C'est aujourd'hui réalité et nous ne le regrettons pas." Avec un
apprenti en cuisine et une personne en salle, Roselyne et Franck ont donc débuté une
nouvelle aventure. Et en attendant le soutien des guides, ils ont constaté qu'un an
d'absence sur la carte gastronomique gardoise ne les avait pas privé de la fidélité de
leur clientèle. Au contraire, elle s'est même étoffée en se rapprochant un peu plus
d'Alès.
"Etre chez soi, cela s'accompagne de pas mal
de sacrifices," avouent Roselyne et Franck Subileau.
L'HÔTELLERIE n° 2581 Magazine 1er Octobre 1998