Lugon et l'Ile du Carnet, 1.000 habitants, un point
minuscule sur une carte routière, entre Saint-André de-Cubzac et Libourne. A l'entrée
du bourg, une pancarte sur la droite indique l'auberge. Sur trois kilomètres, la route
étroite sinue entre les vignes et bute sur la Dordogne. Nous voici arrivés. La magie du
lieu opère. A quarante-trois ans chacun, Jocelyne et Bernard Taudin n'ont pas hésité à
y jeter l'ancre. Avec raison : au bout d'un an d'exploitation et pour seule promotion le
bouche à oreille, les chiffres sont supérieurs au double des prévisions : 40 couverts
par jour en moyenne sur douze mois avec des pointes à 300 couverts l'été. "Ce
fut un coup de cur, explique la jeune femme blonde, mon mari, fils de
vigneron, souhaitait disposer d'un vignoble." La propriété comprend 8 ha
d'appellation Bordeaux et Bordeaux supérieur. Rouges, rosés et blancs figurent en bonne
place sur une carte des vins qui, fait original, privilégie les crus de la rive droite de
la Garonne : Côte de Blaye, Bourg, Fronsac, Saint-Emilion... Jocelyne poursuit : "Je
rêvais d'ouvrir un restaurant pas comme les autres", le cadre remplit ses
espérances.
Le couple vend alors leur outil de travail du moment, un garage, puise dans vingt années
d'économies pour acquérir cette chapelle du XIIème, transformée par ses anciens
propriétaires en écurie. Dans un cadre à peine rénové -grattage de la pierre blonde,
ajout d'un second escalier - le restaurant sur deux niveaux dispose de 80 couverts, alors
que 150 étaient autorisés. "Nous avons privilégié l'espace, explique
Jocelyne, aussi les tables disposées sur deux niveaux, sont suffisamment espacées
pour ne pas être incommodé par son voisin." Une terrasse est ouverte
depuis juillet.
Cuisine raffinée du terroir
Avec très peu de publicité, juste quelques encarts dans les journaux locaux,
l'établissement en bordure de Dordogne devient rapidement le rendez-vous des gourmets qui
apprécient la quantité autant que la qualité retraités, familles (comme l'indique un
menu enfant à 80 F), couples d'amoureux ou personnalités politiques du coin. Dans
l'ancienne abside est installé le comptoir d'accueil qui jouxte une niche abritant une
cheminée pour les grillades cuites sur les sarments : buf, magrets, ou rognons de
veau.
L'Auberge joue la carte de l'authenticité. Aux fourneaux, Jérôme Héraut précise faire
une cuisine à l'instinct. Il se rend au marché deux fois par semaine, travaille
exclusivement des produits frais et puise dans le jardin de 1.000 m2, plantes aromatiques,
tomates, pommes de terre noires, courgettes, potirons. Sorti du Lycée hôtelier de
Talence, ce jeune homme de 31 ans a fait ses classes dans des établissements renommés -
Le Crillon et chez Natacha à Paris - en tant que second et comme chef de cuisine au
restaurant Hôtel de France à Rozay-en-Brie où il a décroché un 13/20 au Michelin.
Excellent dans l'élaboration des sauces, qu'il utilise notamment dans les conserves
maison (Lamproie à la bordelaise, sauce de Pire, Coq au vin, Escargots à la bordelaise,
Matelote d'anguilles...) ou dans les plats "minutes" -Rognons et Ris de veau au
xérès, Saumon rôti sauce mélisse... Il est tout aussi doué pour les desserts. "Nous
n'utilisons aucun produit semi-préparé", déclare ce natif de la région,
heureux dans cet établissement où il se sent comme chez lui. Lui aussi a trouvé son
port d'attache, dans ce havre de paix où la vie s'écoule comme un long fleuve
tranquille.
Une ancienne chapelle du XIIème siècle, transformée en un restaurant original.
Jocelyne et Bernard Taudin, patrons et propriétaires de l'Auberge de la Vieille
Chapelle dont le restaurant, sur deux niveaux, dispose de 80 couverts.
Chiffres-clés* Ouverture juin 1997. |
L'HÔTELLERIE n° 2581 Magazine 1er Octobre 1998