Interbrew fait appel à l'agence publicitaire McCann Erickson pour relancer Stella Artois à l'échelle mondiale sur le créneau des pils premium. La campagne déjà testée en Hongrie et en Croatie ne sera pas vraiment mondiale puisque la Belgique en est exclue, et la loi Evin la compromet fortement en France. A ces réserves près, la décision vaut la peine qu'on s'y arrête. Depuis l'achat du Canadien Labatt, Interbrew est le second brasseur mondial dans le domaine du développement international, seul avec Heineken à oser une vraie présence équilibrée des deux côtés de l'Atlantique, à s'intéresser de très près aux pays de l'Europe de l'Est, et à prendre pied en Asie. Ce caractère international très marqué d'un brasseur néerlandais et d'un brasseur belge s'explique évidemment par l'étroitesse des marchés domestiques de ces deux entreprises, et aussi par la culture internationale de ces deux pays de transit et de négoce. Mais là s'arrête la similitude. Heineken a construit son empire sur une marque, ce brasseur étant à notre connaissance la seule marque de bière de notoriété vraiment mondiale, et avec un goût assez peu marqué, garanti par une qualité régulière. Sur la majorité des marchés, Heineken se positionne assez favorablement comme une pils premium, et sait en profiter. Interbrew au contraire vit d'une large variété de marques et de goûts, variété que chacune de ses acquisitions hors de Belgique et des pays limitrophes comme la France ne fait qu'accentuer. Aux Pays-Bas, on boit de la Heineken, en Belgique ou en France on ne boit sûrement pas de l'Interbrew, mais de la Stella Artois, de la Jupiler, de la Leffe ou de la Hoegaarden. Cette situation ne changera pas dans les pays mûrs. Elle peut évoluer ailleurs, pense la direction de Louvain qui tente l'aventure d'une marque mondiale, en partant de Stella Artois.
Nouvelle publicité
Aujourd'hui, Stella Artois représente un volume de près de cinq millions
d'hectolitres (4,846 Mhl en 1997) au monde. Son positionnement est différent selon les
marchés. En Belgique, c'est une pils de grande diffusion, qui a ses habitués, avec une
connotation un peu moins populaire que la Jupiler. En Grande-Bretagne, où elle est
brassée sous licence par Whitbread, elle est une bière haut de gamme. En France, la
position déjà ancienne sur le marché est un peu intermédiaire, avec une nuance entre
le Nord où sa perception se rapproche de l'analyse belge, et les autres régions où elle
se situe un peu plus près du segment spéciales premium dans l'esprit du consommateur.
Cette fois, explique-t-on à Louvain, il s'agit de « positionner Stella Artois sur le
marché en tant que marque mondiale reposant sur une culture unique et un mythe qui lui
est propre. La campagne doit franchir les frontières, présenter un caractère
intemporel, évoquer une tradition et un héritage, le tout dans un style moderne et
ra-fraîchissant ». Rude ambition, qui se traduit par un graphisme et un film qui
mêlent atmosphère médiévale (une dague et une rose, et la superbe devise « in
fermentum veritas » en latin de brasserie) et héroïsme de comics américains. Le héros
du film, fils de Mike Jagger ou frêle cousin de Bruce Willis émergeant dans la nuit
d'une ville de perdition, se veut noble de caractère, résistant aux tentations des
sorcières, volant au secours des faibles qui en retour lui indiquent le bon chemin :
comment trouver la fée, une barmaid en tenue du XIVe siècle revue et corrigée qui sait
tirer et verser une Stella dans les règles de l'art. Le slogan qui résume le nouveau
mythe fondateur de la marque se veut ainsi illustré : « Stella Artois est la bière
européenne aux nobles traditions. » Pour les bistrotiers français, il sera
difficile pour des raisons légales d'exploiter le film ou le mythe dans toute son
ampleur. Sur le fond, le message peut aussi poser quelques problèmes, notamment quant à
la place des femmes... Du moins devrait-il rester, après réflexion et adaptation, les
accessoires de vente en CHR, à commencer par le verre, et de solides actions d'animation
à développer et à inventer.
La dague et la rose, pour la noblesse et la tradition, et du latin de brasserie pour
la devise.
L'HÔTELLERIE n° 2590 Magazine 3 Décembre 1998