La mairie d'Yssingeaux a décidé, il y a deux ans,
de fermer le foyer-restaurant de la ville pour cause de déficit chronique. Et parce que
ses équipements ne répondaient plus aux normes. Il aurait fallu dépenser 200 000 F pour
remettre les cuisines à niveau. Les élus ont donc cherché une autre voie, en
réfléchissant avec des membres de l'ADMR (Aide à domicile en milieu rural) et de la
FPIH (Fédération professionnelle des industries hôtelières).
La solution adoptée fut originale : envoyer les gens du troisième âge déjeuner dans
les restaurants de la ville avec l'opération "Les Tables des aînés".
Un contrat de partenariat et une charte ont été signés. Les restaurateurs se sont
organisés pour proposer, à midi, un repas complet pour 50 F (entrée, plat garni,
fromage, dessert, quart de vin et café) tous les jours de la semaine, y compris le
dimanche à tour de rôle. Le tout avec convivialité. Les aînés se procurent à la
mairie une carte repas avec photo d'identité, cachet de la municipalité, etc. pour avoir
accès à ce menu. Ils payent leur repas ; une facture leur est remise. Ils peuvent alors
se faire rembourser, selon leurs revenus, jusqu'à 10 F par repas par la commune. Un
système simple et facile à gérer. Au départ, une quinzaine de personnes ont
fréquenté les établissements en ville. Et au total, "une quarantaine de cartes
est même en circulation", explique Louis Guérin, adjoint au maire d'Yssingeaux
et responsable de l'ADMR.
"Nous pensions que les personnes âgées aimeraient ce genre de sorties et
qu'elles seraient motivées pour retourner en famille au restaurant le dimanche",
se rappelle André Perrier, ancien président de la Fédération professionnelle des
industries hôtelières de la Haute-Loire.
Aspect social et disparition du paracommercialisme
Aucune fausse note n'a été enregistrée de la part des restaurateurs qui ont admis et
bien respecté "l'aspect social" de l'opération. "Car à 50 F tout
compris, la marge est quasiment inexistante", souligne André Perrier. Hélas, le
système n'a pas apporté les résultats escomptés. "Actuellement, seulement cinq
ou six personnes fréquentent régulièrement les restaurants", précise-t-il. Le
surplus de clientèle le dimanche n'a pas été sensible.
"Tout se passe bien. C'est une bonne idée", reconnaît Jacky Celle, du
restaurant l'Hôtel du Nord, bien qu'il trouve que certains "anciens" de la
commune devraient avoir accès à ce service, "car ils semblent en avoir bien
besoin". D'autres souhaitent une relance de l'opération et une revalorisation de
quelques francs du montant du menu pour retrouver un niveau proche des prix pratiqués,
c'est-à-dire aux alentours de 60 F tout compris.
En revanche, le portage à domicile a bien progressé. Chaque jour, des employés
municipaux distribuent 60 repas fabriqués dans les cuisines de l'hôpital. Le
bénéficiaire paye 37 F, tarif appelé à être revalorisé selon l'adjoint au maire.
Soit un prix proche de celui réglé dans les restaurants en tenant compte d'une prise en
charge de la mairie. Il faut donc croire que les aînés préfèrent rester chez eux...
Quoi qu'il en soit, et avant de redynamiser Les Tables des aînés, la mairie d'Yssingeaux
a supprimé un déficit chronique et évité une dépense importante en s'appuyant sur les
restaurateurs. Et ceux-ci ont vu disparaître le paracommercialisme de l'ancien
foyer-restaurant où on servait des repas aux retraités possédant des résidences
secondaires dans la région et aux particuliers lors des jours de foire.
A l'hôtel-restaurant du Nord et du Parc, deux des quatre établissements qui
participent actuellement aux Tables des aînés, les restaurateurs sont d'accord : c'est
une bonne idée qu'il faudrait faire rebondir.
André Perrier, l'ancien président de la Fédération des industries hôtelières
de la Haute-Loire et Louis Guérin, adjoint au maire d'Yssingeaux : "Cette
opération était possible ici, dans une petite ville où tout le monde se connaît".
L'HÔTELLERIE n° 2590 Magazine 3 Décembre 1998