A Lyon Paul Bocuse est partout, et sur toutes les
trajectoires des gens qui réussissent dans les métiers de bouche. Maurice Bernachon ne
fait pas exception à la règle. La rencontre est déjà ancienne. Et des liens de famille
se sont noués lorsque la fille de l'un épousa le fils de l'autre.
Enfant d'un aiguilleur de la SNCF, Maurice Bernachon voulait devenir instituteur. Sa
mère, très croyante, a pourtant suivi l'avis du curé du village. A Saint-André-le-Gaz
dans l'Isère, l'abbé Berlioz le voyait bien dans un métier manuel. Il entra en
apprentissage chez Debauge qui cherchait un apprenti.
Debauge à Pont-de-Beauvoisin, Coillard puis Durand à Lyon : Bernachon apprend vite et
bien. Puis il songe à s'installer. Au 42 cours Franklin Roosevelt où il reviendra plus
tard et où il est encore, Durand veut bien vendre mais pas tout de suite. Exil chez
Fromentin à Trévoux et retour à Lyon en 1952. Il s'est marié avec Simone, première
vendeuse de son ancien patron, Jean-Jacques, qui deviendra le mari de Françoise Bocuse,
est encore tout jeune.
Maurice Bernachon ne connaît qu'un secret : le travail. Le reste, c'est l'amour
immodéré porté au produit et un brin de flair en remettant le chocolat à la mode. "Et
goûtez la différence" s'enflamment Courtine dans Le Monde et Imbert
dans Le Point. Il n'en faut pas davantage... ou presque.
"La fidélité au produit, le refus des additifs, la rigueur dans le choix",
dit-il simplement, inculquant ces principes à son fils qui assume la succession.
La gloire tiendra à un simple gâteau, où les cerises ont leur place. Montmorency était
son nom. Président il devient, au lendemain d'un repas au palais de l'Elysée où, en
recevant sa légion d'Honneur, Bocuse a invité ses copains à "casser la
croûte", avec VGE.
"Les clients ne savaient plus trop. Ils voulaient un Elysée, un Valéry, une
Anémone...", s'amuse encore Bernachon.
La fatigue l'a éloigné du laboratoire. Mais comme il n'habite que deux étages
au-dessus, il s'y rend encore tous les jours pour goûter ces chocolats réputés dans le
monde entier. Chaque année, 20 tonnes de cacao en graines des plus pures origines, 600 kg
de cerneaux de noix, 15 tonnes d'amandes et autant de noisettes, du beurre d'Echiré et de
la crème d'Isigny, transitent cours Francklin Roosevelt.
"Notre métier, c'est la générosité. Si un industriel arrive avec un esprit de
chimiste, c'est dramatique", professe-t-il... en sachant bien que l'idée lancée
n'est pas le simple fruit de son imagination !
"Si un industriel arrive avec un esprit de chimiste, c'est dramatique",
professe Maurice Bernachon.
Raymond Barre et Maurice Bernachon : une amitié de longue date.
L'HÔTELLERIE n° 2595 Magazine 7 Janvier 1999