Marcher dans la boue, ça en gêne a priori plus
d'un. C'est ce que fredonnait en tous les cas, autrefois sur les ondes, le chanteur Michel
Delpêche. A quatre-vingt-trois ans, Roger Junca, président directeur général du groupe
Thermes Adour, implanté à Dax et Saint-Paul-les-Dax, semble lui y évoluer comme un
véritable poisson dans l'eau. Avec d'autant plus d'aisance d'ailleurs que cette
substance, à première vue pas toujours ragoûtante, lui a jusqu'à présent permis de ne
pas tomber dans les affres des douleurs rhumatismales. A voir son parcours, on croirait
même que cette fameuse boue, thermale bien sûr, a finalement conféré à ce patriarche
dacquois un secret de longévité, mais aussi un sens aigu des affaires. Car, au cours de
ces longues années, l'eau a certes beaucoup coulé aux fontaines de Dax. Mais, Roger
Junca, lui, n'a jamais bu la tasse. Au contraire !
Depuis que cet homme, à l'origine charcutier-traiteur, a effectivement succombé aux
plaisirs de l'eau dans les années 60, les bienfaits de cet élément naturel lui ont
apparemment beaucoup profité. A tel point qu'aujourd'hui, sa société, totalement
indépendante, fait figure de mastodonte en matière de thermalisme dans le département
des Landes. Avec un parc d'hôtels et de résidences totalisant près de 1 000 chambres,
une usine d'embouteillage (20 millions de cols), un centre de rééducation fonctionnelle
et cinq thermes (spécialisés dans la rhumatologie et la phlébologie) situés à Dax et
Saint-Paul-les-Dax, le groupe Thermes Adour affiche de fait un chiffre d'affaires
conséquent de 180 MF. Et mieux encore ! Il emploie 450 personnes en haute saison dont 150
permanents à l'année.
Histoire d'eaux
Pour parvenir à réaliser de telles performances et accueillir quelque 18 000 curistes
par an (soit aux alentours de 25 % du total des curistes landais), alors même que
beaucoup de stations thermales sont en ce moment confrontées à de sérieuses
difficultés économiques, Roger Junca a bien sûr dû retrousser ses manches. Son rêve
ne se cantonne pas en effet à une simple histoire d'eaux. Même si la chance était
certes au rendez-vous à l'occasion de la découverte de la source Elvira, qui fut à
l'origine de la création de sa compagnie, c'est le sens des affaires et l'esprit
d'entreprise du patron qui ont toujours prévalu.
En abandonnant sa charcuterie au groupe Bongrain pour se mettre du jour au lendemain à
sonder les entrailles de la terre et y dénicher les eaux fumantes (1966), le patriarche
dacquois savait en fait d'ores et déjà ce à quoi il aspirait. Tout comme la façon dont
il projetait le développement de son groupe. L'affaire a ainsi commencé pas à pas par
la construction d'un premier établissement thermal à Dax (1967) et celle de l'Hôtel
Régina (1968) offrant 105 chambres et studios reliés par une galerie au centre de soins.
Puis le groupe n'a pas cessé ensuite de grossir allant même jusqu'à investir du côté
de la cité jumelle à Saint-Paul-les-Dax. Le tout en cherchant évidemment à s'adapter
le mieux possible aux moyens financiers des clients, notamment en termes d'hébergement.
"Monsieur Junca n'a jamais souhaité bâtir un parc hôtelier pratiquant une
politique tarifaire élevée", précise Philippe Souperon, le directeur
hôtelier, ancien d'Accor. Et d'ajouter : "Nos hôtels et résidences, tant dans
la cité lacustre qu'à Saint-Paul-les-Dax, ne dépassent d'ailleurs pas le seuil du trois
étoiles. Dans la gamme de produits dont nous disposons figure même un camping, équipé
de chalets et mobile homes. Devant l'évolution du profil de nos clients, nous venons
également tout juste de créer un nouvel établissement économique."
Rajeunir la clientèle du thermalisme
Il en faut effectivement aujourd'hui pour toutes les bourses. D'autant que la belle
époque du thermalisme et de sa clientèle huppée est aujourd'hui bel et bien enterrée.
Un sou est désormais un sou pour tout le monde. Et les restrictions imposées par les
pouvoirs publics n'arrangent guère la situation pour le secteur. Pas plus d'ailleurs que
l'image un peu vieillissante des cures. Les statistiques reflètent du reste très bien le
récent essoufflement des activités thermales dans le département. "Au cours des
cinq dernières années, Dax a dû globalement enregistrer une perte de 10 % au niveau de
ses curistes", indique Philippe Souperon. Un signe des temps que le groupe
Thermes Adour n'a pas pris à la légère.
Entouré de toute sa petite famille, son gendre, Gilbert Ponteins (directeur général de
l'entreprise), et ses petits-fils au marketing et à l'exploitation des opérations, le
clan Junca a en effet pris le pari de redorer le blason du thermalisme tout en
rajeunissant sa clientèle. Pour se faire, la compagnie a investi 122 MF dans la
construction d'un complexe unique en son genre, baptisé Calicéa. Face au superbe lac de
Christus, à deux pas de Dax et son centre-ville, en plein cur de la forêt
landaise, est donc apparu voilà plus d'un an le premier espace français de remise en
forme aquatique, thermal et hôtelier. Vaste bâtiment, conçu par le cabinet
d'architectes DDDRLL, épousant les formes harmonieuses d'un calice, cette réalisation
comprend un hébergement trois étoiles (50 chambres) et 100 appartements de très bon
confort dotés de cuisines entièrement équipées.
Cascades, fontaines, geysers...
Intégré à l'hôtel, l'espace de remise en forme aquatique, tout de marbre de Carrare
et pierres des Pyrénées vêtu, a été pensé de manière ludique et amusante. Tout y
est ! L'eau thermo-minérale (de 30 à 35°), qui alimente les trois piscines. Mais aussi,
les différents jacuzzis, cols de cygne, cascades, fontaines et autres geysers. Des
installations qui plaisent autant aux chères têtes blondes qu'à leurs parents (garderie
gratuite). D'autant plus que les adultes peuvent paralèllement s'abandonner à la chaleur
de saunas et hammams. Ou plus simplement au solarium.
Sans oublier bien sûr le centre thermal et ses soins personnalisés, situé lui dans de
vastes et lumineux locaux ouverts sur les jardins. Ajoutons à ce site rarissime, ouvert
toute l'année, la présence d'une supérette, de bars, de restaurants, d'une galerie
marchande et de salles de réunion modulables. Grâce à cette offre pléthorique, le
thermalisme dacquois prend un tout autre visage. Imaginé de cette manière, il pourrait
presque s'apparenter à un site touristique de loisirs. Et c'est tant mieux puisque, dans
les faits, le groupe Thermes Adour espérait avec Calicéa attirer de nouvelles
clientèles.
Après un an d'exploitation, les habitants de la région ont d'ores et déjà bien mordu
à l'hameçon, tout comme les sociétés locales (vente de forfaits spécifiques).
Question hébergement et activité séminaires, le navire est en train de monter en
puissance séduisant chaque jour davantage d'entreprises et de clients étrangers. La
prise de risque et le sens de l'innovation du groupe Thermes Adour déployés sur cette
opération ont donc payé.
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Répartition de l'investissement sur Calicéa- Hôtel : 90 MF pour 14 000 m2 |
Les hôtels et résidences du groupe Thermes AdourSaint-Paul-les-Dax : Dax : |
L'HÔTELLERIE n° 2595 Magazine 7 Janvier 1999