Lorsque courant 1995 Martine Roux, propriétaire de
lieux avec sa maman, affiche sa volonté de vendre le château de La Caze, au centre des
Gorges du Tarn, le département de la Lozère ne voit pas les choses d'un très bon
il. Car le client potentiel, venu du Koweit, destine à un usage privé cette
demeure qui, depuis près d'un siècle, a trouvé dans l'hôtellerie et la restauration sa
vocation. Une pression assidue de Jacques Blanc, président de région et lozérien
intenable, fera basculer la balance côté cur. La SELO (Société d'économie mixte
de la Lozère) devient propriétaire du château et des dizaines d'hectares de terrain qui
l'entourent. Mais pour en faire quoi... ?
Du côté des professionnels de l'hôtellerie on s'inquiète. A tort. "Pendant une
période, effectivement, nous avons organisé la poursuite de l'exploitation, explique
Pierre Spirito, le directeur du Comité départemental du tourisme, mais ce n'est pas
notre vocation. Nous avons d'abord cherché des salariés pour que l'activité ne cesse
pas d'un coup. C'est là que nous avons rencontré Sandrine et Jean-Paul Lecrocq. Mais le
but était bien de leur confier complètement le château et de nous retirer une fois que
l'avenir de ce symbole du patrimoine lozérien serait garanti."
Promesse tenue puisqu'à la veille de l'été 1998 le jeune couple assurant depuis deux
ans la gestion de l'hôtel et la direction de la cuisine est devenu propriétaire du fonds
de commerce.
Rénovation à la charge du département
Il faut dire que Sandrine et Jean-Paul Lecrocq ne sont pas des inconnus dans la maison.
Durant la saison 1989 leurs chemins se croisent ici même. Mariés quelques mois plus tard
alors que lui effectue un tour de France des établissements haut de gamme, leur destin
était donc de revenir un jour ou l'autre dans ce site parmi les plus touristiques du sud
de la France.
"Lorsque nous avons eu connaissance de l'appel d'offres, nous n'avons pas hésité
à poser notre candidature. Pourtant, à ce moment-là, nous n'avions pas en tête l'idée
de nous installer de façon définitive. En fait, nous devions aller travailler en
Haute-Loire, mais le château, cette région, tout en fait nous a décidés. Cependant,
avec le recul, je suis certain que notre situation n'aurait pas été viable sans le
soutien de la SELO", raconte Jean-Paul Lecrocq, ancien élève du lycée
professionnel de Saint-Chély-d'Apcher.
Et le département qui avait déjà déboursé 12,50 MF pour l'achat a mis un peu plus la
main à la poche pour entretenir cette demeure élevée au XVe siècle. "Avant de
céder le bail, nous nous devions d'effectuer quelques aménagements, explique
Jean-Louis Rouvière, directeur adjoint chargé de la gestion des sites à la SELO, car
c'est notre fonction d'aménager ou de réaménager le patrimoine mais aussi de préserver
l'emploi."
Le montant total des travaux déjà réalisés ou à venir s'élèvera à plus de 5 MF.
Ils ont pour objet une remise en état de la toiture, l'équipement de la cuisine, le
réaménagement des chambres et la rénovation de l'annexe pour mettre les six
appartements en conformité avec le classement quatre étoiles.
Progression continue et forte présence étrangère
De leur côté, les jeunes propriétaires ont déboursé 1,55 MF pour l'acquisition du
fonds, somme aussitôt réinjectée dans l'enveloppe destinée aux travaux. Quand à leur
droit au bail, il s'élève à 500 000 F, ce qui correspond aux annuités de remboursement
de l'emprunt contracté par la SELO pour l'achat de la propriété. "Economiquement,
ce n'est pas sans tracas, avoue Sandrine Lecrocq, mais depuis deux ans le chiffre
d'affaires (3,10 MF en 97/98) n'a cessé de progresser. Aujourd'hui, nous sommes présents
dans tous les guides et surtout nous avons conscience du potentiel qu'offre une telle
maison." La clientèle est à 70 % étrangère hors-saison, avec une forte
présence de visiteurs en provenance des Etats-Unis. "Le château a été
construit en 1492, l'année de la découverte de L'Amérique et visiblement cela les
touche beaucoup..." En été, les Français sont plus nombreux et au bilan de
l'année, un client sur deux est finalement étranger. "Ce qui est beaucoup mieux
que sur l'ensemble du département puisque les Français y représentent 85 %."
Avec son restaurant de 60 couverts, ses douze chambres et ses sept appartements (dont six
dans une annexe à l'intérieur du parc) le château de La Caze ne peut échapper au
rythme de l'exploitation saisonnière. Avec les inévitables problèmes liés au
personnel. "Ce n'est pas évident de rebâtir une équipe à chaque fois. Seule
l'ouverture à l'année permettrait de conserver un noyau dur du personnel. Mais pour cela
il faut encore gagner en notoriété et sans doute aussi créer de nouveaux produits
capables d'attirer la clientèle hors-saison..." Pas nouveau, mais peut-être
plus sensible ici qu'ailleurs !
Cette demeure a trouvé depuis un siècle dans l'hôtellerie et la restauration sa
vocation.
Le château comprend douze chambres et ses sept appartements, dont six dans une
annexe, à l'intérieur du parc.
L'HÔTELLERIE n° 2595 Magazine 7 Janvier 1999