Alain Duhoux, de l'Escu de Runfao à Rennes,
confiait récemment qu'un établissement doit ressembler à un plat : "Il doit
tout d'abord satisfaire la vue, l'odorat et enfin le goût." Tout le monde en
convient, une belle assiette, aussi réussie soit-elle, ne suffit pas à elle seule à
attirer le client. Satisfaire la vue en proposant une décoration séduisante, voilà un
atout de choix. Près de la Gacilly en Morbihan, à Saint-Martin-sur- Oust, Jean-Marie
Seillon possède un trésor à faire pâlir les restaurateurs en quête d'originalité.
Antiquaire ébéniste, il acquiert, rénove et vend des meubles de travail en général et
des billots de bouchers en particulier. "J'en possède environ une cinquantaine en
stock, assure-t-il. De tous les styles." Alignés les uns contre les autres dans
un coin de son entrepôt, quelques billots attendent d'ailleurs de passer sous les rabots
de l'artisan. Chacun possède son petit détail particulier qui le différencie des autres
: avec ou sans fronton, avec ou sans tiroir galbé, de quatre à six pieds, de cent à
trois cents kilos, de un à trois mètres de long etc. Il y en a pour tous les goûts...
et pour toutes les bourses - tout dépend de la commande, mais il faut compter plusieurs
milliers de francs.
"Je récupère les billots grâce à du bouche à oreille en fouinant, ou grâce
à des rencontres sur les foires expos... Mais en l'état, lorsque je les achète dans les
boucheries, ils sont invendables." Jean-Marie Seillon s'attache alors à leur
redonner une vie et une utilité. Il les rénove donc dans son atelier en travaillant avec
différents corps de métiers. "Le temps passé sur un ouvrage dépend de son
importance. Cela va de quelques jours à plus d'une semaine." Achevés, certains
billots retrouvent leurs pieds sculptés Art déco, leurs frontons ornés de coquilles ou
de têtes de vaches en bronze, leurs frises en bois... La table de travail constituée
d'un assemblage de cubes en charme rejoint son meuble en hêtre dans lequel elle vient
s'encastrer. Les tiroirs coulissent ou se lèvent etc. De véritables pièces de musées
à l'image de cette table de présentation de boucherie en marbre, les pieds en fer
forgé. "Une table extrêmement rare", tient à souligner Jean-Marie
Seillon.
Mais la boucherie n'est pas seule représentée. On retrouve également des meubles de
boulangers, limonadiers, épiciers etc. Ici une machine à découper le jambon du siècle
dernier, là une balance en céramique aux armes de la ville de Paris, d'anciennes
glacières à l'intérieur zingué, un comptoir d'hôtel avec sonnette sur le pupitre, un
parisien de boulanger en hêtre et peuplier, un zinc de bar etc. "Ces meubles sont
très recherchés outre-Atlantique. Les Américains en raffolent et se les arrachent. De
nombreux meubles que je restaure sont d'ailleurs destinés à décorer des
restaurants."
Et pour ceux que les meubles n'intéresseraient pas, Jean-Marie possède un véritable
écomusée renfermant une multitude d'outils anciens, toujours en rapport avec les
métiers de bouche : moulin à blé noir, râpe à choux, casse-sucre d'épiciers...
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L'HÔTELLERIE n° 2595 Magazine 7 Janvier 1999